Au Zénith, Nicolas Sarkozy rejoue la partition de 2012
Au Zénith, Nicolas Sarkozy rejoue la partition de 2012
Par Matthieu Goar
A la peine dans les sondages, le candidat à la primaire tente de se relancer en se positionnant comme le candidat de la « majorité silencieuse ». Il a tenu, dimanche, son plus grand meeting avant le premier tour.
Nicolas Sarkozy a tenu son plus grand meeting avant le premier tour de la primaire au Zénith de Paris, dimanche 9 octobre. | Alain Guilhot pour Le Monde
Au cœur d’une campagne assombrie par des sondages en demi-teinte et les souvenirs du quinquennat précédent, Nicolas Sarkozy a tenu son plus grand meeting avant le premier tour de la primaire au Zénith de Paris, dimanche 9 octobre. Dans une salle remplie par 6 000 partisans, la plupart venus avec des drapeaux français, l’ancien président de la République s’est posé en candidat du peuple. « La véritable modernité, c’est d’oser redonner la parole au peuple français, a lancé M. Sarkozy. Il y a la modernisation pour l’élite et il y a la modernisation pour le peuple. Il y a la modernisation hors sol ou une modernisation enracinée dans notre histoire. (…) Peuple de France, allez dire que la majorité silencieuse a décidé de ne plus être silencieuse. »
La défense des référendums et la critique de l’élite
Deux jours après avoir annoncé qu’il organiserait deux nouveaux référendums s’il est réélu – l’un sur la suspension du regroupement familial, l’autre sur l’internement préventif des Fichés S « les plus dangereux » –, l’ancien chef de l’Etat a justifié ce choix. Encore une fois en s’opposant aux élites et aux constitutionnalistes qui doutent que ces deux sujets entrent dans le cadre du champ 11 de la Constitution. « Qu’il est touchant ce nouveau cartel des non qu’a si bien connu le général de Gaulle et qui n’a à la bouche que la démocratie participative mais qui s’étrangle d’indignation à l’idée que l’on puisse solliciter directement le peuple. Je ne suis décidément pas des leurs », a lancé le candidat qui se délecte de la polémique, un des moteurs de son action politique : « Regardez-les, écoutez-les ! En appeler au peuple, quel scandale, quel populisme ! »
Même s’il a fait le plein lors de cette réunion importante, les sondages sont toujours moroses pour l’ancien chef de l’Etat. Dimanche 9 octobre, dans une enquête Odoxa-Dentsu Consulting pour France 2, Alain Juppé recueille ainsi 39 % (+2 points) des intentions de vote des électeurs « certains » d’aller voter le 20 novembre, contre 31 % pour Nicolas Sarkozy. Lors de son meeting, l’ancien président a ciblé particulièrement le maire de Bordeaux sans le citer.
Nicolas Sarkozy a tenu son plus grand meeting avant le premier tour de la primaire au Zénith de Paris, dimanche 9 octobre. | Alain Guilhot pour Le Monde
Comme il le fait à chacune de ses réunions, il a mis en garde contre l’apport des voix de gauche qui pourrait aller vers son rival – « la trahison pendant la campagne en augurera de plus grandes, lorsqu’il faudra en permanence donner des gages à la gauche » – et s’est défini en « président d’une alternance claire ». « J’entends déjà la voix de ceux pour qui dénoncer le déclassement serait céder aux sirènes du pessimisme, serait noircir le tableau, serait dresser un portrait trop sombre d’une France qu’ils imaginent heureuse », a également ironisé le candidat à la primaire dans une allusion à l’objectif « d’identité heureuse » proclamé par M. Juppé : « La France est trop malade pour qu’on la soigne à dose homéopathique. »
Pour « soigner » la France contre le « déclassement que subissent les classes moyennes », M. Sarkozy a répété ses propositions : baisse de l’impôt sur le revenu de 10 %, rétablissement des heures supplémentaires défiscalisées, baisse des charges sur le travail de 34 milliards, dégressivité des allocations-chômage, exonération des droits de succession jusqu’à 400 000 euros par enfant… En matière d’identité nationale, il s’est dressé contre le « communautarisme qui s’immisce à l’école, à l’université, dans l’entreprise, dans les piscines, sur les plages ».
« Je parle d’immigration, parce que nous sommes enfermés dans une logique folle, en accueillant toujours plus de monde, alors que nous les assimilons de moins en moins », a estimé l’ancien président de la République qui est revenu sur la polémique à propos de sa phrase – « On vit comme un Français et nos ancêtres sont les Gaulois » – prononcée à Franconville (Val-d’Oise) : « Nos ancêtres, il y a les Gaulois, il y a Aimé Césaire aussi. (…) Toute personne qui veut entrer dans la communauté nationale doit faire sien notre récit national ».
Le souvenir de 2012
Nicolas Sarkozy a tenu son plus grand meeting avant le premier tour de la primaire au Zénith de Paris, dimanche 9 octobre. | Alain Guilhot
Tout au long de son discours, le candidat à la primaire a opposé l’élite « qui n’est guère présente dans le métro, dans les trains de banlieues », qui regarde « la France d’en haut », à la « majorité silencieuse, qui ne manifeste pas, qui ne bloque pas, qui ne revendique pas, et qui a pourtant bien des choses à dire ». « Je veux être son porte-parole », a déclaré M. Sarkozy en évoquant « la moitié des fils d’ouvriers qui resteront ouvriers », « les jeunes enseignants dans les quartiers difficiles » ou « la classe moyenne qui s’est mise à compter ses fins de mois ».
Au fil des semaines, la campagne de l’ancien président de la République ressemble de plus en plus à sa campagne présidentielle de 2012. A l’époque, il avait déjà promis d’organiser deux référendums en cas de réélection : un sur la réforme du système d’indemnisation-chômage, l’autre sur les droits des étrangers.
Pour se faire réélire, il passait également une grande partie de ses meetings à opposer les « bien-pensants » et les corps intermédiaires au peuple et à la majorité silencieuse. « Je veux être le candidat du peuple de France et non celui d’une petite élite », avait-il expliqué le dimanche 19 février 2012 lors de son premier grand meeting à Marseille avant de poursuivre son analyse le 15 avril 2012, sur la place de la Concorde à Paris : « J’ai donné rendez-vous à la France que l’on entend jamais car on ne lui donne jamais la parole, a-t-il poursuivi. (…) Celle qui souffre sans jamais se plaindre, (…) qui ne proteste pas, qui ne casse pas et qui en a assez que l’on parle en son nom avec des idées qui ne sont pas les siennes ! »
Des phrases similaires à celles prononcées dimanche 9 octobre. Contrairement à 2007 où il voulait défendre le peuple par le travail, la campagne de 2012 avait déjà été marquée par la thématique de l’immigration avec sa volonté de renégocier les accords de Schengern. Une volonté toujours présente en 2016. En coulisses, ses proches poursuivent le raisonnement et décrivent Alain Juppé comme le candidat des classes supérieures. Lors du premier débat télévisé entre les candidats, programmé jeudi 13 octobre, M. Sarkozy devrait poursuivre sa charge.