CINÉ+ PREMIER - MERCREDI 7 AOÛT À 20 H 50 - FILM

Il faudrait inventer un compteur capable de mesurer l’énergie que dégage un film. Rien que pour le plaisir de le voir exploser en regardant Good Time (2017). Jusqu’ici metteurs en scène plutôt intimistes des marges new-yorkaises, Josh et Benny Safdie n’ont pas abandonné ce territoire. Pour leur quatrième long-métrage de fiction, ils le parcourent autrement, à un train d’enfer, sur les pas de Connie (le meilleur rôle de Robert Pattinson à ce jour), un gentil garçon qui détruit les existences de tous ceux et celles qui croisent son chemin.

La course folle de Connie à travers le Queens – le moins filmé de tous les boroughs de New York – éclaire brutalement les existences banales qu’elle fait voler en éclats. Grand-mère haïtienne, honnête salarié venu d’Afrique de l’Est, fille de bonne famille, les quilles de ce jeu violent dessinent une galerie de portraits d’une précision presque documentaire. Mais ça, on se le dira plus tard, après le générique de fin.

Pulsations nocturnes

Commençons par le commencement. Le visage fermé d’un garçon face à un thérapeute. Nick (Benny Safdie, qui, non content d’être acteur dans son propre film, en est aussi l’un des ingénieurs du son), souffre manifestement d’un ­trouble psychiatrique voisin de l’autisme ; il est aussi malentendant. Il tente de répondre aux questions patelines du psychologue jusqu’à ce qu’un beau jeune homme passe la tête par la porte et interrompe grossièrement l’entretien. Connie a d’autres idées sur l’avenir de son frère qu’un placement dans une institution spécialisée. Il se verrait bien avec lui dans une ferme, loin de tout. Et pour y arriver, il l’entraîne à sa suite dans une banque, que les deux garçons, masqués, braquent.

C’est le début d’une cavale au long de laquelle tout ce qui peut tourner mal tournera mal. On passe de la terrible prison de Rikers ­Island aux couloirs d’un hôpital, d’un fast-food à un parc d’attractions. Chaque fois qu’une de ses combines tourne mal, Connie en lance une autre, aux conséquences potentielles encore plus désastreuses. La majeure partie de Good Time est filmée de nuit, pour capter les pulsations nocturnes de ses vies. La bande-son, elle aussi, tourne le dos aux habitudes et parfait la sensation de cauchemar éveillé qui finit par envahir le film.

Aussi ridicules que soient les personnages, ils sont tous traités avec attention et affection

Ce format – la nuit de toutes les catastrophes – a été éprouvé maintes fois dans les rues de New York, à commencer par Martin Scorsese, qui présenta After Hours en compétition à Cannes en 1985. Les frères Safdie y apportent une sensibilité particulière, tout en respectant les règles – rapidité, violence, humour. Mais aussi ridicules que soient les personnages – Ray, par exemple, est dépourvu du moindre instinct de conservation, une bêtise que Buddy Duress incarne avec une grande intelligence comique –, ils sont tous traités avec attention et affection.

Cette affection s’étend jusqu’à Connie, qui ne la mérite que par la constance de son amour fraternel. Le reste – mensonges, violence – en ferait un garçon tout à fait antipathique, s’il n’y avait pas Robert Pattinson. Jusqu’ici, l’ex-star de Twilight ne tenait qu’une note par personnage, certes pas toujours la même. Pour les Safdie, il a étendu son registre. Pitoyable puis terrifiant, charmeur puis lubrique, il est un ange. Un ange de la mort qui se prend pour un ange gardien.

GOOD TIME de Josh et Benny Safdie
Durée : 01:52

Good Time (2017), film américain de Josh(ua) et Ben(ny) Safdie. Avec Robert Pattinson, Ben(ny) Safdie, Jennifer Jason Leigh (1 h 40). www.advitamdistribution.com/films/good-time