Derrière les législatives, l’enjeu financier
Derrière les législatives, l’enjeu financier
Par Raphaëlle Besse Desmoulières, Patrick Roger
Le financement des partis est calculé sur la base du nombre de voix obtenues au premier tour et du nombre d’élus (députés et sénateurs). Un enjeu important, notamment pour La France insoumise et En marche!
A l’Assemblée nationale, le 22 février. | PATRICK KOVARIK / AFP
Touche pas à mon magot ! Les discussions politiques en cours – ou pour certaines d’entre elles en rade – en vue des élections législatives des 11 et 18 juin sont aussi sous-tendues par des intérêts bien sonnants et trébuchants. Pour les deux grandes forces émergentes de l’élection présidentielle, En marche ! et La France insoumise, qui jusqu’à présent n’émargent pas, ou quasiment pas, au financement public des partis, le prochain scrutin sera déterminant.
C’est en effet en fonction des résultats, en voix et en élus aux législatives et en élus aux sénatoriales, qu’est calculé le montant de l’aide publique à laquelle ont droit les partis ou groupements politiques ayant présenté des candidats. En ce qui concerne les élections législatives, ils avaient jusqu’au 5 mai pour se signaler auprès du ministère de l’intérieur et pouvoir en bénéficier. Ce dernier devrait publier au plus tard le 12 mai l’arrêté établissant la liste des partis ayant déposé une demande. Le dépôt des candidatures en préfecture sera clos le 19 mai à 18 heures et les partis auront jusqu’au 25 mai à 18 heures pour faire parvenir au ministère la liste complète des candidats qu’ils présentent.
1,42 euro par voix et 37 280 euros par élu
L’aide publique, versée annuellement pendant toute la durée de la législature, est scindée en deux fractions. La première est attribuée proportionnellement au nombre de voix obtenues par les candidats d’un parti, à condition que ceux-ci aient obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés dans au moins cinquante circonscriptions. A l’exception des partis n’ayant présenté des candidats qu’en outre-mer : pour ceux-là, il faut que leurs candidats aient recueilli chacun au moins 1 % des suffrages exprimés dans l’ensemble des circonscriptions où ils étaient présents.
Pour les partis remplissant les conditions de l’aide publique, chaque voix rapporte en moyenne 1,42 euro. Cette première fraction est cependant amputée si les partis n’ont pas respecté le principe de la parité dans les candidatures présentées : une diminution égale à 150 % de l’écart entre le nombre d’hommes et de femmes rapporté au nombre total de candidats. Exemple : si un parti présente 100 candidats, dont 60 hommes et 40 femmes, soit un écart de 20, la pénalité sera de (20x150 %) divisé par 100, soit 30 %. A ce titre, l’UMP, devenue Les Républicains, dont un quart des investitures seulement avait été attribué à des femmes en 2012, a été lourdement pénalisée durant ces cinq dernières années.
Seuls les partis ayant bénéficié de la première fraction peuvent prétendre au versement de la seconde fraction, calculée proportionnellement au nombre de parlementaires, députés et sénateurs, qui leur sont rattachés. Un élu équivaut à 37 280 euros.
63,1 millions d’euros en 2016
En 2016, le montant total de l’aide publique s’est élevé à 63,1 millions d’euros : 28,8 millions pour la première fraction et 34,3 millions pour la seconde. Les principaux bénéficiaires en étaient le PS (24,9 millions avec 398 élus), LR (18,6 millions avec 334 élus), le FN (5,1 millions avec 4 élus), le PCF (2,9 millions avec 26 élus) et Europe Ecologie-Les Verts (2,8 millions avec 19 élus). Certains risquent de devoir sérieusement revoir leurs budgets à la baisse dans les cinq ans à venir.
Le résultat de l’élection présidentielle laisse présager un chamboulement majeur de la carte électorale aux législatives. Poussés par des vents favorables, En marche !, le Front national et La France insoumise veulent profiter de l’élan de la présidentielle et pousser leurs pions dans le maximum de circonscriptions. C’est pour cela qu’En marche ! a refusé tout « accord d’appareil », sous-entendu de répartition des circonscriptions. Les prétendants à l’investiture doivent s’engager à se rattacher à La République en marche et concourront sous cette étiquette. Seule exception, les candidats du MoDem, au titre de l’alliance scellée en février entre Emmanuel Macron et François Bayrou.
Le ralliement de Nicolas Dupont-Aignan à Marine Le Pen entre les deux tours de l’élection présidentielle comportait également une clause dans la perspective des élections législatives. Les deux formations, Front national et Debout la France (DLF), devraient s’engager chacune à ne pas présenter de candidat dans cinquante circonscriptions. Un accord qui garantit pratiquement à DLF de réunir les conditions du financement public et d’augmenter son pactole. En 2016, la formation de M. Dupont-Aignan avait bénéficié de 431 000 euros d’aide publique avec 6 élus.
« Intérêts d’appareil »
Fort de son résultat au premier tour de l’élection présidentielle, Jean-Luc Mélenchon, quant à lui, traite de haut ses anciens alliés du PCF. Dès le départ, il avait d’ailleurs imposé dans la « charte des insoumis » une association de financement unique. Les négociations pour les législatives ont tourné court. Le divorce a été acté mardi soir : La France insoumise et le PCF présenteront chacun leurs candidats, avec de gros risques pour le parti de Pierre Laurent d’y laisser des plumes, et une bonne partie de ses ressources financières.
La Place du Colonel-Fabien ne décolère pas. « Ce qui intéresse La France insoumise, c’est l’élection de Mélenchon, d’un ou deux de ses proches et d’aller chercher du financement public. Ce qui ressemble à une feuille de route pour des intérêts d’appareil », tempête Olivier Dartigolles, porte-parole du PCF. Le trésorier du parti, Jean-Louis Le Moing, le reconnaît : « Il y a un enjeu financier derrière les législatives pour La France insoumise, ça me paraît tout à fait évident. Il s’agit de transformer cette formation en parti. L’objectif est de toucher de l’argent public que seul un parti peut utiliser. »
L’argent, c’est le nerf de la guerre politique.