Bolade Apithy, la flamme passée du sabre français ravivée
Bolade Apithy, la flamme passée du sabre français ravivée
Par Chloé Ripert
Bolade Apithy a remporté la première victoire de sa longue carrière en Coupe du monde le 25 mai à Moscou. Alors que le sabre masculin tricolore est à la peine, l’escrimeur a une carte à jouer lors des Mondiaux à Budapest (15-23 juillet).
Le Français Bolade Apithy exulte après un assaut. / ROBERT MICHAEL/AFP
« Moi, le sauveur du sabre ? Quand même pas ! » L’humilité du tireur français Bolade Apithy peut surprendre. A 33 ans, il a connu le plus haut niveau et il ne compte plus ses participations aux grandes compétitions. Mais il n’est pas près d’oublier celle qu’il a vécue à Moscou, la manche russe de la Coupe du monde au sabre. Dans toute sa carrière, il n’était jamais monté sur la plus haute marche du podium dans un rendez-vous international.
Et quelle victoire ! Car Apithy l’a fait avec la manière. Le 25 mai, il a dévoré nombre de cadors de la discipline. En quarts de finale, il a écarté le champion olympique par équipes 2016 Kamil Ibragimov ; en demi-finales, l’Allemand Max Hartung, champion d’Europe individuel en titre. Et en finale, pas moins que le numéro un mondial, l’Américain Eli Derschwitz. Trois leaders de la discipline évincés pour un Bolade Apithy tout en or.
Cette performance est d’autant plus remarquable qu’elle intervient à un moment où l’escrime masculine française court après les résultats : juste un titre en individuel pour l’épéiste Yannick Borel aux derniers Mondiaux en 2018 ; rien pour le sabre et l’épée à l’Euro 2019.
Si Bolade Apithy refuse de se voir comme « le sauveur du sabre français », sa victoire a néanmoins fait un bien fou aux troupes : « C’est vrai que quand j’ai gagné à Moscou, cela a fait sauter des verrous chez tout le monde. C’est la preuve que l’entraînement paye et que tout est possible. »
La déception et le creux post-JO de Rio
La carrière de Bolade Apithy n’a pas été un long fleuve tranquille. Sur les pistes d’escrime dès ses six ans, il évolue d’abord à Dijon. En 2005, il a vingt ans quand il rejoint l’Institut national du sport, de l’expertise et de la performance (Insep). Comme son frère Yémi, aussi escrimeur, il aurait pu concourir pour le Bénin, le pays de son père. Mais ayant toujours vécu en France, il décide de porter les couleurs des Bleus. Un choix payant à ses débuts.
Après des médailles d’argent et de bronze au sabre par équipe lors des championnats d’Europe de 2008 et 2009, il décroche le bronze en individuel à l’Euro 2010. Lors des deux éditions suivantes, ce sera l’argent. Rien ne semble pouvoir mettre un terme à son ascension fulgurante. Ou presque.
La descente aux enfers commence aux Jeux olympiques de Londres en 2012. Le sabre par équipes n’est pas qualifié. Apithy accuse le coup. En solo, il ne passe pas les 16es de finale. Et sombre : « Cela a été une période très compliquée pour moi, j’ai eu beaucoup de mal à gérer la déception des Jeux. J’ai changé d’entraîneur. Je ne me retrouvais plus dans mon escrime. »
Pendant six ans, plus rien. Et quand plus personne ne l’attend, Apithy revient. Sacré champion de France en 2018, un titre qu’il n’avait plus obtenu depuis 2013. En 2019, il finit vice-champion de France et remporte sa première victoire en Coupe du monde. Des résultats de bon augure, même s’il n’a pas confirmé aux Championnats d’Europe (du 17 au 22 juin) : dernier Français en lice en individuel, il a perdu en quarts face à Max Hartung (14-15). « D’une touche c’est frustrant. J’ai pris un risque et il a été plus malin que moi. »
Le sabre par équipes a aussi fait chou blanc. Mais Apithy n’est pas du genre à se laisser aller. Son retour au meilleur niveau cette saison, sept ans après sa chute à Londres, le prouve. « Après les quarts à l’Euro, j’ai félicité Max Hartung. Et je l’ai prévenu : on se verra aux championnats du monde. »
« J’espère revenir avec une médaille »
Apithy semble fin prêt pour Budapest. Mercredi 10 juillet, il est revenu de Normandie, où il était en stage de préparation avec l’équipe de France. Six jours d’entraînement pour débuter les Mondiaux le 15 juillet sur les chapeaux de roues. « Les stages sont des moments d’échange et de partage, notamment avec les jeunes. Cela nous permet de créer une réelle cohésion dans l’équipe. »
Apithy est l’ancien du groupe. Les moins aguerris se tournent vers lui et il leur apporte son expérience et sa sérénité. « Ma victoire en Coupe du monde m’a permis d’engranger de la confiance. J’ai envie de continuer sur ma lancée. J’espère revenir avec une médaille. Ce sera dur, car le niveau est très serré entre les vingt meilleurs. Par équipes, il faudra battre la Géorgie en poule et on risque de tomber sur l’Italie en quarts, un très gros morceau. Mais on n’a pas le choix : il faut viser le podium si on veut aller aux Jeux. »
La partie sera relevée. Mais Bolade Apithy pourra s’appuyer sur sa performance à Moscou pour espérer apporter un petit rai de lumière dans la nuit des escrimeurs français.