L’intox de Bruno Retailleau sur les 500 000 suppressions de poste de François Fillon
L’intox de Bruno Retailleau sur les 500 000 suppressions de poste de François Fillon
Par Adrien Sénécat
COMMENT L’ÉQUIPE DU CANDIDAT SE DÉFEND
Invité de BFM TV et RMC mardi 22 novembre, le filloniste Bruno Retailleau a défendu la faisabilité de la proposition de son candidat de supprimer 500 000 emplois publics :
« Tous les ans partent en retraite 120 000 fonctionnaires plus 100 000 contractuels donc, sur cinq ans [...], ça fait plus d’un million. [...] François Fillon propose de remplacer un sur deux qui partent à la retraite. »
POURQUOI C’EST PLUS COMPLIQUÉ
François Fillon est le plus radical des candidats à la primaire de la droite quant à la réduction des effectifs de la fonction publique. Il veut supprimer 500 000 postes, là où Alain Juppé ne veut en supprimer « que » 200 000 à 250 000. Et justement, le maire de Bordeaux martèle depuis plusieurs jours que la position de son rival est inapplicable.
Dans les faits, à moins de remettre complètement en cause le statut des fonctionnaires (ce que ne propose pas François Fillon), les suppressions de postes dans la fonction publique se font majoritairement en ne remplaçant pas une partie des départs à la retraite. Or, ce nombre est limité : on a ainsi compté 116 000 départs au total des trois fonctions publiques (Etat, collectivités territoriales, hospitalière) en 2015, selon les chiffres gouvernementaux.
A ce rythme, on peut tabler sur un ordre de grandeur de 550 000 à 600 000 départs à la retraite entre 2017 et 2022 (cette estimation ne tient en revanche pas compte du recul de l’âge légal de départ à la retraite de 62 à 65 ans d’ici à 2022 souhaité par François Fillon). Cela veut dire qu’en s’attaquant aux seuls départs à la retraite, il faudrait ne plus recruter du tout, ou presque, de fonctionnaires pendant cinq ans, comme le souligne l’équipe d’Alain Juppé. Cela veut notamment dire qu’il n’y aurait pas ou très peu de postes offerts aux différents concours de la fonction publique.
Pour tenir le « un sur deux », il faudrait supprimer un quart des postes de contractuel
Si l’on en remplace tout de même un fonctionnaire en retraite sur deux, cela représente donc autour de 250 000 à 300 000 postes supprimés sur cinq ans. Loin de l’objectif de François Fillon. Bruno Retailleau y ajoute donc un deuxième vivier : les contractuels. Ces derniers étaient environ 932 000 pour l’ensemble des trois fonctions publiques en 2014, selon l’Insee. Soit environ un fonctionnaire sur cinq. Il s’agit de professeurs non titulaires, d’assistants d’éducation, d’infirmiers, d’aides-soignants…
Il y a eu 164 000 contractuels sortants de la fonction publique en 2013 et 172 000 en 2014. C’est, en soi, un flux encore plus important que ce qu’évoque Bruno Retailleau. Mais il ne s’agit cette fois majoritairement pas de départs en retraite (seulement 16 761 contractuels sont partis en retraite en 2014, selon le rapport annuel sur l’état de la fonction publique). Il s’agit en réalité surtout de fins de contrat.
Il faut également savoir que tous les contractuels n’occupent pas des postes sur douze mois ni à temps-plein. En 2014, plus de 200 000 contractuels sont entrés dans la fonction publique et en sont sortis en cours d’année et y ont travaillé seulement trois mois en moyenne, selon l’Insee.
Supprimer 200 000 à 250 000 postes de contractuel en cinq ans (ce qu’il faudrait pour compléter les départs en retraite de fonctionnaires au rythme proposé par Bruno Retailleau) n’a rien d’automatique. Cela suppose de supprimer autour de 20 % à 25 % des effectifs sous ce statut.