La bataille pour le référendum de Notre-Dame-des-Landes a commencé
La bataille pour le référendum de Notre-Dame-des-Landes a commencé
Par Rémi Barroux
Le site de la Commission nationale du débat public a mis en ligne les arguments des opposants et des défenseurs du projet, visant à informer les électeurs de Loire-Atlantique en vue de la consultation du 26 juin.
Le site de Notre-Dame-des-Landes, près de Nantes. | JEAN-SÉBASTIEN ÉVRARD / AFP
A compter de jeudi 9 juin, 17 heures précisément, les 967 500 électeurs de Loire-Atlantique vont pouvoir consulter le dossier d’information sur le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, sur le site de la Commission nationale du débat public (CNDP). Ils devraient ainsi pouvoir répondre à la question : « Etes-vous favorable au projet de transfert de l’aéroport Nantes-Atlantique sur la commune de Notre-Dame-des-Landes ? », posée par le gouvernement à l’occasion d’un référendum qui se tiendra dimanche 26 juin.
Après plus de cinquante ans d’histoire tourmentée, de contestation juridique, politique et physique de la part d’habitants et d’agriculteurs, d’occupation du bocage par les « zadistes », le dossier de l’aéroport du Grand Ouest – voulu par les majorités successives régionales (gauche et droite) et défendu ardemment par les gouvernements socialistes successifs de Jean-Marc Ayrault et Manuel Valls – pourrait donc connaître une avancée substantielle.
En cas de victoire du « oui », annoncée par les sondages récents, plus rien ne s’opposerait au démarrage des travaux du futur aéroport au sud du petit village de Notre-Dame-des-Landes, à une quinzaine de kilomètres au nord de Nantes. C’est ce qu’ont annoncé, à de nombreuses reprises, le président de la République et le premier ministre. Ce dernier datant même à l’automne le début du chantier et, donc, l’évacuation de la « zone à défendre », la ZAD. Si le « non » l’emportait, alors le projet serait abandonné, a promis François Hollande.
On n’en est pas là, d’autant que l’évacuation de la ZAD, réclamée y compris par des opposants au projet d’aéroport, comme le maire de Notre-Dame-des-Landes, ne serait pas une opération évidente : plus de 200 occupants qui recevront, à n’en pas douter, des milliers de renforts, des dizaines de kilomètres carrés à évacuer, puis à contrôler et à garder durant les nombreux mois de chantier.
Mais aussi des manifestations à prévoir des militants de quelque deux cents collectifs contre l’Etat et Vinci – le futur gestionnaire de l’aéroport, Airports aéroport du Grand Ouest [AGO], étant une filiale de Vinci. Sans oublier la rupture politique avec les écologistes, qui ont fait de Notre-Dame-des-Landes un dossier emblématique. Le tout à six mois d’une élection présidentielle qui s’annonce délicate pour le Parti socialiste, et alors que les personnels de police et de gendarmerie – il faudrait en mobiliser plus de 2 000, selon les spécialistes, durant une période assez longue – sont surchargés de missions, notamment avec Vigipirate.
Six arguments en faveur du oui et du non
Tous ces éléments ne sont bien sûr pas dans le dossier de la CNDP, un organisme indépendant, dont les membres se sont attachés à présenter les données disponibles sur ce dossier complexe. Ils ont aussi rassemblé les arguments des défenseurs comme des opposants. « Nous avons présenté, à la fin du document, six arguments en faveur du oui et du non, se félicite le président de la CNDP, Christian Leyrit. Et nous avons référencé les différents sites d’information, des pro et des anti, le but étant que chacun se forge vraiment son opinion. »
Sur le site, dont Le Monde a pu voir une préfiguration, parmi les arguments du « oui » au transfert de l’aéroport nantais actuel vers Notre-Dame-des-Landes, on trouve aussi bien la question du « développement de l’attractivité du territoire », la « suppression des risques et des nuisances sonores dans l’agglomération nantaise » ou encore, seule référence aux arguments politiques avancés par le gouvernement et les défenseurs du projet, le « respect de décisions publiques et de justice qui ont été prises ».
Pour les opposants, les arguments retenus évoquent l’inutilité du projet, la « forte atteinte à des zones très humides », la perte d’espaces agricoles, l’absence de transparence dans la conduite du projet ou « la méconnaissance des ambitions de l’accord de Paris issu de la COP21, visant à stabiliser les émissions de CO2 ».
Des opposants au projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes, le 27 février 2016, dans la commune du Temple-de-Bretagne. | JEAN-SÉBASTIEN ÉVRARD / AFP
Impacts économiques, environnementaux…
Les vingt-cinq membres de la CNDP (nommés par dix-neuf institutions différentes) ont eu à peine six semaines pour auditionner quelque 130 personnes et rédiger le document. Les différentes pages accessibles sur le site sont présentées clairement. Successivement, le document aborde les questions de l’évolution du trafic de Nantes-Atlantique, les perspectives à l’horizon 2030 et 2050, le problème de l’éventuelle « saturation » de l’aéroport actuel.
Tout l’historique du dossier, depuis les années 1970, est brièvement rappelé, ainsi que l’histoire de la contestation. Une place est également faite aux contentieux européens. Après la présentation de l’actuelle plate-forme aéroportuaire, d’une étude de son maintien et des évolutions possibles, c’est le projet de Notre-Dame-des-Landes lui-même qui est étudié.
Contrairement aux conclusions des experts missionnés en janvier 2016 par la ministre de l’environnement, Ségolène Royal, qui avaient dénoncé le côté surdimensionné du projet et avaient proposé de réduire à une piste le futur aéroport, le travail de la CNDP s’est focalisé sur le projet initial à deux pistes. « Le premier ministre m’a écrit, le 13 mai, pour me préciser qu’il s’agissait du projet qui avait fait l’objet de la déclaration d’utilité publique de 2008, et donc deux pistes. Mais nous avons mentionné les travaux des experts de Mme Royal, un rapport sur lequel nous nous sommes beaucoup appuyés », précise M. Leyrit.
Les coûts du maintien ou du transfert, les scénarios économique et social, la question des impacts environnementaux, les nuisances sonores… rien ne semble avoir été oublié. On peut regretter que la CNDP n’ait pas eu le temps d’étudier les impacts cumulés des futures infrastructures de transport, TGV, tram-train, etc. qui légitiment aussi la nécessité du nouvel aéroport. La commission, pressée par le temps, a dû compiler les différentes études, divergentes souvent, sur tous les aspects du dossier.
En présentant ses travaux, jeudi matin à Nantes, devant la presse locale, Christian Leyrit a ainsi regretté « un manque important pour permettre un bon éclairage du citoyen », sur la question, cruciale pour les opposants, du maintien de l’activité aéroportuaire à Nantes. « En réalité, on n’a pas de contre-expertise très poussée sur ce que serait Nantes-Atlantique aménagé pour sept millions de passagers ou plus », a-t-il déclaré devant la presse locale.
Pour les écologistes, les dés sont pipés
Les opposants – l’Association citoyenne intercommunale des populations concernées par le projet d’aéroport (Acipa), qui a refusé de rencontrer la CNDP, comme le Collectif des élus doutant de la pertinence de l’aéroport (CéDpa) qui a été auditionné – ne se font aucune illusion. « Nous n’attendons rien de ce document. Il ne peut pas être objectif, il y a trop de vices à la base, dans les études sur le bruit, le coût comparé des deux options », avance Françoise Verchère, porte-parole du CéDpa.
Pour elle, comme pour toutes les organisations de défense de l’environnement, hostiles au projet de nouvel aéroport, les dés sont pipés : périmètre de la consultation choisi par le gouvernement, le département, question posée… Et le résultat sera sans doute contesté devant la justice. « La polémique existe depuis tellement longtemps, les positions se sont figées, mais il reste une partie de la population qui n’a pas encore une idée très précise du dossier, estime le président de la CNDP. Notre rôle était de le présenter le plus objectivement possible. Après… »
A Nantes, la campagne bat son plein. Avant même que les travaux de la CNDP ne soient en ligne, les débats se succédaient. Mercredi soir, sur la télévision locale Télénantes, le premier débat était organisé. Une heure trente de face à face entre Françoise Verchère pour les « non » et Alain Mustière, de l’association Des ailes pour l’Ouest, du côté des « oui », et de nombreuses interventions des deux camps sur les différents aspects du dossier.
« Un échange d’arguments intéressants qui aurait dû être fait avant », pour Françoise Verchère, qui dénonce, par ailleurs, une campagne loin d’être sereine : « Tout le monde n’est pas à égalité, des maires utilisant les bulletins municipaux pour défendre le projet d’aéroport, la communauté de communes CAP Atlantique ayant même fait la publicité des arguments du Syndicat mixte aéroportuaire du Grand Ouest en faveur de Notre-Dame-des-Landes. »
Le résultat du référendum, dimanche 26 juin au soir, devait asseoir le bien-fondé du début du chantier du nouvel aéroport. Les opposants contestent déjà sa légitimité.