Courte victoire nationaliste en Macédoine
Courte victoire nationaliste en Macédoine
Par Benoît Vitkine
Le parti de Nikola Gruevski devance les sociaux-démocrates, qui contestent le résultat. Le scrutin risque de ne pas mettre fin à deux ans de crise politique.
L’ancien premier ministre macédonien Nikola Gruevski, le 11 décembre 2016 à Skopje. | ROBERT ATANASOVSKI / AFP
La Macédoine connaît désormais le vainqueur de ses élections législatives, mais elle n’en a pas fini avec la crise politique qui la ronge depuis bientôt deux ans. Lundi soir 12 décembre, vingt-quatre heures après la fermeture des bureaux de vote, la commission électorale a finalement donné vainqueur le parti nationaliste au pouvoir depuis dix ans, le VMRO-DPMNE (Organisation révolutionnaire macédonienne intérieure-Parti démocratique pour l’unité nationale macédonienne).
La formation de Nikola Gruevski, 46 ans, homme fort de cette petite République balkanique, l’emporte avec une courte avance : 38,09 % des voix, contre 36,67 % à sa rivale sociale-démocrate, le SDSM (Union sociale-démocrate de Macédoine). Grâce à ces 17 000 voix d’écart, le VMRO devance ses rivaux au Parlement, d’une courte tête : 51 contre 49 au SDSM, sur un total de 120. C’est à lui que reviendra la charge de tenter de former une coalition gouvernementale, et donc de rallier deux ou trois partis – selon les configurations – de la minorité albanaise (25 % de la population).
Mais une hypothèque pèse sur ce périlleux processus. Après avoir revendiqué la victoire dès dimanche soir, le SDSM a fait savoir mardi qu’il ne reconnaissait pas ce résultat, invoquant « de nombreuses irrégularités et des pressions au cours de la période préélectorale et pendant le vote, qui ont influencé le résultat final du vote ».
Dans son rapport préliminaire, la mission d’observation de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) évoquait la veille des « suspicions de pression » sur des électeurs, mais estimait que, « d’une manière générale, la journée de vote a été bien organisée et s’est déroulée sans incidents majeurs ». Le même jour, Federica Mogherini et Johannes Hahn, respectivement haute représentante de l’UE pour les affaires étrangères et commissaire à l’élargissement, appelaient à la « formation rapide d’un nouveau gouvernement ».
Menace de paralysie
La poursuite de la contestation des résultats par les sociaux-démocrates paraît dans ce contexte difficilement tenable, d’autant qu’Européens et Américains avaient poussé à l’organisation du scrutin anticipé de dimanche précisément pour sortir de la crise politique qui a débuté à l’hiver 2015. A l’époque, le SDSM avait dévoilé un scandale d’écoutes massives opérées par le gouvernement, qui révélaient l’étendue de la corruption, du clientélisme et des pratiques autoritaires au sein du VMRO de Nikola Gruevski. Celui-ci y apparaissait aussi en expert ès manipulations d’élections.
Washington et Bruxelles – Skopje est candidat à l’adhésion à l’UE – avaient alors obtenu, à la faveur des accords de Przino de l’été 2015, que pouvoir et opposition s’entendent pour contrôler conjointement les institutions les plus sensibles du pays, et garantir ainsi la tenue d’un scrutin acceptable. Une nouvelle phase de paralysie institutionnelle sonnerait donc comme un échec et constituerait une menace sur l’avenir même du pays, alors que la campagne électorale s’est tenue dans un climat délétère. Quelques jours avant le vote, M. Gruevski estimait ainsi que son rival Zoran Zaev aurait, « en d’autres temps », mérité la mort. Le VMRO a aussi joué à plein la carte nationaliste.
Dans ce climat explosif, difficile d’imaginer qu’une victoire aussi courte – et contestée – du VMRO puisse contribuer à l’apaisement. Avant le vote, la journaliste Santa Argirova, désignée dans le cadre des accords de Przino à la tête des actualités de la télévision nationale, évoquait même le risque d’une « vengeance généralisée contre tous ceux perçus comme ayant trahi ».
Lundi, Mme Mogherini et M. Hahn prenaient bien soin de rappeler dans leur communiqué l’urgence pour le nouveau gouvernement de s’attaquer aux « manquements systémiques à l’Etat de droit ». Ils appelaient aussi à poursuivre la mission de la procureure spéciale, désignée après le scandale des écoutes et dont les enquêtes se rapprochent dangereusement de M. Gruevski et de son parti.