Le Tour de France, une épreuve très plastique
Le Tour de France, une épreuve très plastique
Par Clément Guillou
L’apparition de deux géants de la pétrochimie parmi les sponsors d’équipe et une tribune de députés sur les pratiques de la caravane publicitaire met le plastique au cœur des débats.
Egan Bernal avant la 2e étape du Tour à Bruxelles, le 7 juillet. / MARCO BERTORELLO / AFP
En cent seize ans d’histoire, le Tour de France avait rarement vu cette race de manifestants : un petit groupe de militants écologistes s’est fait entendre dans les rues de Bruxelles, à l’occasion du grand départ de la course, avec des slogans anti-Ineos. Non qu’ils aient quelque chose contre Geraint Thomas et Egan Bernal, les deux leaders de l’équipe jadis connue sous le nom de Team Sky : ces manifestants en voulaient à l’entreprise Ineos, inconnue en France mais qui est un leader mondial de l’industrie pétrochimique.
Premier producteur de plastique vierge en Europe, Ineos a apposé son nom sur le maillot des favoris du Tour, qui, il y a un an, sur leur maillot, promouvait une opération de « sauvetage des océans » et de lutte contre la production plastique.
Dave Brailsford, manageur de l’équipe britannique, est d’une grande souplesse : « Cela ne change rien pour nous, nous essayons toujours, dans l’équipe, de réduire l’utilisation de plastique à usage unique », a-t-il répondu lors d’une conférence de presse avant le départ du Tour. Mieux : « Il est intéressant pour nous de découvrir comment fonctionne Ineos, et tout le travail qu’ils font pour réduire ce problème également. »
Chasse au plastique dans la caravane publicitaire
Le Tour de France met aussi en lumière un autre géant de la pétrochimie, Total. Le groupe pétrolier fabrique des plastiques à travers sa branche Total Petrochemicals. Depuis Paris-Roubaix, il est devenu le sponsor principal de l’équipe Direct Energie, que Total a racheté. Le conseil départemental de Vendée étant un sponsor historique de l’équipe de Jean-René Bernaudeau, la Vendée et Total se côtoient sur le maillot, eux qui s’opposèrent dans la longue et dure bataille juridique du naufrage de l’Erika, conclue en 2012 au bénéfice du département.
« Il est malheureux qu’un tel événement sportif fasse la part belle à des géants de la production de plastique vierge, estime Laura Châtel, chargée de campagne à Zero Waste France. L’éviction de Total du sponsoring des Jeux olympiques 2024 montre pourtant que les grands événements sportifs sont de plus en plus appelés à prendre leurs responsabilités sur ce sujet. »
La caravane publicitaire, qui distribue cette année 15 millions d’objets aux spectateurs du Tour, est également appelée à modérer son utilisation d’emballages plastiques. Dans une tribune publiée avant le départ de l’épreuve dans le JDD, 34 députés et 6 ONG ont réclamé à la caravane publicitaire de se débarrasser des « goodies » en plastique ou de leurs emballages.
Christian Prudhomme, directeur du Tour, fait valoir la « démarche de réduction de l’usage du plastique » imposée aux partenaires du Tour, et le bannissement de la caravane des « tracts, dépliants et prospectus ».
Pour le coureur français Romain Bardet, interrogé sur cette problématique, il y a « encore des choses à faire », notamment sur la caravane publicitaire. « Il y a un équilibre à trouver en tenant compte du respect des traditions et de la nouvelle donne », estime le grimpeur d’AG2R-La Mondiale.