Garbine Muguruza, sourire aux lèvres, avec son trophée, après avoir remporté la finale de Roland-Garros face à Serena William, samedi 4 juin. | David Vincent / AP

« Je suis ambitieuse, j’en veux toujours plus. » L’Espagnole Garbine Muguruza l’a incontestablement prouvé en détrônant, samedi 4 juin, Serena William, en finale de Roland-Garros (7-5, 6-4). La jeune femme de 22 ans, qui n’avait à son palmarès que deux titres relativement mineurs (Hobart 2014 et Pékin 2015), a déjoué les pronostics, en s’imposant à la façon de sa rivale : en puissance et sans se poser de questions.

« Ça me plaît d’être entre deux pays »

Née à Caracas d’un père basque espagnol et d’une mère vénézuélienne, c’est à l’âge de 3 ans que Garbine Muguruza a tapé ses premières balles, guidée par ses deux frères. Trois ans plus tard, elle quitte son pays pour intégrer la prestigieuse académie Sergi Bruguera à Barcelone. Garbine Muguruza restera quinze ans dans la capitale catalane, qui est aussi la ville d’Arantxa Sanchez, la seule Espagnole à avoir gagné à Roland-Garros avant elle, à trois reprises, en 1989, 1994 et 1998, mais dans un style défensif diamétralement opposé à celui de Muguruza, dont le jeu est agressif et spontané.

Ayant la double nationalité, Garbine Muguruza a dû « choisir son camp » en 2014, lorsqu’elle a porté les couleurs ibériques pour jouer la Fed Cup face à la Roumanie. Mais la jeune femme assure que le Venezuela garde une place constitutive dans son jeu et dans son état d’esprit. « Ça me plaît d’être entre deux pays. J’ai aimé le soutien que j’ai reçu du Venezuela, je n’oublierai pas ce que ce pays m’a donné, ainsi qu’à ma famille, pour être où je suis aujourd’hui en tennis », a-t-elle déclaré dans El Pais.

Garbine Muguruza pose avec son trophée après avoir remporté la finale de Roland-Garros face à Serena William. | CORINNE DUBREUIL / AFP

Sam Sumyk, son entraîneur français depuis septembre 2015, estime que les origines maternelles de la jeune femme la distinguent des autres joueuses :

« Les gens d’Amérique latine ont cette faculté de lâcher prise. Une petite blague, un peu de musique et le corps et l’esprit se laissent aller, toujours avec le sourire. Ils ont les mêmes soucis qu’en France ou ailleurs, mais pendant cinq ou dix minutes, tout le monde oublie et l’esprit de fête ressort, puis on repart dans notre quotidien. Son côté espagnol, c’est d’aller bouffer à dix heures du soir… »

« Je peux inquiéter ce genre de joueuse »

En janvier 2014, la jeune femme a gagné son premier titre au tournoi de Hobart. Alors qu’elle était issue des qualifications, elle se fraya un chemin jusqu’en finale, où elle domina outrageusement (6-4,6-0) la Tchèque Klara Zakopalova, alors n° 7 mondiale. Une performance inespérée qui la propulsa dans le top 50 du classement WTA. Depuis, elle ne cesse de faire tomber en cascade les têtes de série. A l’Open d’Australie, en janvier 2014, elle vient à bout de la Danoise Caroline Wozniacki. A Roland-Garros, elle en est à deux victoires à zéro contre Williams. C’est à Paris qu’elle s’était révélée au grand public en éliminant l’Américaine dès le deuxième tour en 2014.

A défaut des pronostics, Garbine Muguruza avait compté sur sa hargne et sa jeunesse pour déborder sa redoutable adversaire. Son service parfait avait joué en sa faveur. « C’est le genre de victoire qui va m’aider à aller plus loin, avait alors confié l’Espagnole. Ça me prouve que je peux inquiéter ce genre de joueuses, et même les battre », avait-elle déclaré. Vaincue, Serena Williams avait, pour sa part, félicité sa rivale dans un tweet ambivalent :

« Bravo à ma concurrente du jour. Elle a fait le job. Je suis fière d’elle. Je lui souhaite le meilleur. Jusqu’à la prochaine fois. Demain est un autre jour, et je serai prête. »

Une solitaire

C’était sans compter la progression insolente de Muguruza. D’une ambition sans faille, la joueuse a déménagé l’an dernier à Genève pour s’entraîner avec Sam Sumyk, l’homme qui avait conduit Victoria Azarenka à la première place mondiale et à deux titres du Grand Chelem (Open d’Australie 2012 et 2013). « Elle sait jouer au tennis, faire beaucoup de choses, elle a le sens du jeu, elle a un répertoire assez important, explique son entraîneur. J’espère qu’on fera du très bon travail et qu’on réussira à exploiter toutes ses qualités car il y en a beaucoup », avait déclaré Sam Sumyk, considéré comme l’un des meilleurs entraîneurs du circuit féminin. 

Ça n’a pas manqué : la carrière de la jeune femme a vraiment décollé depuis que l’entraîneur l’a prise sous son aile. A partir de l’été 2015, Muguruza a été finaliste à Wimbledon (vaincue par Serena Williams), victorieuse à Pékin et demi-finaliste du Masters. Durant cette période, elle a bondi de la 20e place à la WTA au top 4.

Un succès qui se paye. Dans une interview accordée à El Pais, la jeune femme confiait la solitude des joueuses de tennis, dans un univers hostile, où règne l’esprit de compétition. « Les gens de mon âge n’endossent pas toutes les responsabilités qui sont les miennes. Ils pensent que ma vie est un compte de fées. Mais il est très difficile de se faire des amis dans le monde du tennis : l’esprit de compétition est fort, et l’on est toujours en tournoi. Les garçons sont différents, mais les joueuses se détestent toutes. Celles qui vous diront le contraire sont des menteuses », confie-t-elle avec son traditionnel franc-parler.

Tennis et réseaux sociaux

Après une année 2015 marquée par ses records, son début de saison 2016 a été difficile. Elle jouait à Roland-Garros sa première finale de l’année et n’avait atteint sa première demie qu’à la mi-mai à Rome. Sa victoire à Paris va faire de cette athlète longiligne de 1,82 m la dauphine de Williams au classement mondial. Une nouvelle qui a ravi les Ibères, heureux de trouver une digne successeure à ses gloires d’antan. « En Espagne, c’est notre tournoi du Grand Chelem préféré. Rafa [Nadal] a été champion tellement de fois ici. Le gagner face à l’une des meilleures joueuses de tous les temps, c’est encore plus beau », a réagi la joueuse en recevant la coupe sur le Central.

La jeune femme, adepte des réseaux sociaux, où il lui arrive de pousser la chansonnette, a savouré sa victoire en famille. Sur Instagram, on la voit, trophée à la main, entourée de ses parents et de ses deux frères.

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Une photo publiée par Garbiñe Muguruza (@garbimuguruza) le

L’heure de la succession est peut-être proche, vu l’âge de la souveraine Serena William, 34 ans. Et Muguruza pourrait une nouvelle fois montrer sa suprématie sur son aînée et modèle dans trois semaines à Wimbledon car, en l’absence provisoire de Maria Sharapova, suspendue pour dopage, les deux cogneuses trouveront peu de rivales sur l’herbe anglaise qui convient à merveille à leur jeu.