Deux soldats Français se lavent dans les débris du lycée Descartes de Bouaké, qui servait de camp militaire, le 10 novembre 2004. Neuf Français et un touriste américain ont été tués le 4 novembre 2004 lors d’un bombardement. / PHILIPPE DESMAZES / AFP

Ils ne seront pas poursuivis, ni jugés pour le bombardement de Bouaké en 2004. Les anciens ministres Michèle Alliot-Marie, Dominique de Villepin et Michel Barnier ne feront pas l’objet de poursuites judiciaires pour des accusations d’inaction après le bombardement du camp militaire français de Bouaké, en Côte d’Ivoire en 2004, selon une information d’Europe 1, confirmée par l’Agence France-Presse. Le bombardement avait coûté la vie à neuf soldats français et un civil américain.

La Cour de justice de la République (CJR) n’enquêtera pas sur les trois ex-ministres, car rien ne montre le rôle actif des anciens ministres, selon la commission des requêtes de la CJR. Seule instance habilitée à juger les actes des ministres dans l’exercice de leurs fonctions, celle-ci a décidé le 17 mai qu’il n’y avait pas lieu de saisir la commission d’instruction de la Cour.

15 mercenaires arrêtés, mais relâchés quatre jours plus tard

Le 6 novembre 2004, le bombardement du camp de Bouaké par les forces du président ivoirien d’alors, Laurent Gbagbo, avait causé la mort de dix personnes et blessé 38 soldats. L’armée française avait immédiatement détruit l’aviation ivoirienne, provoquant une vague de manifestations antifrançaises.

Peu après, quinze mercenaires russes, biélorusses et ukrainiens avaient été arrêtés à Abidjan par l’armée française, mais relâchés quatre jours plus tard. Puis, le 16 novembre 2004, huit Biélorusses avaient été arrêtés au Togo, parmi lesquels deux pilotes des avions Sukhoï-25 qui avaient mené le bombardement. Gardés à la disposition des autorités françaises, ils avaient pourtant été libérés.

Au cours de l’enquête, la juge d’instruction avait relevé le rôle des trois ministres dans les dysfonctionnements ayant permis ces libérations. Michèle Alliot-Marie, Dominique de Villepin et Michel Barnier étaient alors respectivement ministres de la défense, de l’intérieur et des affaires étrangères. Ne pouvant instruire sur leurs actes, la juge avait demandé en février 2016 la saisine de la CJR. Mais le procureur général d’alors, Jean-Claude Marin, s’était abstenu.

L’inaction des ministres ne suffit pas à constituer l’infraction

Finalement saisie en janvier par son successeur François Molins, la commission des requêtes devait se prononcer sur l’éventualité d’ouvrir une enquête contre les ministres pour « recel de malfaiteurs », « entrave à la manifestation de la vérité » et « non-dénonciation de crime ». La commission a estimé que l’inaction des ministres ne suffisait pas à constituer l’infraction de recel, que l’entrave supposait un acte positif, ici non démontré, et que la non-dénonciation impliquait de pouvoir prévenir ou limiter les effets du crime.

En janvier, François Molins avait lui aussi estimé que « les éléments constitutifs de l’infraction n’étaient pas là ». Toutefois, « par souci d’impartialité » – il fut directeur de cabinet de Michèle Alliot-Marie au ministère de la justice –, il avait saisi la commission des requêtes pour qu’elle se prononce à son tour.

Le 7 janvier, un ex-mercenaire biélorusse et deux officiers ivoiriens, qui n’ont jamais été remis à la France, ont été renvoyés devant les assises dans ce dossier.