« Je promets d’être sage » : big bang au Musée des beaux-arts de Dijon
« Je promets d’être sage » : big bang au Musée des beaux-arts de Dijon
Par Thomas Sotinel
Mené au rythme des comédies de l’âge d’or américain, le premier long-métrage de Ronan Le Page s’avère prometteur pour la suite de sa carrière.
Il devrait avoir un César du meilleur espoir des décors. Les débuts au cinéma du Musée des beaux-arts de Dijon dans Je promets d’être sage sont à la fois spectaculaires et salutaires. La seule idée d’avoir inséré les tribulations romantiques et amoureuses de Franck (Pio Marmaï) et Sibylle (Léa Drucker) entre gisants et pleurants, parmi les silhouettes tourmentées et grotesques de cette collection médiévale donne au premier long-métrage de Ronan Le Page une longueur d’avance sur la plupart des comédies françaises, puisqu’il s’agit bien d’une comédie.
Bien sûr, toutes les idées qui sont passées par la tête du metteur en scène et scénariste ne sont pas aussi fructueuses, et ce foisonnement désordonné ralentit parfois le film, qui aspire de toute évidence à la frénésie des comédies américaines de l’âge d’or. Reste que ces défauts valent la plupart des qualités que l’on trouve au restant de la production.
Quand on rencontre Franck, il vit ses derniers moments d’artiste. Metteur en scène de théâtre, il propose à un public hébété par tant d’agressivité une création qui met en péril les tenues des premiers rangs de spectateurs. Exaspéré par la timidité de sa troupe, le jeune homme s’engage lui-même sur scène jusqu’au désastre.
De ce big bang sort un nouveau Franck, décidé à rentrer dans le rang, celui – en l’occurrence – des gardiens du Musée des beaux-arts de Dijon. Malgré le scepticisme de ses proches, l’artiste défroqué se plie aux règles de l’administration et de la précarité (il est en CDD), arborant la physionomie doucement illuminée d’une novice entrant au carmel (ce que Pio Marmaï fait à merveille). Mais dans cet éden de l’ordinaire, fait de conflits et de joies aussi minuscules les uns que les autres, vit un serpent.
Je promets d'être sage - Bande-annonce officielle
Durée : 01:35
Une espèce de sorcière séduisante
Si l’on a été salarié plus de quinze jours au sein d’un groupe, on a forcément connu cette figure du/de la collègue que personne ne supporte et qui ne supporte personne (à moins de l’avoir été soi-même). C’est un facile objet de dérision, une figure comique évidente. Léa Drucker et Ronan Le Page en font un être presque surnaturel, une espèce de sorcière séduisante et terrifiante. Le scénario offre quelques hypothèses quant aux chemins qui ont mené cette femme d’autorité en bas de l’échelle du pouvoir. La mise en scène les présente un peu lourdement, mais heureusement brièvement.
Parce qu’on s’en fiche de savoir pourquoi la mémoire à court terme de Sibylle est pleine de courts-circuits. Qu’elle ait reçu un coup sur la tête ou qu’elle souffre d’un désordre neurologique, ce qui importe, c’est son appétit insatiable : d’argent, de revanche, de pouvoir, d’amour… Mis à part les ébauches de diagnostic évoquées plus haut, on ne trouvera aucune excuse au comportement de cette pillarde des réserves du musée, de ce parasite de la confiance d’autrui. D’ailleurs, son interprète ne lui en cherche pas. Plutôt que de susciter l’empathie en fouillant dans les souffrances de son personnage, Léa Drucker préfère porter haut la liberté de cette femme qui décide, perversement, de faire dérailler le projet de normalité de son nouveau collègue. Pio Marmaï se retrouve dans la position du clown blanc, désarçonné par la furie et l’imprévisibilité de sa partenaire, effrayé à la perspective de replonger dans la dissidence.
« Je promets d’être sage » raconte les tribulations amoureuses de Franck et Sybille, gardiens au Musée des beaux-arts de Dijon. / APOLLO FILMS
Entamé, après son spectaculaire prologue burlesque, sur le ton de la comédie quotidienne, Je promets d’être sage se transforme en road movie, une version mixte de Thelma et Louise (il y a même une falaise au bout du chemin). La jolie petite galerie de portraits que Ronan Le Page a installée dans les parties du musée interdites au public (avec, au premier rang, celle du collègue hypocondriaque et altruiste que joue Gilles Privat) cède la place à un enchaînement d’arnaques et de fugues qui sortent Je promets d’être sage des territoires de chasse habituels du cinéma français et donnent envie de découvrir la suite des aventures de son réalisateur.
Film français de Ronan Le Page. Avec Léa Drucker, Pio Marmaï, Gilles Privat, Mélodie Richard (1 h 32). materiel.apollo-films.com