« Il y a une vie pour les chercheurs hors de la recherche »
« Il y a une vie pour les chercheurs hors de la recherche »
Propos recueillis par Virginie Plaut
Depuis 2013, une mission créée au sein de l’Institut Pasteur accompagne le développement de carrière des chercheurs. A l’origine, la crise existentielle d’une ancienne chercheuse en virologie, Mariana Mesel-Lemoine.
Ancienne chercheuse en virologie, la Brésilienne Mariana Mesel-Lemoine accompagne les chercheurs, permanents ou précaires, de l’Institut Pasteur, dans leur évolution de carrière au sein de la Mission accueil, accompagnement et suivi des carrières des chercheurs (Maascc). Avec sa propre histoire comme exemple, elle leur prouve qu’il existe bien une vie pour les chercheurs hors de la recherche.
Quand avez-vous décidé de devenir chercheuse ?
J’ai été happée par le destin à l’âge de 8 ans. J’ai lu un livre que mon père m’avait donné sur Louis Pasteur et me suis dit : « C’est ce que je veux faire : être à l’Institut Pasteur, découvrir une molécule, un médicament, un vaccin qui va guérir toutes les maladies du monde. » J’ai commencé mes études au Brésil. Je travaillais sur les maladies tropicales. Cela a confirmé ma passion pour la science.
Rêviez-vous toujours de la France et de Pasteur ?
Ce rêve ne m’a jamais quittée. Après mon master, au Brésil, je suis partie pour la France. Je suis arrivée à Paris sans connaître personne, sans parler français… J’avais juste une liste des chercheurs que je souhaitais rencontrer. Il fallait être très déterminée, mais aussi extrêmement naïve ! Mais mon plan a rencontré un écueil. Au Brésil, l’année scolaire commence en février. Donc quand je suis arrivée en France fin septembre, j’étais persuadée d’être très en avance…
Mais, à Pasteur, les recrutements étaient déjà clos. J’ai finalement été acceptée en master puis en thèse à la Pitié-Salpêtrière en immunologie. Et à la fin de ma thèse, j’ai été recrutée en postdoc à l’Institut Pasteur. Je me souviens encore de mon émotion quand j’ai obtenu mon badge ! J’y ai passé six années. Et là, je suis entrée dans une crise existentielle terrible : j’ai réalisé que j’avais perdu ma passion pour la science.
Comment cela a-t-il pu arriver, vous qui en rêviez depuis si longtemps ?
Cela n’arrive évidemment pas d’un coup. Ce sont plein de petites choses additionnées les unes aux autres. J’ai réalisé que nous, chercheurs, passions tous beaucoup de temps à écrire des articles pour être publiés, à chercher des grants [« bourses »] pour être financés… C’était devenu une grande partie du métier. Or la recherche en elle-même n’est pas facile. Elle est composée à 90 % de frustrations, de choses qui ne fonctionnent pas. Donc si vous ajoutez à cela la précarité du métier et le manque de postes… Je me suis essoufflée. Or je n’avais existé jusque-là qu’au travers de ce rêve. Qu’allais-je devenir ?
Et vous avez eu un coup de pouce du destin…
J’ai été élue, sans être candidate, en tant que représentante des postdocs du département de virologie. J’ai rencontré d’autres chercheurs qui se posaient des questions sur leur carrière… Quand, fin 2013, un nouveau directeur de l’Institut a été nommé, je lui ai fait remarquer qu’il n’existait aucun service pour aider les contractuels de l’Institut à faire évoluer leur carrière. Un mois plus tard, il me proposait, à moi, de créer ce service. La Maascc est née ; ma vie a basculé une nouvelle fois. Car cela fonctionne : jusqu’à présent, 80 % des doctorants que nous avons accompagnés ont trouvé du travail – parmi eux, 53 % l’ont trouvé dans le privé et 47 % dans l’académique.
Cet article fait partie d’un dossier réalisé en partenariat avec l’Institut Pasteur.