Un suricate entouré de glaçons aux fruits, à Hanovre, le 26 juin. / HAUKE-CHRISTIAN DITTRICH / DPA / AFP

Rares sont les représentants de l’espèce humaine à avoir eu la témérité de s’aventurer dans les allées écrasées de chaleur du zoo de Vincennes, mardi 23 juillet. Au premier jour d’un nouvel épisode caniculaire, le mercure affiche 34 °C à l’ombre. Une ombre qui se fait rare sur le parcours des visiteurs, étalé sur les quelque 14,5 hectares du parc.

Sur les chemins plombés par les rayons, une petite grand-mère part en éclaireur à la recherche d’une fontaine. Son mari et ses petits-enfants, haletants, suivent péniblement, jetant à peine un œil à la cage de Macéo le puma, qui est parti se reposer plus loin, au frais.

Sur l’herbe calcinée des aires de pique-nique, une famille grignote en pleine fournaise, casquette vissée sur la tête et bras rougis par le soleil. Face aux bassins, les otaries à crinière lèchent leur sorbet au poisson, semblant narguer les visiteurs installés sur les gradins anthracite chauffés par le soleil.

Pour Alexis Lécu, directeur scientifique au zoo de Vincennes, le constat est sans appel : pendant la canicule, « l’espèce animale à laquelle on doit faire le plus attention, c’est l’homme ». Dans la zone « Patagonie » du parc, proies et prédateurs, chacun chez soi, entament leur sieste méridienne à l’ombre de larges ramures d’arbres.

Les manchots d’Humboldt, eux, virevoltent joyeusement dans leur bassin et semblent faire peu de cas de la touffeur ambiante. Car contrairement à leurs cousins qui peuplent l’imagerie populaire, ceux-là ne viennent pas de la banquise, mais de la côte occidentale de l’Amérique du Sud, où il fait régulièrement 28 °C en été.

Espèces adaptées à la chaleur

La rénovation complète du zoo entre 2008 et 2014 n’a pas seulement permis de repenser les espaces pour donner plus de place et de verdure aux 2 000 animaux qui y résident : elle a également été l’occasion de revoir le profil de ses pensionnaires.

« Pour ce nouveau départ, nous avons aussi choisi des espèces qui peuvent facilement s’adapter aux conditions climatiques parisiennes », explique Alexis Lécu. Adieu les ours polaires, présents dans le parc au XXe siècle, bonjour les suricates du désert, arrivés début juin et déjà têtes d’affiche du zoo. Cette canicule n’a donc qu’une incidence limitée sur les 190 espèces présentes, pour la plupart originaires d’Afrique ou d’Amérique latine.

L’accent mis, à l’année, sur la création d’un environnement proche de leur milieu naturel permet de faire passer les semaines de chaleur : des brumisateurs ont été installés dans l’enclos des manchots pour leur rappeler les embruns, l’arrosage des oiseaux tropicaux imite une pluie tombant sur la forêt, des arbres ont été plantés pour offrir des espaces ombragés…

Les brumisateurs peinent à convaincre les manchots, qui préfèrent se baigner dans leur bassin. / LAURA MOTET / LE MONDE

Glaçons au sang

Une dernière mesure, devenue l’une des attractions de l’été pour les visiteurs, s’éloigne cependant fortement des conditions de vie naturelles des animaux : la distribution de pains de glace. Aromatisés au sang pour les lions et les loups, ils sont parfumés aux légumes pour les maras, un rongeur venu d’Amérique du Sud, et les nandous, des oiseaux originaires de la même région du globe. Ils visent avant tout à tromper l’ennui que peuvent ressentir les animaux en captivité, qui ne sont plus contraints de rechercher leur pitance – ni de fuir pour éviter de devenir celle d’un autre.

Un glouton se rafraîchit avec un glaçon, au zoo de Vincennes, le 23 juillet. / LAURA MOTET / LE MONDE

« Ces glaçons sont avant tout des “enrichissements” destinés à stimuler les animaux, en plus de les hydrater, raconte Bastien Servières, soigneur animalier responsable de la zone “Patagonie”. Nous les donnons à l’année aux animaux, en alternance avec de la gélatine. »

De fait, leur distribution entraîne un réel élan d’enthousiasme chez les animaux, qui sortent de leur torpeur pour aller s’attaquer à cette étonnante proie. « Il est d’autant plus important d’en donner aux lions, explique au Monde Alix Ortega, vétérinaire à la réserve africaine de Sigean (Aude), un parc animalier de 300 hectares sur la côte méditerranéenne, qui comprend de nombreux grands félins. Ils ont tendance à avoir les reins fragiles parce qu’ils boivent peu d’eux-mêmes », et ce même lorsqu’ils sont jeunes.

Une lionne lèche un glaçon de sang, à Valence, le 23 juillet. / JOSE JORDAN / AFP

Vigilance envers les plus âgés

Par ces fortes chaleurs, les animaux les plus âgés font également l’objet d’une vigilance accrue de la part des soigneurs. « Avec l’âge vient un risque de déshydratation beaucoup plus important », explique M. Lécu. Un risque à prendre sérieusement en compte dans un parc où, en l’absence de prédation, de nombreux animaux dépassent l’espérance de vie de leurs congénères en liberté.

L’équipe chargée du bien-être des animaux s’assure ainsi que certaines girafes, les plus âgées, restent bien au frais, dans un immense bâtiment accolé à leur enclos. Entre ces murs épais, elles oublient la chaleur, grignotant du foin sur une mangeoire pendue comme un lustre au plafond et gardent Odja, un girafon né le 3 juillet, après la dernière vague de chaleur.

Des girafes âgées se reposent dans un enclos couvert et frais, au zoo de Vincennes, le 23 juillet. / LAURA MOTET / LE MONDE

« Actuellement, nous avons suffisamment de moyens “naturels” pour aider les animaux à faire face à la canicule, précise Mme Ortega. Mais à long terme, le réchauffement climatique pourrait faire évoluer le type d’espèces qui seront présentées par les parcs. »

Quant aux humains, ils peuvent d’ores et déjà ajuster leurs horaires pour fuir les grandes chaleurs. Depuis le 6 juin, le zoo de Vincennes reste ouvert aux visiteurs les jeudis soirs jusqu’à 22 heures. Certains personnels du parc sont aussi autorisés à venir travailler plus tôt, afin de leur permettre de nettoyer les espaces sous un soleil un peu plus clément.