Relaxe quasi totale pour l’auteure des « Réseaux du Kremlin en France », poursuivie en diffamation
Relaxe quasi totale pour l’auteure des « Réseaux du Kremlin en France », poursuivie en diffamation
Le Monde.fr avec AFP
Les juges ont rappelé que présenter des personnes comme étant « pro-Kremlin » ne portait pas atteinte à leur « honneur » et à leur « considération », la définition de la diffamation.
Cécile Vaissié. / DR
Poursuivie en diffamation par six personnalités pour son essai intitulé Les Réseaux du Kremlin en France, consacré au soft power de Moscou dans l’Hexagone, l’enseignante-chercheuse Cécile Vaissié a été condamnée vendredi 14 juin pour un seul passage sur la vingtaine visée par les plaignants.
Ce livre, très remarqué à l’époque – Le Monde avait à sa parution, en 2016, longuement interrogé Mme Vaissié –, décrit les différents cercles, en France, dans lesquels les positions du Kremlin en matière de politique intérieure et de politique étrangère sont accueillies favorablement, voire relayées. S’y côtoient des représentants du monde des affaires ou de la politique, en passant par les milieux académiques ou militaires.
Parmi les personnalités présentées dans ce livre comme « pro-Kremlin », six ont porté plainte contre Cécile Vaissié et son éditeur, estimant que ces écrits portent atteinte à leur honneur. Il s’agit de l’ancienne figure de La France insoumise Djordje Kuzmanovic et de son épouse, Véra Nikolski, haut fonctionnaire, des blogueurs Olivier Berruyer, Hélène Richard-Favre et Pierre Lamblé, et de l’enseignant Gueorgui Chepelev.
Un seul des six plaignants indemnisé
Concernant les plaintes des blogueurs Pierre Lamblé et Hélène Richard-Favre, de l’enseignant Gueorgui Chepelev et du couple Kuzmanovic-Nikolski, la 17e chambre du tribunal correctionnel de Paris a estimé qu’aucun des passages qu’ils poursuivaient n’était diffamatoire.
Les juges ont notamment rappelé que présenter ces personnes comme étant « pro-Kremlin » et, pour les blogueurs, reproduisant sur leurs sites des « erreurs » ou des « mensonges » émanant de sources russes, ne portait pas atteinte à leur « honneur » et à leur « considération », la définition de la diffamation.
En revanche, le tribunal a condamné Mme Vaissié et son éditrice à chacune 500 euros d’amende avec sursis pour un seul des passages poursuivis par le blogueur Olivier Berruyer, qui y était accusé d’avoir une « volonté de déformer les faits, d’attaquer ou de tromper, au moins en ce qui concerne les questions russo-ukrainiennes ». Elles devront lui verser 2 000 euros de dommages et intérêts et 2 500 euros au titre des frais de justice, et le passage devra être supprimé en cas de réédition. Lors de l’audience, les 14 et 15 mars, le parquet avait estimé qu’aucun des propos litigieux n’était diffamatoire.
« Procédure bâillon »
L’avocat de cinq des six plaignants, Jérémie Assous – qui défend par ailleurs la chaîne russe RT France – avait mis en cause la méthodologie de l’universitaire et estimé que rien ne permettait de lier ces personnes à un quelconque « réseau » organisé pro-Kremlin. Le titre de l’ouvrage n’était toutefois pas poursuivi.
La défense de Cécile Vaissié et de son éditrice avait dénoncé une « procédure bâillon ». Les parties ont la possibilité de faire appel.
« Sur une vingtaine de passages poursuivis, un seul est condamné. C’est un de trop, et le débat reste entier » le concernant, a commenté l’un des avocats des prévenues, Me Ivan Terel, à l’issue du délibéré. La question « des réseaux d’influence russes en Europe et en France » s’inscrit « dans le débat le plus actuel », a-t-il estimé.