Cinq phrases de Manuel Valls qui ont fait polémique à gauche
Cinq phrases de Manuel Valls qui ont fait polémique à gauche
Par Elvire Camus (avec Manon Rescan)
Le premier ministre s’apprête à déclarer sa candidature à la primaire de la gauche, mais il a prononcé plusieurs phrases qui ont suscité la polémique dans son camp.
Manuel Valls le 2 décembre 2016 à Nancy. | JEAN-CHRISTOPHE VERHAEGEN / AFP
Manuel Valls doit annoncer, lundi 5 décembre en fin de journée, sa candidature à la primaire socialiste. Mais celui qui incarne pour beaucoup la ligne « droitière » du PS parviendra-t-il à rassembler son camp ? Son discours pro-entreprises, son passage en force, avec le 49.3, de la loi Macron et de la loi travail, la ligne dure qu’il incarne en matière de sécurité et sa défense d’une laïcité stricte, sont autant de sujets qui ont crispé une partie de la gauche. Retour sur cinq phrases, prononcées par Manuel Valls depuis qu’il est ministre, qui ont suscité la polémique dans son propre camp.
« Les Roms ont vocation à revenir en Roumaine ou en Bulgarie »
« C’est illusoire de penser qu’on réglera le problème des populations roms à travers uniquement l’insertion (…) Les Roms ont vocation à revenir en Roumanie ou en Bulgarie, et pour cela il faut que l’Union européenne, avec les autorités bulgares et roumaines, puissent faire en sorte que ces populations soient d’abord insérées dans leur pays. »
En septembre 2013, Manuel Valls, alors ministre de l’intérieur, s’attire l’ire de plusieurs associations humanitaires pour ces propos tenus sur France Inter sur les Roms. Quelques mois auparavant, M. Valls avait déjà eu des mots durs à l’égard des Roms, affirmant qu’ils « ne souhaitent pas s’intégrer dans notre pays pour des raisons culturelles ».
En stigmatisant une population, Manuel Valls est allé « au-delà de ce qui met en danger le pacte républicain », s’était alors indignée sa collègue ministre du logement, Cécile Duflot. Poursuivi devant la justice par plusieurs associations pour « provocation à la haine raciale », M. Valls avait bénéficié d’un non-lieu par la CJR qui s’était déclarée incompétente.
Lire l’éditorial du Monde à l’époque : Roms : la faute lourde de Manuel Valls
« Et moi, j’aime l’entreprise ! »
« Et moi, j’aime l’entreprise, j’aime l’entreprise ! »
Le 27 août 2014, à l’ouverture de l’université du Medef à Jouy-en-Josas (Yvelines), le premier ministre fait à une déclaration d’amour à l’entreprise. Son discours, qui ouvre la voie aux discussions sur le travail du dimanche et à la réforme du code du travail, est salué par une ovation debout du patronat.
« Cessons d’opposer systématiquement Etat et entreprises, d’opposer chefs d’entreprise et salariés, organisations patronales et syndicats (…). Notre pays crève de ces postures. »
« La France a besoin de ses entreprises, de toutes ses entreprises (…), car ce sont les entreprises qui, en innovant, en risquant les capitaux de leurs actionnaires, en mobilisant leurs salariés, en répondant aux attentes de leurs clients, créent de la valeur, génèrent de la richesse qui doit profiter à tous. Et moi, j’aime l’entreprise ! »
Tenu au lendemain de l’annonce de la composition d’un nouveau gouvernement qui a vu la sortie des frondeurs Arnaud Montebourg, Benoît Hamon, Aurélie Filippetti et Frédéric Cuvillier et l’arrivée d’Emmanuel Macron au ministère de l’économie, son discours suscite l’aigreur de certains membres du PS.
Le député socialiste Laurent Baumel qualifie ces propos de « copier-coller » des discours de l’ancien premier ministre britannique Tony Blair et affirme pouvoir « difficilement cacher [son] trouble ». Thierry Lepaon, alors secrétaire général de la CGT, dénonce une confusion des genres « scandaleuse ».
Lire notre article : « Standing ovation » pour Manuel Valls à l’université d’été du Medef
« Il faut en finir avec la gauche passéiste »
« Il faut en finir avec la gauche passéiste, celle qui s’attache à un passé révolu et nostalgique, hantée par le surmoi marxiste et par le souvenir des Trente Glorieuses »
Attaché à l’ouverture au centre – il préconise la construction d’une « maison commune » pour les forces progressistes du pays – et au changement de nom du Parti socialiste, Manuel Valls défend, dans un entretien à L’Obs le 23 octobre 2014, une gauche « pragmatique, réformiste et républicaine ».
A ce moment-là, la « fronde » au sein du PS atteint son plus haut niveau : 39 députés frondeurs, soutenus par la maire de Lille Martine Aubry, s’abstiennent lors du vote de la partie recettes du budget.
En février 2016, avec ses partisans à Corbeil-Essonnes (Essonne), le premier ministre affirme qu’il existe une frontière entre deux gauches « irréconciliables » :
« A gauche, il faut qu’on se dépasse. Le problème n’est pas d’organiser une primaire qui irait de Mélenchon à Macron. Parfois, il y a des positions irréconciliables à gauche et il faut l’assumer. »
Ce à quoi le candidat à la primaire de la gauche Arnaud Montebourg a répondu lundi 5 décembre sur Sud Radio- LCP-Sénat qu’il était « très difficile pour le théoricien des gauches irréconciliables de rassembler l’ensemble des gauches ».
« Expliquer, c’est déjà vouloir un peu excuser »
« Pour ces ennemis qui s’en prennent à leurs compatriotes, qui déchirent ce contrat qui nous unit, il ne peut y avoir aucune explication qui vaille. Car expliquer, c’est déjà vouloir un peu excuser. »
Le 9 janvier 2016, lors d’un hommage aux victimes de l’attentat contre l’Hyper Cacher, le premier ministre répète ce qu’il a affirmé quelques mois plus tôt, après les attentats de novembre 2015 à Paris et en région parisienne. « J’en ai assez de ceux qui cherchent en permanence des excuses ou des explications culturelles ou sociologiques à ce qui s’est passé ». Lui qui avait dénoncé un « apartheid social, territorial et ethnique » en France après les attentats de janvier privilégie cette fois la réponse sécuritaire, quitte à se couper de toute une partie de la gauche.
L’ancienne garde des sceaux Christiane Taubira, qui a démissionné de son poste de ministre sur fond de désaccord sur la déchéance de nationalité, lui répond dans un entretien au Monde :
« Il y a urgence à comprendre ce qui se passe dans la société si l’on veut agir. Que voit la politique qui ne cherche pas à comprendre ? Elle prendrait le risque d’une action inopportune et inefficace. Mon souci est d’assécher le terreau de recrutement du terrorisme. On n’y arrivera pas en menaçant des gens qui sont décidés à mourir. »
« Le voile, c’est un asservissement de la femme »
Durant son passage à Matignon, Manuel Valls s’est aussi posé en chef de file des « ultra-laïcs ». En début d’année, en pleine polémique sur le sens de la laïcité opposant les défenseurs d’une interprétation « fermée » de la loi, attachés à gommer tout signe d’appartenance religieuse dans l’espace public, à ceux qui soutiennent une vision « ouverte », se limitant à la stricte neutralité religieuse dans l’espace public, Manuel Valls se range du côté des premiers.
Lors d’une conférence-débat organisée par le Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF), le 18 janvier, M. Valls apporte son soutien à la philosophe Elisabeth Badinter, mise en cause pour avoir notamment déclaré : « Il ne faut pas avoir peur de se faire traiter d’islamophobe. » Il s’agit là, selon le premier ministre, d’« une défense intransigeante de la laïcité (…) Que je partage, d’ailleurs ».
Sur l’islam en général et le port du voile en particulier, plusieurs déclarations de Manuel Valls ont aussi suscité des crispations dans son propre camp. La plus récente étant son soutien aux maires de droite qui voulaient interdire le port du « burkini » dans leur commune alors que sa collègue au gouvernement Najat Vallaud-Belkacem s’était alarmée sur Europe 1 d’une « dérive politique dangereuse pour la cohésion nationale ».
En avril, lors d’un débat sur l’islamisme au théâtre Dejazet à Paris il avait déclaré : « Ce que représente le voile, c’est un asservissement de la femme… »