« A boire et à manger », BD à croquer
« A boire et à manger », BD à croquer
M le magazine du Monde
Le dessinateur Guillaume Long et la cuisinière Sonia Ezgulian ont concocté un livre de cuisine à quatre mains. Des planches mijotées avec humour et plaisir.
Planche extraite de « A boire et à manger avec Sonia » de Guillaume Long. | Sonia Ezgulian, Guillaume Long, Gallimard 2017
A quoi tient l’envie de faire un livre à deux ? A pas grand-chose, à une contrariété par exemple. En 2004, l’auteur de bande dessinée Guillaume Long a la mauvaise surprise de découvrir que des images tirées de deux de ses albums ont été reproduites, sans son autorisation, dans un ouvrage culinaire traitant des sardines, écrit par la cuisinière lyonnaise Sonia Ezgulian. Au lieu d’une attaque en justice, Guillaume Long se fend d’une lettre pour la menacer d’un procès sur le ton de l’humour, sa seule arme. À cette missive, Sonia Ezgulian répond par une autre, s’excusant de la méprise, que seule une invitation dans son restaurant pourrait corriger.
Huit ans plus tard – et quelques occasions ratées entre-temps –, ils découvrent qu’ils habitent à 100 mètres l’un de l’autre, dans le 7e arrondissement de Lyon. Ce n’est pas leur seul point commun. Ancienne journaliste à Paris Match, Sonia Ezgulian a tout plaqué pour se consacrer à la cuisine. Passé par les beaux-arts de Saint-Étienne, Guillaume Long traite, lui, presque exclusivement de gastronomie dans ses albums (émanations du blog « A boire et à manger », qu’il a lancé sur le Monde.fr en 2009). Tous deux sont puxisardinophiles (collectionneurs de boîtes de sardines). L’un et l’autre, enfin, adorent les défis culinaires. Naît le désir d’écrire un livre à quatre mains.
« Ce que nous préférons avant tout, c’est manger »
L’idée ? Raconter en BD le parcours de la cuisinière à travers les rencontres qui ont suscité sa vocation : ses grands-mères arménienne et auvergnate, un ancien fildefériste devenu épicier, l’écrivain américain Bill Buford… Cela tout en concoctant, ensemble, des plats « faciles à faire ». « Pendant un an, Sonia m’a invité chez elle pour m’apprendre des recettes, explique le dessinateur. Nous étions très consciencieux au départ, et nous avons fini par comprendre que ce que nous préférions avant tout, c’était manger. À la fin, elle préparait tout à l’avance. »
Ainsi est né A boire et à manger. S’y croisent beignets de sauge, raviolis arméniens ou lapin à la marjolaine… Guillaume Long manie l’autodérision et joue avec les libertés que lui offre la BD (il s’imagine dans la peau d’un enfant ou d’un senior, ou fait d’un certain M. Gallimard un commis de cuisine). Dans le même esprit, il ne s’embarrasse guère de rigueur journalistique pour trousser le portrait de son instructrice.
Son principal trait de caractère tient ainsi à son flot de paroles incessant, lui donnant des airs de Maïté contemporaine. « Elle a tiqué au départ, explique Guillaume Long. Elle craignait de passer pour une mégère, mais elle a compris qu’elle serait un personnage fictionnel, comme moi. Les gens acceptent généralement que je les caricature car je suis le premier à m’en mettre plein la figure. » On n’allait pas se fâcher pour si peu, non plus.
« A boire et à manger avec Sonia Ezgulian », de Guillaume Long, éd. Gallimard BD, 112 pages, 22,50 €.