Migrants : le maire de Grande-Synthe menace de reconstruire un camp d’accueil
Migrants : le maire de Grande-Synthe menace de reconstruire un camp d’accueil
Par Maryline Baumard
Damien Carême, le maire de Grande-Synthe ne supporte plus l’errance de quelque 250 migrants dans sa ville. Face à lui, le ministre de l’intérieur fait la sourde oreille.
A Grande-Synthe, le 11 avril 2017, des migrants se retrouvent sans toit, après l’incendie du camp humanitaire. | Christophe Ena / AP
Le maire de Grande-Synthe est en colère. Damien Carême prévient qu’il est « prêt à rouvrir lui-même un centre d’accueil pour les 250 migrants qui errent dans les jardins et espaces verts » de sa ville de la périphérie de Dunkerque, « puisque l’Etat fait la sourde oreille ». Mercredi 31 mai, l’édile a essuyé une fin de non-recevoir de la part du ministre de l’intérieur Gérard Collomb, à sa demande de rendez-vous. Le 17 mai, ce dernier n’avait pas été nommé depuis plus d’une heure place Beauvau, que déjà, M. Carême le sollicitait.
Si le maire de Grande-Synthe conçoit assez bien que M. Collomb ait d’autres dossiers urgents à gérer, cet humaniste a peu apprécié les échanges téléphoniques de ces derniers jours. :
« Dans l’après-midi de mardi, le cabinet du ministre m’a proposé un rendez-vous téléphonique pour le lendemain. J’ai fait préciser à M. Collomb que la situation méritait mieux qu’un coup de fil et que je souhaitais le rencontrer pour discuter les termes d’un accueil républicain des réfugiés sur le littoral nord. La Place Beauvau n’a plus donné de nouvelles avant que mon directeur de cabinet ne reprenne contact ce mercredi matin pour s’entendre signifier que je ne serais pas reçu. »
« Je ne supporte pas que les gens les plus fragiles soient laissés dehors. Ma ville parvient tant bien que mal à héberger une centaine de migrants auprès desquels mes services sont présents 24 heures sur 24, dans une vingtaine de chambres que nous leur mettons à disposition. Mais il reste des gens dehors, d’autres arrivent chaque jour et il est hors de question que nous laissions dériver la situation pour qu’elle conduise à un nouvel entassement de toiles de tente comme nous avons connu en 2015 », martèle-t-il.
Au passage, l’élu EELV se félicite du travail fait par la police contre la remise en place de brouillons de campements, mais il estime que « cela n’a aucun sens sur le moyen terme » et que « le temps est venu de regarder la situation en face ».
Nouveaux arrivants
Dans sa ville, le camp d’accueil créé à l’hiver 2015 avec Médecins sans frontières a flambé la nuit du 10 avril. Si le millier de migrants hébergés là a bien été emmené en centres d’accueil et d’orientation (CAO) ailleurs en France, rien n’est prévu pour les nouveaux arrivants.
Comme c’est la même chose à Calais, le maire ne voit aucune autre solution que « la création de centres de transit sur le littoral de la mer du Nord et de la Manche » où convergent ceux qui veulent rejoindre la Grande Bretagne. « Il faut un accueil républicain qui permette aux gens de se poser entre cinq et dix jours, avant une orientation vers un CAO pour ceux qui veulent demander l’asile en France. Je peux comprendre que ceux qui ne souhaitent pas rester sur notre territoire doivent prendre leur responsabilité, certes, mais on se doit de leur laisser d’abord le temps de la réflexion », insiste le maire.
« Belles paroles »
Se souvenant que le cabinet de M. Collomb avait déclaré au Monde que « les questions migratoires ser[aie]nt une des priorités du nouveau ministre de l’intérieur », M. Carême reconnaît s’agacer un peu « des belles paroles et des grandes déclarations non suivies d’effets ».
Le maire de Grande-Synthe a déjà été confronté au peu d’empressement du ministère de l’intérieur à héberger les migrants sous le gouvernement précédent. A l’époque, Bernard Cazeneuve, locataire de Beauvau, avait fait la sourde oreille à la demande de mise en place d’un accueil humain sur sa commune, avant de se retrouver contraint de financer le fonctionnement du camp finalement coconstruit par la ville de Grande-Synthe et Médecins sans frontières.
Le 10 avril, ce lieu a brûlé, sans doute incendié dans le cadre d’une rivalité entre passeurs. Initialement point de ralliement des Kurdes, il avait été investi par des Afghans au lendemain de l’évacuation de la « jungle » de Calais en octobre 2016. Une arrivée qui a rompu les équilibres communautaires et mené au conflit final.