TV : « Black Mirror » : le futur, côté obscur
TV : « Black Mirror » : le futur, côté obscur
Par Magali Cartigny
Notre choix du soir. La troisième saison de l’anthologie d’anticipation britannique livre une vision glaçante sur notre rapport à la technologie (sur Netflix à la demande).
Black Mirror | Official Trailer - Season 3 [HD] | Netflix
Durée : 02:09
Que se passerait-il si, au lieu de courir après des Pokémon, on chassait des individus ? Et si les abeilles devenaient des robots ? Intelligence artificielle, réseaux sociaux et réalité augmentée… Black Mirror, dont la saison 3 est diffusée sur Netflix, nous transporte dans un futur proche où la technologie aliène plus qu’elle ne libère. Cette magistrale anthologie britannique, entre science-fiction et satire sociale, interroge nos rapports aux écrans, à l’information, aux innovations. Et pose comme préalable que si ce futur est si cauchemardesque, c’est que nous sommes devenus les complices inconscients d’une déshumanisation programmée.
Chacun des treize épisodes de l’ensemble de la série conte une histoire unique avec un univers particulier et confronte les protagonistes à un dilemme. Le spectateur le plus aguerri aux retournements de situation ne voit souvent rien venir. Choquante parfois, radicale souvent, mais aussi drôle et inventive, Black Mirror joue sur les peurs et les fantasmes suscités par l’invasion dans nos quotidiens de tous ces outils censés nous faciliter l’existence. Ainsi, cette série d’anticipation dystopiquenous renvoie comme un miroir déformant à notre propre réalité.
Black Mirror avec Mackenzie Davis | Laurie Sparham/Netflix
Comme jadis La Quatrième Dimension, Black Mirror instille un trouble, un malaise, une frayeur presque enfantine. Elle interpelle le spectateur non seulement sur sa propre relation aux images mais aussi sur ses faiblesses, ses renoncements. N’est-ce pas plus dangereux qu’on ne l’imagine d’envoyer des adolescents se faire broyer par la télé-réalité ? Quel pouvoir donnons-nous aux personnalités que l’on rend populaires par notre aveuglement ou notre besoin de divertissement ? Sommes-nous tous devenus d’implacables procureurs, capables de condamner à mort par un simple hashtag ? La troisième saison, commandée par Netflix au créateur du programme, le scénariste Charlie Brooker, semble moins moralisatrice et pessimiste que les précédentes. Elle s’articule autour de trois thèmes : la réalité virtuelle, la réputation numérique, la manipulation des consciences. Chacun des six épisodes exploite un genre différent, du polar au film de guerre, et donne lieu à plusieurs interprétations. Comme San Junipero, paradis virtuel où les morts viennent se réfugier pour vivre une jeunesse éternelle. La révélation finale peut être lue comme le triomphe du grand amour ou celui d’un bonheur factice et illusoire. Ou Playtest, sorte de cauchemar éveillé, qui sonde nos peurs primales et notre rapport au jeu vidéo.
Délectation coupable
Chute libre, lui, imagine une société policée au parfum fifties, où les individus se notent entre eux à longueur de journée. Les plus étoilés bénéficient d’avantages et de droits supérieurs au reste de leurs congénères, losers impopulaires ou mal lunés. On y suit avec une délectation coupable la descente aux enfers d’une « desperate housewife » nunuche dont la valeur va dégringoler inexorablement. De quoi réfléchir à deux fois avant d’attribuer des étoiles à un chauffeur Uber. Sachant que le client, lui aussi, est toujours noté. Et ça, ce n’est pas de la science-fiction.
Black Mirror, saison 3 (GB, 2016, 6 × 60 min). Anthologie créée par Charlie Brooker. Avec Bryce Dallas Howard, Jerome Flynn, Kelly Macdonald.