« Le Tour de France à la voile est en train de retrouver ses lettres de noblesse »
« Le Tour de France à la voile est en train de retrouver ses lettres de noblesse »
Propos recueillis par Véronique Malécot
Jean-Baptiste Durier, le directeur de l’épreuve, dont la 42e édition commence vendredi 5 juillet, à Dunkerque, rappelle que « c’est le seul événement qui rassemble des coureurs issus des différentes familles de la voile ».
Lors du départ du Tour de France à la voile 2017, au large de Dunkerque. / DENIS CHARLET / AFP
Après le rachat du Tour de France à la voile en 2012, Amaury Sport Organisation (ASO) a lancé, en 2015, un nouveau format sportif avec le Diam 24, un petit trimaran de 7 mètres. Vendredi 5 juillet, à Dunkerque, débute la 42e édition du tour, la 5e sous l’ère de ce multicoque. Jean-Baptiste Durier, le directeur de l’épreuve chez ASO, explique que le Tour Voile « veut être à la croisée des chemins pour réunir la course au large et celle de l’inshore ».
En 2015, en choisissant le Diam 24 comme support, ASO parlait de « révolution » pour le Tour Voile. Où en est l’épreuve à la veille la 5e édition courue sur ces trimarans ?
Ce Diam 24 a donné un nouveau souffle au Tour Voile. Sportivement, en 2014, lors de la dernière édition avec les monocoques M34, neuf équipages étaient au départ. Aujourd’hui, la moyenne s’établit autour de 25 bateaux. Nous avons retrouvé les conditions d’une participation massive, ce qui est formidable pour nous et important en termes d’attractivité, notamment auprès des collectivités territoriales.
Le Tour Voile est en train de retrouver ses lettres de noblesse. C’est une des deux grandes classiques annuelles avec la Solitaire Urgo Le Figaro. Avec les raids côtiers et les stades nautiques, le Tour est le seul événement qui rassemble des coureurs issus des différentes familles de la voile, de la course au large à l’inshore avec l’olympisme, la Coupe de l’America, etc.
On compte 23 équipages cette année, contre 28 en 2015. Faut-il y voir une marque de désaffection ?
Après une première année à 28, la flotte s’est stabilisée autour de 25 équipages. Cela permet de garantir un espace vital de visibilité nécessaire à chaque équipage. Surtout, organiser le Tour représente d’énormes contraintes de logistique, à la fois à terre avec les montage-démontage des bateaux, les paddocks, mais aussi sur l’eau avec les stades nautiques.
Ce format particulier d’une douzaine de régates d’une quinzaine de minutes qui s’enchaînent avant la finale du jour ne peut être organisé qu’en groupes de 10 à 15 bateaux. Ce ne serait pas confortable de passer le cap des 30. Ce qui nous importe, c’est d’avoir une flotte qui regroupe des professionnels, des grands champions confirmés, des jeunes talents et des amateurs très aguerris. C’est ce qui fait l’ADN du Tour Voile depuis ses débuts en 1978 et nous tenons à le conserver.
Vous cherchez toujours à attirer un partenaire titre pour le « naming » de l’épreuve. Pourquoi n’y parvenez-vous pas ?
Nous avons eu la malchance de voir deux pistes très avancées échouer au dernier moment. Nous n’avons pas passé la dernière validation au niveau mondial. C’est dommage pour 2019. Nous recherchons un partenaire activement pour l’an prochain, c’est un sujet important pour le modèle économique du Tour. C’est la dernière grande épreuve de la voile qui n’a jamais été « namée » et je suis sûr qu’il y a encore de la place. L’enjeu est de vendre au juste prix et de trouver le bon partenaire.
Y a-t-il encore vraiment de la place, dans la « communication voile », pour autre chose que les courses transatlantiques ?
Oui, sinon je ne serai pas là. On ne peut pas nier que l’histoire de la voile en France, dans son rapport au grand public, est marquée par Eric Tabarly. Dans l’imaginaire français, la voile est associée à la course au large, ce qui n’est pas le cas dans le monde anglo-saxon. Les deux plus grandes courses sont le Vendée Globe et la Route du rhum. Pour autant, je pense qu’il y a de la place pour d’autres épreuves. Au-delà de la course au large, l’autre famille de la voile, celle de l’inshore, est très intéressante. Le Tour Voile veut être à la croisée des chemins pour réunir ces deux familles.
Pourquoi êtes-vous revenus à l’inscription du nom d’un territoire sur chaque bateau ?
C’est un clin d’œil à la création du Tour. Pendant le premier quart de son existence, les bateaux ont été parrainés par des territoires. Cela avait un côté sympathique pour le public, qui pouvait s’identifier à un équipage comme au foot on supporterait le PSG ou Marseille. Puis le succès du Tour a attiré les sponsors privés. Nous voulions, sans ôter la place de ces derniers, retrouver la notion de territoire pour que le public puisse de nouveau s’identifier à un équipage et encourager sa région, une « gentille guerre de clochers ».
Les collectivités, beaucoup sollicitées financièrement par ailleurs, avaient été plus difficiles à convaincre pour accueillir l’épreuve il y a quelques années. Comment cela se passe-t-il aujourd’hui ?
Le Tour Voile est redevenu attractif, ce qui n’était plus forcément le cas quand ASO l’a racheté, où il fallait courir après les dernières villes pour boucler le parcours. Nous avons beaucoup plus de demandes de villes-hôtes que de places sur le parcours. Nous en connaissons le tracé jusqu’en 2021 et nous avons des demandes jusqu’en 2025. Nous leur proposons un package sport, animation et retombées en termes d’image. C’est un bon retour sur investissement.
En ce qui concerne ces retombées, ne vous faudrait-il pas accroître votre exposition télé ?
Notre objectif est d’élargir la base des gens qui nous suivent et ouvrir notre audience pour engager la plus grande communauté possible. Nous avons la satisfaction de voir nos accords de diffusion avec France Télévisions, L’Equipe TV et Canal+ renouvelés chaque année et augmentés depuis que nous avons repris le Tour.
Pour ce qui est de la couverture live de l’épreuve, notre difficulté est de proposer la meilleure qualité de direct avec le budget dont nous disposons. Nous n’avons pas celui de la Coupe de l’America !
Après quatre années d’expérience, le format qui fonctionne le mieux est celui de vingt-six minutes qui revient sur la journée de la veille et est diffusé sur la chaîne L’Equipe. Il est attractif pour le grand public, même si nous savons que l’audience est plus faible.
Sur France Télévisions, nous avons un programme d’une minute diffusé sur France 3 et rediffusé sur France 2, où l’audience est, pour le coup, massive. Nous avons également une pastille à l’intérieur du Tour de France cycliste. C’est en moyenne quatre millions de téléspectateurs, c’est une audience que le Tour Voile ne pourrait pas générer seul.
Le Tour Voile demeure-t-il un vivier, une école pour de jeunes talents de la voile ?
Il est un point de passage incontournable dans la carrière d’un jeune qui aspirerait à devenir professionnel. Toutes les grandes stars de la voile actuelle – d’un Peyron ou Desjoyeaux à un Gabart ou Le Cléac’h – sont passées, à un moment ou à un autre, par le Tour de France. C’est une belle école. Si on regarde les vainqueurs des dernières années, nous avons Kévin Peponnet [vainqueur en 2016 et 2018 avec Lorina Limonade-Golfe du Morbihan] qui devient champion du monde de 470 en 2018 ou Quentin Delapierre qui tente de se qualifier pour les Jeux olympiques de 2020 en Nacra 17.