Le Bénin se prépare à la restitution du trésor des rois d’Abomey
Le Bénin se prépare à la restitution du trésor des rois d’Abomey
Le Monde.fr avec AFP
Dans l’ancienne capitale du royaume du Dahomey, un nouveau musée accueillera bientôt vingt-six objets du roi Béhanzin que la France s’est engagée à restituer.
Vue sur le musée historique d’Abomey, site de quarante-sept hectares composé d’un ensemble de palais royaux, inscrits sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco depuis décembre 1985. / YANICK FOLLY / AFP
Dans le sud du Bénin, la petite ville d’Abomey paraît aussi endormie que ses palais royaux. Mais tout cela devrait changer : un nouveau musée, flambant neuf, accueillera bientôt vingt-six objets du roi Béhanzin que la France s’est engagée à restituer. Gabin Djimassé, directeur de l’office du tourisme de la ville, en est aussi la mémoire vivante. Il mène les visiteurs entre les vitrines poussiéreuses, les salles d’exposition plongées dans le noir et l’humidité, et à travers les vastes cours des palais décorées de bas-reliefs où sont disposées des lignes de canons. « A l’époque des Portugais, un canon s’échangeait contre quatorze esclaves hommes ou vingt et une esclaves femmes », raconte à l’AFP M. Djimassé, habillé d’une chemise en coton traditionnelle verte et blanche.
Entre le XVIIIe et le XIXe siècle, le royaume d’Abomey était à son apogée : une puissance qui a été stoppée net par les conquêtes coloniales françaises de 1894, durant lesquelles des milliers d’objets ont été dérobés. C’est le cas des vingt-six œuvres – dont le trône du roi – que la France veut restituer au Bénin, ancien Dahomey. « Ces objets, c’est une chance pour la survie du site, se réjouit « Monsieur Gabin ». Ils vont permettre de construire un nouveau musée et de faire des palais royaux une vraie infrastructure économique. »
Avec un prêt de l’Agence française de développement (AFD) de 20 millions d’euros, dont 12 sont entièrement dédiés au nouveau musée d’Abomey, les palais et la cour des Amazones, les guerrières du royaume, seront bientôt transformés. Mais il a fallu revoir les plans. Dans le premier projet, « tout était en vidéo 3D, on se serait cru dans un parc d’attraction ou à Dubaï ! », plaisante M. Djimassé. Le nouveau projet, plus modeste mais qui jurera moins dans le décor de la ville qui l’accueille, laisse une plus grande place à la lumière naturelle et moins aux écrans.
Autre priorité : trouver du personnel qualifié pour guider les touristes, protéger les œuvres et les restaurer, des domaines dans lesquels « il faut commencer à orienter les étudiants dès aujourd’hui », souligne M. Djimassé. « Il y a quatre ans, le [musée du] Quai Branly à Paris a voulu former deux jeunes Béninois à la restauration », se souvient-il. « On a cherché partout des scientifiques chimistes, mais on n’en a pas trouvé ! Résultat : on a envoyé un étudiant en histoire, mais ce n’est pas eux qui peuvent faire de la restauration », se désole-t-il.
« Une grande opportunité pour la jeunesse »
Dans l’Ecole du patrimoine de Porto-Novo, capitale du Bénin et cœur de la culture afro-brésilienne, une douzaine d’étudiants de 28 à 53 ans en uniforme prennent des notes dans une salle au haut plafond, traversée par l’air naturel entre les persiennes. C’est la « première fournée » de ce programme de licence de formation aux métiers du patrimoine, indique leur professeur Richard Sogan.
« Un musée, ce n’est pas seulement un conservateur », note ce spécialiste qui travaille également à l’Agence nationale pour la promotion du patrimoine et du tourisme du Bénin (ANPT). « Il y a toute une chaîne de métiers, des techniciens supérieurs et des ouvriers spécialisés, et on est en train de se mettre en position pour recevoir ces biens », explique-t-il entre deux cours. La plupart des étudiants travaillent déjà dans le milieu de la culture et cherchent à se spécialiser ou à se reconvertir. « Ce retour, c’est une grande opportunité pour la jeunesse, s’enthousiasme Messie Boko, étudiant de 28 ans et déjà guide au Musée d’ethnographie de Porto-Novo. Il est de notre devoir de savoir diffuser ce patrimoine. »
De son côté, bien qu’il ait fait ses études à Paris, Alain Godonou, le « Monsieur patrimoine du Bénin » comme le surnomment affectueusement ses collègues de l’ANPT, n’avait même pas accès aux quelque 5 000 objets issus du royaume du Dahomey actuellement enregistrés dans le patrimoine français. En tant qu’ancien directeur du département des objets culturels pour l’Unesco, il a suivi tous les débats, souvent passionnés, depuis la période post-coloniale. Alors préparer leur retour au pays, c’est un peu l’« aboutissement » d’une vie. Et, pour lui, le vrai travail est avant tout législatif.
Le ministre français de la culture, Franck Riester, a annoncé début juillet un retour « effectif et rapide ». Mais le pays d’Afrique de l’Ouest a besoin d’un « dispositif législatif » pour protéger ces objets. Ces vingt-six pièces du roi Béhanzin sont importantes, mais elles ne doivent être qu’un début, insiste-t-il : « Notre intention n’est pas de récupérer toutes les œuvres. Ceux qui pensent ça n’y connaissent rien. Mais de récupérer notre droit de propriété. » « Nous souhaitons faire circuler ces œuvres, c’est ça notre philosophie, conclut M. Godonou. Car, en réalité, elles sont le patrimoine de l’humanité. »