Communistes et libéraux manifestent à Moscou contre le Kremlin dans le calme
Communistes et libéraux manifestent à Moscou contre le Kremlin dans le calme
Par Nicolas Ruisseau (Moscou, correspondance)
Leurs rassemblements contre Vladimir Poutine ont été organisés dans des endroits différents de la capitale. Aucune violence policière n’avait été signalée en milieu d’après-midi.
Le journaliste Ilya Azar, l’un des organisateurs des manifestations de l’opposition libérale, tient sa pancarte : « Il n’y a pas eu de troubles massifs », samedi 17 août à Moscou. / NICOLAS RUISSEAU / « Le Monde »
Quelques milliers de communistes, quelques centaines de libéraux. Loin des 50 000 personnes du rassemblement de samedi 10 août, les manifestations « pour les élections honnêtes » ont peu mobilisé en ce samedi 17 août pluvieux à Moscou.
Mais le message est clair. « Nous avons un ennemi commun : le Kremlin. Unissons-nous ! », confie parmi d’autres Olga Bitchova, une retraitée « active depuis des années à toutes ces manifestations ». Après avoir participé à midi au rassemblement du Parti communiste, autorisé par la mairie un peu à l’écart du centre, elle est allée vers 15 heures à l’un des trois endroits choisis au cœur de la capitale par l’opposition libérale pour brandir une affiche de protestation.
« Non au déni constitutionnel », a-t-elle écrit en lettres rouges et noires sur son tee-shirt blanc qui fait office de pancarte. Alors que les autorités ont interdit toute marche de protestation, les anonymes se succèdent ainsi, debout pendant quelques minutes, seuls avec une affiche dans les mains. Ils se conforment à la stricte loi russe sur les rassemblements publics qui, sans autorisation préalable, permet ce genre de manifestation individuelle à condition que les protestataires soient séparés de 50 mètres.
3 000 interpellations depuis la mi-juillet
Depuis la mi-juillet, l’opposition au Kremlin de Vladimir Poutine organise diverses formes de manifestation pour protester contre le rejet des candidats indépendants à l’élection locale du 8 septembre. Un scrutin local dont l’enjeu est du coup devenu national. Quelque 3 000 personnes ont au total, depuis le début du mouvement, été interpellées.
« Aujourd’hui, nous ne sommes pas venus simplement pour défendre notre droit à avoir de vraies élections. C’est désormais plus large. Nous protestons contre la vague de violences policières, d’arrestations et de poursuites judiciaires », explique au Monde Ilya Azar, journaliste devenu l’un des organisateurs du mouvement au sein de l’opposition libérale. Sur sa pancarte, il a écrit en capitales « Il n’y a pas eu de troubles massifs ». Allusion aux poursuites pénales lancées en près d’un mois contre au moins 14 personnes accusées d’avoir participé à des « troubles massifs » ou « des violences contre les forces de l’ordre ».
Parmi eux, de nombreux jeunes, dont Egor Joukov, 21 ans, étudiant en sciences politiques. Devenu l’un des visages symboles de cette contestation, il encourt jusqu’à huit ans de prison. « C’est pour le défendre, lui et d’autres, que nous manifestons aujourd’hui. Le mouvement n’est pas prêt de se finir… », promet Ilya Azar. D’autres rassemblements sont en projet avant l’élection.
« Toutes les forces doivent s’unir »
« D’ici au 8 septembre, nous sommes prêts à manifester avec les libéraux. Toutes les forces doivent s’unir », a pour sa part déclaré au Monde Pavel Groudinine, l’un des leaders du Parti communiste, candidat à la présidentielle l’an passé. « Nous avons des gènes différents et venons de classes sociales différentes. Mais la lutte contre la corruption et pour des élections honnêtes est aujourd’hui notre combat commun. »
Au meeting du Parti communiste, des manifestants demandent « des élections honnêtes et un changement de pouvoir ». / NICOLAS RUISSEAU / « Le Monde »
Les communistes, qui forment une opposition généralement loyale au Kremlin, ont rejoint sur le tard la vague de contestation pour le scrutin du 8 septembre. Présent à la Douma nationale, le parti a pu automatiquement présenter des candidats à la Douma de Moscou sans devoir recueillir de signatures de soutien. Au contraire, les candidats du mouvement libéral, absents à la Douma nationale, ont dû collecter ces signatures et ont été exclus à cause de prétendus vices de forme.
« Nous savons par avance qu’il y aura des infractions le jour du scrutin. Et, tous, nous sommes fatigués du régime de Poutine… Protestons ensemble pour des élections honnêtes et contre les arrestations ! », confie Sergueï Kougrenskii, l’un de ces candidats communistes présents dans la foule de la manifestation de son parti. Ce meeting réunissant quelque 4 000 personnes sous les drapeaux rouges s’est conclu par L’Internationale et les appels « à changer le régime pour passer au socialisme ».
Autour, la présence policière était visible mais pas massive. Encadrant les actions individuelles de l’opposition libérale, les policiers semblent suivre à distance le mouvement sans intervenir. Loin donc, pour le moment, des violentes arrestations des premières manifestations. Selon le site indépendant Meduza, il y a eu cependant quelques arrestations (au moins deux) après qu’un petit groupe de jeunes a crié « Poutine, voleur ! » sur Starii Arbat, la célèbre rue piétonnière de Moscou.
D’où vient l’actuelle vague de mobilisation en Russie ?
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