A Trappes, Benoît Hamon et son « fan-club »
A Trappes, Benoît Hamon et son « fan-club »
Par Lucie Soullier (à Trappes, Yvelines)
Le finaliste de la primaire à gauche a voté dimanche au second tour dans la ville des Yvelines, dont il est député.
Benoit Hamon, candidat à la primaire de la gauche pour la présidentielle 2017, vote pour le 2eme tour de cette élection dans l’école Jean-Jaurès à Trappes, Yvelines, dimanche 29 janvier 2017 - 2017©Jean-Claude Coutausse / french-politics pour Le Monde | JEAN-CLAUDE COUTAUSSE/FRENCH-POLITICS POUR "LE MONDE"
« Bien sûr que oui », elle va voter pour lui. Monique Nadaus précède de quelques minutes Benoît Hamon, inscrit dans le même bureau qu’elle à Trappes (Yvelines). Dans son fief électoral, le « frondeur » devenu favori est en terrain conquis. Mme Nadaus la « rocardienne » voit en lui son dernier espoir, elle qui ne croyait plus au socialisme. « Attention, il ne m’a pas encore ramenée, » prévient-elle, prudente. Elle attend de voir. S’il passera, s’il tiendra ses promesses « difficiles à mettre en place ».
Comme beaucoup d’électeurs du second tour de la primaire à gauche rencontrés à Trappes, elle l’aime bien, « Benoît », mais elle n’est pas là que par conviction. « Le socialisme qu’on a eu depuis cinq ans, c’était pas du socialisme. » Son bulletin, elle le dépose surtout pour « virer Valls ». D’ailleurs, si l’ancien premier ministre sortait vainqueur dans la soirée, la « presque » retraitée de 63 ans donnerait sa voix à Jean-Luc Mélenchon à la présidentielle.
– « Vous venez pour voter ?
– Ah non, j’accompagne un journaliste. »
Dans l’entrée, le bien seul président du bureau de vote mitoyen, Jean-Claude Richard, observe la ruche médiatique, perplexe. Caméras, perches et escabeaux ont envahi le fond de l’école Jean-Jaurès. Le « frondeur » devenu favori entre, comme prévu, à 11 heures pile, pour voter sous les flashs. « Rassemblement », « maintien de cap », « les dés sont jetés »… A peine le temps de l’entendre lancer quelques mots-clés, que le voilà déjà reparti.
Brandissant à l’assesseuse la photographie qu’elle vient de faire avec lui, Isabelle Tingry affiche un large sourire en sortant de l’isoloir. « Enfin », la quinquagénaire vient de voter pour « un homme de gauche, un vrai. » S’il n’avait pas été là, elle se serait certainement abstenue durant cette primaire.
« Peur que ça finisse comme avec Ségolène »
Jean-Philippe, son mari, est davantage venu sanctionner « la politique de droite menée pendant cinq ans » et les « passages en force au 49.3 ». « Trompé », « trahi » par un président pour qui il avait voté « avec confiance » en 2012, il a choisi de faire barrage à son ancien premier ministre. Comme sa femme, il suivra Hamon « jusqu’à la présidentielle » s’il est investi, même si tous deux craignent que le parti le lâche, et que « ça finisse comme avec Ségolène [Royal] ».
Farida Thurin, elle, hésite encore. La contrôleuse de gestion de 38 ans n’était pas venue la semaine dernière ; aujourd’hui, sa fille de 4 ans l’accompagne pour choisir « le commandant de la France ». Mme Thurin a voulu donner sa voix à « la bonne surprise » Hamon, et donc le créditer d’un peu plus de légitimité. Mais au premier tour de la présidentielle, elle est loin d’être sûre de pencher pour lui. Habituellement, elle choisit le bulletin « extrême gauche ou écolo », avant de « voter plus sérieusement, au second tour ».
Benoit Hamon, candidat à la primaire de la gauche pour la présidentielle 2017, vote pour le 2eme tour de cette élection dans l’école Jean-Jaurès à Trappes, Yvelines, dimanche 29 janvier 2017 - 2017©Jean-Claude Coutausse / french-politics pour Le Monde | JEAN-CLAUDE COUTAUSSE/FRENCH-POLITICS POUR "LE MONDE"
Une électrice demande un euro à une autre dans la petite file qui s’est formée. Elle ne savait pas qu’il fallait « payer pour voter. » Le président du bureau – qui est également le secrétaire de section du PS –, lui, est ravi. La participation est en hausse à midi. 382 votants dans toute la ville, contre 234 la semaine dernière (sur 15 000 inscrits). Et 30 de plus dans son bureau, où près de 70 % s’étaient prononcés pour M. Hamon au premier tour.
M. Richard approuve de l’autre côté de la palissade : davantage de votants, la nouvelle est bonne pour le parti. « On n’aura pas les 4,5 millions de Fillon mais, sans vouloir tirer sur une ambulance, quand on voit où ça l’a mené… » L’affaire Penelope Fillon, ici, redonne confiance en un second tour présidentiel auquel on osait à peine penser.
« C’est toujours la classe moyenne qui prend »
Autre bureau de vote, même discours anti-Valls à l’école Flaubert de Trappes. Angélique, 34 ans, pensait qu’il fallait être encartée, alors elle a raté le scrutin de la semaine dernière. Pour le second tour, elle s’est déplacée « par rébellion » contre l’ancien premier ministre. Et pour apporter son soutien à la gauche « plus sociale » de Benoît Hamon. Directrice d’un centre de loisirs, elle élève seule son fils avec 1 200€ par mois, et les fins de mois sont difficiles. « Il y a des aides pour les riches, pour les pauvres mais pour les moyens, y a rien. »
Rabah Bensmaine acquiesce. « C’est toujours la classe moyenne qui prend. » A 49 ans, l’employé d’immeuble regrette la « belle époque » de Mitterrand. A ses côtés, sa fille se moque d’une si lointaine référence, mais elle aussi est inquiète. En première année de master de ressources humaines, elle craint que son voile ne devienne un obstacle à la poursuite de ses études. Manuel Valls s’est en effet prononcé pour son interdiction à l’université. « Pour moi, Valls est contre l’islam, et avec Trump tout ça, là on a peur, » résume son père, qui aimerait arrêter de se sentir obligé de répéter qu’il est français.
La laïcité « plus juste » de Benoît Hamon a aussi motivé Dalale Belhout, mais « pas que ». Revenu universel, burn-out, intégration… La jeune chef de projet de 28 ans décline les éléments de programme auxquels elle croit. Ses quatre frères et sœurs ont aussi adhéré au « fan-club », tout comme l’une des assesseuses, qui a bien du mal à rester discrète. « Normalement, il devrait passer, glisse-t-elle dans un sourire adolescent. En tout cas, la semaine dernière, il est venu nous saluer. »