Les dessins animés plus traumatisants que les films pour adultes
Les dessins animés plus traumatisants que les films pour adultes
Par Nathaniel Herzberg
Plus de morts, plus de violence : une étude canadienne publiée dans le « British medical journal » dresse un tableau alarmant du cinéma pour enfants.
JD HANCOCK/CC BY 2.0
« Ce film est réservé aux moins de douze ans, certaines scènes pourraient choquer un public non averti… » A en croire une étude canadienne rendue publique mardi 16 décembre, cet avertissement devrait surtout être apposé sur nombre de films pour enfants. Selon le compte rendu publié dans le British medical journal (BMJ), les dessins animés apparaissent beaucoup plus violents que les films pour adultes et loin d’offrir une alternative aux seconds, les premiers plongent les plus jeunes dans « un foyer de mort et de destruction ».
L’article est rédigé avec le ton humoristique cher aux publications de fin d’année du BMJ. Pourtant, la méthode employée est rigoureuse le constat qu’il dresse, implacable, à la mesure des chiffres dévoilés. Les personnages principaux des dessins animés ont 2,5 fois plus de chance de mourir au cours de la projection que ceux des films pour adultes. Pis : le risque d’y assister à un meurtre est trois fois plus important. Quant aux parents des héros, ils succombent cinq fois plus souvent.
Dévorée par un barracuda
L’idée de conduire une telle recherche est apparue à Ian Colman, professeur associé d’épidémiologie à l’université d’Ottawa, lorsqu’il a découvert sur son ordinateur un message, envoyé par une amie. « Vous vous apprêtez à regarder Le monde de Némo ce soir avec vos enfants ? Un conseil : sautez les 5 premières minutes. » Effectivement, au bout de 4 minutes et 3 secondes, la mère du petit poisson était dévorée par un barracuda (Mieux donc que Tarzan, version 1999, ou les léopards patientent quatre minutes et 8 secondes avant de dépecer les parents du héros), selon un scénario dont les ressemblances avec la scène de la douche de Psychose ne semblent pouvoir être ni involontaires, ni fortuites.
Avec trois collègues canadiens et britanniques, le chercheur a alors établi un protocole. Il a rassemblé les 45 plus gros succès du cinéma d’animation américain, depuis Blanche neige en 1937 à la Reine des Neiges, en 2013. Et il a chaque fois comparé ceux-ci aux deux « drames » arrivés au sommet du box-office la même année. Du premier groupe, il avait exclu les films de robots ou de voitures, estimant « confus le concept de mort pour un non-humain ». Du second, il a écarté les films d’action ou d’aventure, « souvent conçus pour plaire aux enfants ». Demeurait toutefois dans le groupe témoin quelques aimables douceurs comme L’exorcisme d’Emily Rose, Pulp fiction ou Black swan.
Phénomène de longue durée
Colman et ses cosignataires ne s’en sont pas tenus à l’examen froid des chiffres. Ils invitent à apprécier le phénomène sur la longue durée. Or, selon eux, « rien ne semble suggérer d’évolution depuis 1937, quand la belle-mère de Blanche neige, poursuivie par les sept nains, était frappée par un éclair, précipitée du haut d’une falaise et écrasée par un bloc rocheux ». Hier comme aujourd’hui, la mort frappe régulièrement les personnages principaux (2/3 des dessins animés contre 50 % des drames pour adultes), selon des modes opératoires assez récurrents. En haut du palmarès trônent ainsi les attaques de bêtes féroces (5 dont Le monde de Némo et Tarzan), les meurtres par balles (Bambi, Pocahontas, Peter Pan) ou par armes blanches (La petite sirène, La belle au bois dormant).
Quel impact peuvent avoir ces expositions, d’autant plus répétées que les enfants ont tendance à revoir leurs films favoris plusieurs fois ? De nombreuses études ont montré que les événements vécus à l’écran laissaient des traces chez les jeunes spectateurs. « Par exemple, ceux qui assistent à une noyade au cinéma sont plus rétifs à la pratique du canoë », souligne l’étude. À l’inverse, dans une société où les parents rechignent à parler de mort, « une telle rencontre peut avoir un impact positif si elle est traitée de façon appropriée ». Et les auteurs de saluer Le Roi Lion, modèle de pédagogie sur « la complexité du travail de deuil ».
Mais le gentil fauve n’est pas seul dans la jungle cinématographique. D’autres, plus sauvages, rôdent autour de nos bambins. Aussi les auteurs invitent les parents à regarder les dessins animés avec leurs enfants « afin de pouvoir les soutenir lorsqu’ils seront confrontés aux scènes d’horreur qui surgiront inévitablement ». That’s all folks !