Le portrait chinois de Blanche Gardin
Le portrait chinois de Blanche Gardin
Par Sandrine Blanchard
Chaque semaine, une personnalité répond à un questionnaire de Proust revisité par « L’Epoque ». L’humoriste et comédienne, qui revient avec un nouveau stand-up, s’est prêtée à l’exercice.
Blanche Gardin est sur scène, à Paris, jusqu'au 26 juin. | ROBERT JEAN-FRANÇOIS/MODDS
C’est la trentenaire dépressive la plus drôle du moment. Avec Blanche Gardin, rire de tout n’est pas une expression galvaudée. Cette humoriste dépeint la solitude et les affres du célibat comme personne. Ancienne éducatrice, diplômée de sociologie, Blanche Gardin s’est formée au Jamel Comedy Club, avant d’incarner des rôles d’idiote désarmante à la télévision (« WorkinGirls » sur Canal+, « Marjorie Poulet » sur Comédie !).
Une cinglante rupture amoureuse la pousse à écrire : ce sera Il faut que je vous parle, son premier seule-en-scène, il y a un an. Un bijou d’humour noir. A l’affiche au cinéma avec Adopte un veuf, elle revient sur scène avec Je parle toute seule, un nouveau stand-up toujours aussi acerbe (à La Nouvelle Seine, Paris 5e).
« Je parle toute seule », spectacle de Blanche Gardin à La Nouvelle Seine
BLANCHE GARDIN - Il faut que je vous parle
Durée : 02:15
Vous êtes un tweet en 140 caractères.
Ce n’est pas le tweet qui est mauvais. C’est ce que l’homme en a fait.
Vous êtes un hashtag.
#Bémol.
Vous êtes un complot ou une fausse rumeur.
Un SMS envoyé à tous mes contacts : « Surtout, évitez le quartier Opéra ce soir, j’ai pété. »
Vous êtes la fonction d’un robot intelligent.
La responsabilité.
Vous êtes une application mobile idéale.
Géolocalisation des cabines téléphoniques.
Vous êtes un lanceur d’alerte.
Je dénonce le fait que la classe politique vit au-dessus de ses moyens intellectuels.
Vous êtes un réseau social.
Copainsdécédés.com
Vous êtes un geste pas écolo.
Jeter les emballages en plastique de crèmes antirides sans parabène dans la mer.
ROBERT JEAN-FRANÇOIS/MODDS
Vous êtes une expression à la mode insupportable.
J’hésite entre « y’a pas de souci » et « je suis en mode »… Ces deux formules résument bien l’impasse anthropologique actuelle. « Y’a pas de souci » a complètement envahi nos interactions pour dire : « Ça va, mon ego va survivre à cet échange. » On entre dans une boutique. Le vendeur : « Je peux vous aider ? » Le client : « Non merci. Je regarde, juste. »
Le vendeur : « Y’a pas de souci. » A mon avis, y’a justement un gros souci : on a tous le même niveau d’insécurité affective que des nourrissons de 6 mois. A tout prendre, on préférerait être « en mode ceci, en mode cela », comme les robots, plus performants que nous et qui n’ont pas l’air d’être embarrassés par ces trucs vraiment pénibles dont sont affublés les humains : le doute, l’imperfection, la faiblesse, la morale.
Vous êtes un smiley.
Le Lexomil.
Vous êtes une émission de TV.
« Droit de réponse ».
Vous êtes fast ou slow-food ?
Ça dépend si j’ai mangé des pruneaux ou du riz.
Vous êtes Tinder ou fin de soirée arrosée ?
Je préfère la vie réelle, à jeun. Il est d’ailleurs intéressant de constater que le réel peut être totalement dénué d’événements.
Vous êtes un néologisme.
Kalashniquer.
Je parle toute seule, spectacle de Blanche Gardin, à La Nouvelle Seine, du 6 mai au 26 juin. www.lanouvelleseine.com