L’Etat condamné dans le dossier d’Halim A., symbole des assignations à résidence infondées
L’Etat condamné dans le dossier d’Halim A., symbole des assignations à résidence infondées
Par Jean-Baptiste Jacquin
Assigné à résidence pendant soixante-cinq jours, après l’état d’urgence instauré au soir des attentats du 13-Novembre, Halim Abdelmalek obtient 3 000 euros pour le préjudice moral.
Halim Abdelmalek était devenu le symbole des mesures prises sur la foi de « notes blanches » non vérifiées pendant l’état d’urgence instauré au soir des attentats du 13 novembre 2015 au Bataclan, aux terrasses de Paris et à Saint-Denis. Il est aujourd’hui le premier à faire condamner l’Etat pour préjudice moral en raison d’une assignation à résidence infondée. Le tribunal administratif de Melun lui accorde 3 000 euros dans un jugement du 28 juin.
Les trois juges administratifs soulignent, dans les motivations de la décision reçue le 4 juillet par les avocats de M. Abdelmalek, qu’« en estimant que le comportement de M. Abdelmaleck constituait une menace pour la sécurité et l’ordre publics [au sens de la loi sur l’état d’urgence], le ministre de l’intérieur a entaché l’arrêté (…) d’illégalité fautive engageant la responsabilité de l’Etat ». Cet arrêté, signé moins de quarante-huit heures après ces attentats, signifiait à cet homme de 38 ans son assignation à résidence dans sa commune de Vitry-sur-Seine, avec interdiction de quitter son domicile entre 21 h 30 et 7 h 30.
Une erreur reconnue par l’exécutif
M. Abdelmalek avait été le premier des assignés à résidence de l’état d’urgence dont le Conseil d’Etat avait suspendu la mesure, le 22 janvier 2016. Quelques semaines plus tard, le ministère de l’intérieur reconnaissait implicitement son erreur en abrogeant l’arrêté en question.
D’après la note blanche des services de renseignement sur laquelle la Place Beauvau avait fondé sa décision, cet homme avait été surpris en train de prendre des photos près du domicile d’un membre de l’équipe de Charlie Hebdo. De plus, s’inquiétaient les services, il fréquentait une mosquée réputée abriter des islamistes radicaux.
Ces suspicions s’étaient dégonflées comme un ballon de baudruche dès lors qu’elles ont été soumises à un débat contradictoire, en l’occurrence devant la haute juridiction administrative. En réalité, M. Abdelmalek allait tout simplement récupérer son fils chez sa mère, qui habitait cet endroit. Quant à la fréquentation de la mosquée, le ministère de l’intérieur n’avait fourni aucun élément précis sur une éventuelle relation avec des membres de la mouvance islamiste.
Une première
Au final, cet homme est resté soixante-cinq jours enfermé dans sa commune, « à devoir faire face aux pires soupçons », avait-il alors écrit dans une tribune publiée par Le Monde, affirmant condamner le terrorisme et adhérer « aux valeurs de mon pays, la France ».
Ses avocats, William Bourdon et Vincent Brengarth, soulignent aujourd’hui dans une déclaration qu’« il y a eu beaucoup d’abus pendant l’état d’urgence. C’est la première fois qu’un juge constate la faute de l’administration et en tire des conséquences pécuniaires. C’est un message à l’administration qui doit comprendre que l’état d’urgence n’est pas l’irresponsabilité et le tout-permis ». L’état d’urgence, renouvelé à plusieurs reprises, est resté en vigueur près de deux ans, jusqu’au 31 octobre 2017.
Le tribunal a, en revanche, rejeté les autres indemnisations réclamées au titre de la « perte de chiffre d’affaires » de sa société de dépannage et de remorquage de deux-roues et de « la perte de chance », en raison de l’absence de justificatifs permettant de mesurer un éventuel préjudice.