Apple passe à l’offensive sur le marché du paiement mobile en France
Apple passe à l’offensive sur le marché du paiement mobile en France
LE MONDE ECONOMIE
Avec Apple Pay, lancé en France le 19 juillet, le groupe espère doper ses ventes de téléphones.
Démonstration de l’Apple Pay. | JUSTIN SULLIVAN / AFP
C’est désormais officiel. Apple Pay, la solution de paiement mobile de la marque à la pomme est disponible en France. Les rumeurs allaient bon train ces derniers jours sur la Toile. Mardi 19 juillet, la firme de Cupertino a finalement confirmé la nouvelle. L’Hexagone devient ainsi le huitième pays dans le monde, et le troisième sur le Vieux Continent après le Royaume-Uni il y a un an, et la Suisse il y a une dizaine de jours, à expérimenter ce moyen de paiement.
Lancé en octobre 2014 aux Etats-Unis, ce service de paiement mobile permet à ses utilisateurs de payer leurs achats en quelques secondes avec leur iPhone d’une simple pression du doigt grâce au capteur d’empreinte digitale du téléphone. Le tout sans avoir à sortir leur carte bancaire. Cette solution, qui s’appuie sur la technologie de paiement sans contact NFC, fonctionne à la fois pour des achats réalisés dans les magasins ou sur des applications mobiles. Avec toutefois un bémol de taille : seuls les modèles d’iPhone les plus récents (iPhone 6, 6S et SE) et l’Apple Watch sont compatibles.
Pour son arrivée en France, le groupe californien s’est appuyé sur le groupe bancaire BPCE et le distributeur Carrefour. « Cette nouvelle solution de paiement mobile, sans aucun doute, séduira […] de nouveaux clients », s’est réjoui François Pérol, président de BPCE, dans un communiqué. Apple pourra par ailleurs compter sur le soutien des réseaux de cartes bancaires Visa et Mastercard. De leur côté, les commerçants acceptant Apple Pay en profiteront pour pousser leurs programmes de fidélité, couplés au portefeuille électronique de la marque.
Baisse des ventes de ses smartphones
Le développement du paiement mobile représente un vrai défi pour la marque à la pomme, confrontée pour la première fois de son histoire à une baisse des ventes de ses smartphones. « L’enjeu n’est absolument pas le paiement lui-même, analyse Thomas Husson, chez Forrester. A moyen terme, il s’agit avant tout de créer une fidélité à son écosystème plutôt que de générer des marges sur un marché des paiements très compétitif où seuls les volumes sont importants. » Apple compte sur ce nouveau service pour attirer les utilisateurs et gonfler ses ventes de téléphones. Au cours du dernier trimestre, les ventes de smartphones de la marque ne représentaient que 21 % des ventes totales de smartphones en France.
Une stratégie dont les effets demeurent pour l’instant peu visibles outre-Atlantique : la firme de Cupertino est restée plutôt discrète sur les résultats de l’Apple Pay. Selon une étude du cabinet eMarketer, seulement 23,8 % des utilisateurs d’iPhone aux Etats-Unis l’avaient déjà essayé en juin. « Changer le comportement des consommateurs en matière de paiement et stimuler l’adoption de cette nouvelle solution prendra du temps », précise James Wester, chez IDC.
D’autant que les Français « ne changent pas facilement de pratiques, surtout dans l’industrie financière », rappelle Julien Maldonato, chez Deloitte. Et les avantages restent encore à prouver. « Du point de vue client, la supériorité fonctionnelle du paiement mobile n’est pas gigantesque. Il faut sortir son téléphone, s’identifier », ajoute Bruno de Saint-Florent, chez Oliver Wyman. Et seuls 29 % des terminaux de paiement des commerçants sont compatibles avec l’Apple Pay, selon le GIE Cartes bancaires. Mais d’ici à 2020 au plus tard, l’ensemble du parc devra en être équipé.
Concurrence des banques tricolores
Apple doit par ailleurs faire face à la concurrence des banques tricolores. Le Crédit mutuel-CIC propose déjà du paiement mobile de proximité avec son application Fivory, qui sera déployée dans les magasins Auchan en 2017. BNP Paribas, Société générale, Crédit agricole et Crédit mutuel Arkéa ont créé ensemble le porte-monnaie électronique Paylib qui permet de payer ses achats sur Internet. Ils travaillent sur une version étendue au paiement en magasin qui devrait voir le jour d’ici à 2017. Leur concurrent PayPal ambitionne aussi de se lancer dans le commerce de proximité avec son propre boîtier de paiement « PayPal Here ».
A l’inverse des établissements américains, les banques de l’Hexagone semblent, à l’exception de BPCE, peu enclines à accepter Apple comme nouvel intermédiaire auprès de leurs clients. Car au passage, la firme à la pomme prélève une partie de leurs commissions. « Par souci de cohérence, les banques ne peuvent pas dire aux autorités européennes que leurs marges ne leur permettent presque plus de survivre puis en donner la moitié à Apple », explique un banquier.
« C’est un jeu à somme nulle pour les banques dans leur ensemble, mais pour une banque donnée, surtout si elle est la première, c’est positif », commente Thierry Mennesson, associé chez Oliver Wyman. Accusée d’avoir « fait entrer le loup dans la bergerie », BPCE espère attirer de nouveaux clients et faire revenir ceux qui étaient inactifs. Sans compter des bénéfices en termes d’image.