Dans le nord-est du Nigeria, des déplacés fuyant Boko Haram meurent de faim
Dans le nord-est du Nigeria, des déplacés fuyant Boko Haram meurent de faim
Le Monde.fr avec AFP
Le camp de Banki installé en mars pour accueillir 10 000 personnes ne parvient à assurer leurs besoins alimentaires.
Ils ont réussi à fuir les violences de Boko Haram. Mais ils ont fini par « mourir de faim ». C’est le sort que connaissent chaque jour des déplacés au camp de Banki, dans le nord-est du Nigeria. Un camp de déplacés y a été ouvert, il y a trois mois, et, depuis, « les gens y meurent en grand nombre, tous les jours, par manque de nourriture », explique un milicien qui combat Boko Haram aux côtés de l’armée.
Banki se trouve à environ 130 km au sud-est de Maiduguri, la capitale de l’Etat de Borno et la plus grande ville de la région. Cette petite agglomération reculée, près de la frontière camerounaise, était tombée aux mains des djihadistes jusqu’à sa libération par l’armée en septembre.
« Ils sont entre dix et onze par jour à y mourir de faim, des hommes, des femmes et des enfants », insiste-t-il sous couvert d’anonymat. « Dans le cimetière de Bulachira, nous avons compté 376 tombes de déplacés morts depuis trois mois », poursuit le jeune homme.
« Au moins dix personnes sont enterrées chaque jour dans le cimetière (…) Le camp entier souffre de la faim. Les gens sont émaciés (…) Si personne n’intervient, on risque une catastrophe immense », prévient un autre soldat déployé à Banki depuis la libération de la ville.
Toute la région du lac Tchad qui est touchée par les pénuries alimentaires. Selon l’ONU, environ 9,2 millions de personnes vivant autour du lac, frontière naturelle entre le Nigeria, le Niger, le Tchad et le Cameroun, manquaient en mai de nourriture.
Pénuries alimentaires autour du lac Tchad
« La ration de nourriture pour tous les occupants de cette pièce est si petite, qu’elle pourrait être consommée par ce jeune garçon », déplore Aisha Bala, une Nigériane réfugiée dans un camp au Niger voisin, en montrant du doigt un enfant de 6 ans.
Et même dans le grand camp de Dalori (Nigeria), qui accueille quelque 20 000 personnes en périphérie de Maiduguri, les déplacés se plaignent de n’avoir pas assez à manger, les enfants se disant toujours affamés.
Depuis un attentat suicide en janvier, ce camp est sous surveillance renforcée. Et les déplacés doivent se contenter de deux bols quotidiens de riz et haricots.
Salon Ahmed Satomi, le secrétaire exécutif de l’agence de secours de l’Etat nigérian de Borno, le camp de Banki compte environ 10 000 déplacés et des « trousses de secours » y ont été acheminées il y a deux semaines. Mais les miliciens affirment que ce camp n’a reçu aucune aide de l’Etat et que seule l’ONU a fourni des conteneurs d’eau et du matériel sanitaire en avril.
« On se prépare à acheminer du maïs et du riz » ce qui devrait nourrir les déplacés durant « les 40 jours à venir », affirme M. Satomi. Pour lui, la priorité n’est pas tant Banki que Bama, à une soixantaine de kilomètres.
« Boko Haram veut s'implanter en Afrique centrale et attiser les conflits locaux »
Durée : 06:37
Depuis 2009, l’insurrection de Boko Haram a fait au moins 20 000 morts et plus de 2,6 millions de déplacés. Maintenant que l’armée a repris le contrôle d’une grande partie du territoire, le gouvernement nigérian encourage les déplacés à rentrer chez eux.
Mais pour y retrouver quoi ? La plupart des déplacés vivaient de cultures vivrières, et leurs champs comme leurs maisons ont été dévastés.
Déjà l’année dernière, les autorités sanitaires avaient recensé 6 500 enfants en état de malnutrition avancée dans les camps de déplacés de l’Etat de Borno. Et en février, on a évalué à 25 000 le nombre d’enfants souffrant de « symptômes modérés » de malnutrition.
Selon le milicien et le soldat interrogés par l’AFP, l’armée partage désormais ses rations avec les déplacés. « Ce sont des morts vivants », a relaté le milicien par téléphone. Sans la générosité de l’armée, « ils ne seraient que quelques-uns à avoir survécu », insiste-t-il.