François Fillon lors d’un meeting de campagne au Zénith de Toulon, vendredi 31 mars. | JEAN-CLAUDE COUTAUSSE / FRENCH-POLITICS POUR « LE MONDE »

Lors d’un meeting à Toulon, vendredi 31 mars, François Fillon a sorti l’uniforme de chef des armées. Au Zénith devant 5 000 personnes, le candidat à la présidentielle a promis d’augmenter les moyens des forces militaires françaises. Un discours où il a soigné sa posture d’homme d’Etat pour mieux s’opposer à Emmanuel Macron, qui le devance dans les sondages.

« Je m’engage à une augmentation régulière et substantielle du budget de défense afin d’atteindre l’objectif des 2 % du PIB avant la fin de la loi de programmation militaire, en 2023 », a promis l’ancien premier ministre. Une augmentation du budget qui devrait permettre de moderniser la force de dissuasion nucléaire et préparer la succession du porte-avions Charles-de-Gaulle, selon le député de Paris, qui a décrit un monde menacé par le « spectre de conflits en Corée ou en mer de Chine », par le « terrorisme islamique » ou encore par « la poussée migratoire » :

« Est-il encore temps de jouer les naïfs quand M. Trump nous dit qu’il va consacrer 4 % du PIB américain à sa défense, et élever son budget à plus de 600 milliards de dollars ? Je veux que la France pèse dans le nouvel équilibre mondial. »

Au cours de son discours, M. Fillon a plusieurs fois déploré la dégradation des conditions matérielles des armées françaises « engagées sur quatre théâtres majeurs ». « Dans l’armée de l’air, les pilotes de Transall font un tiers d’heures d’entraînement en moins sur des appareils qui sont plus âgés qu’eux », a-t-il déclaré. Il a pointé le manque de solidarité des autres pays européens alors que le Brexit va « amputer l’Europe d’un tiers de ses capacités militaires », selon ses estimations : « La France finance seule plusieurs opérations extérieures que l’Union Européenne devrait pouvoir prendre en charge. Au Mali ou en Centrafrique, nous n’avons reçu qu’un maigre soutien de nos partenaires européens. Cela ne peut pas continuer. »

Le candidat de la droite veut donc axer la relance de « la construction européenne autour d’une Union pour la sécurité » en renforçant Frontex. Il a aussi exprimé sa volonté de « redimensionner » l’opération « Sentinelle », qui oblige les militaires à surveiller le territoire français depuis les attentats de 2015 en leur retirant les missions de garde statique pour leur permettre de « se porter immédiatement sur les points sensibles ».

Des militants venus soutenir François FIllon à Toulon, le 31 mars. | JEAN-CLAUDE COUTAUSSE / FRENCH-POLITICS POUR « LE MONDE »

Avant d’être chef des armées, une cible : Emmanuel Macron

Avec ce discours prononcé dans une salle chauffée à blanc, M. Fillon a tenté de redorer sa stature d’homme d’Etat, très abîmée par sa mise en examen dans l’affaire des emplois supposés fictifs de son épouse. Mais, à vingt-trois jours du premier tour de l’élection présidentielle, le candidat a d’abord un premier tour à franchir avant de s’imaginer en chef des armées. Il a donc passé beaucoup de temps à ironiser sur Emmanuel Macron. Par exemple sur l’idée de l’ancien ministre de l’économie de remettre en place un service militaire d’un mois. « Des colonies de vacances ! », a moqué M. Fillon avant de déclarer : « Plutôt que de dépenser 15 milliards pour reconstruire des centres d’hébergement pour les jeunes conscrits, donnons cet argent à nos forces. »

Vendredi soir, M. Fillon a continué à attaquer le programme de M. Macron, « le prince de l’ambiguïté », et à décliner ses propositions les plus droitières : suspension des prestations sociales pour les parents de délinquants, uniforme obligatoire à l’école, limitation de l’immigration à son « strict minimum »… Une façon de contrer le Front national dans ce département du Var où le parti d’extrême droite réaliser de très gros scores, mais aussi de replacer M. Macron sur la gauche de l’échiquier.

Depuis de nombreuses semaines, l’objectif de M. Fillon est d’imposer dans l’opinion de droite M. Macron comme un héritier de François Hollande. Il a répété dans plusieurs meetings que la candidature de l’ancien conseiller de l’Elysée s’apparenterait au « radeau de la Méduse du gouvernement ». Vendredi soir, il l’a encore appelé « Emmanuel Hollande », une pique déjà testée lors de sa matinale sur RTL, jeudi. « On dit que François Hollande n’a pas choisi son candidat… Mais si, il l’a choisi ! Son non-soutien à Hamon vaut soutien à Macron. C’est limpide », a lancé M. Fillon, qui veut se servir du ralliement de Manuel Valls à M. Macron annoncé mercredi pour renforcer sa démonstration : « Désormais, c’est officiel : le Parti socialiste a un nouveau candidat qui a l’appui d’un ex-premier ministre. Surprise, ce n’est pas celui de la primaire, mais des tractations du printemps. » Une stratégie qui ne porte pour l’instant pas ses fruits. Depuis un mois, l’écart dans les sondages entres les deux hommes est stable (entre 5 et 10 points).

Fillon vante sa future majorité malgré les divisions actuelles

François Fillon lors de son arrivée au Zénith de Toulon, le 31 mars. | JEAN-CLAUDE COUTAUSSE / FRENCH-POLITICS POUR « LE MONDE »

Au-delà des critiques sur son projet et sur l’héritage de François Hollande, le troisième axe de l’offensive anti-Macron concerne la future majorité. Pendant ses interventions, François Fillon ne cesse de répéter qu’il sera le seul candidat à avoir une majorité stable à l’Assemblée en cas de victoire à l’élection présidentielle.

Vendredi soir, Hubert Falco a rappelé que M. Macron avait reçu les soutiens de Robert Hue, du libéral Alain Madelin, de l’écologiste Daniel Cohn-Bendit et du centriste François Bayrou. Le maire de Toulon les a imaginés dans la scène de la partie de cartes dans la pièce Marius, de Marcel Pagnol : « Avec ces quatre, l’un joue au bridge, l’autre au rami, un autre au tarot et le dernier au poker. Dans ces conditions, impossible de jouer ensemble à la belote. »

Le 9 avril, François Fillon organisera un grand meeting à Paris, où il rassemblera les candidats de la droite investis aux législatives. Une façon de montrer une famille unifiée malgré les doutes d’une grande partie de son propre camp. A Toulon, Christian Estrosi, président de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, s’est fait siffler pendant une grande partie de son intervention. Sa faute ? Avoir été de ceux qui ont voulu remplacer le candidat au début du mois de mars.