A Avignon, les compagnies de théâtre en quête de financement
A Avignon, les compagnies de théâtre en quête de financement
Par Quentin Bas Lorant
Pour la première fois, le « off » a mis en place un fonds pour soutenir la création, qui s’ajoute aux aides distribuées par les sociétés de gestion des droits d’auteur.
Une scène du spectacle « Combat », Clémence Carayol. Le spectacle a reçu des aides du Ministère de la Défense et du Musée Jean Moulin. | Frederic Mit
Le « off » du festival d’Avignon, qui s’achève le 30 juillet, est un moment crucial pour bien des compagnies de théâtre, qui viennent y vendre leurs spectacle aux diffuseurs et aux programmateurs. Mais pour pouvoir présenter leurs œuvres à Avignon, et exister dans le monde du spectacle vivant, les compagnies doivent se lancer dans une véritable quête de financement.
« C’est simple, si vous n’êtes pas aidés, vous ne pouvez pas y arriver ». C’est le Président du festival off, Pierre Beffeyte, qui l’affirme. A Avignon, c’est presque l’ensemble des spectacles qui peine à trouver les fonds nécessaires aux représentations, les prêts bancaires et les fonds propres étant souvent insuffisants pour tout financer. Le coût de locations des salles (entre 10 000 et 20 000 euros), auquel il faut ajouter ceux du logement et de la nourriture pour un mois, demeurent des postes de dépenses importants pour les troupes.
Le Fonds AF&C
Pour aider les compagnies, l’association du off a lancé pour la première fois en 2017 un fonds d’aide à la professionnalisation, le Fonds AF&C. Il s’agît d’une aide de 1000 euros par artiste, plafonnée à 4000 € par projet. Visant à favoriser la création, elle s’adresse à des spectacles encore jamais joués ou qui se sont rodés sur une dizaine de dates seulement.
L’autre ambition de cette aide est de veiller à ce que le droit social soit respecté au sein des troupes – le Fonds conditionne son aide à l’application stricte des conventions collectives. Ainsi qu’au respect du jour de relâche par semaine, obligatoire pour les travailleurs du spectacle vivant. « Bien sûr qu’on veut respecter le droit de nos employés, mais les quatre jours de relâche imposés peuvent nous faire perdre 3000 à 4000 euros sur le mois du festival, soit à peu près le montant d’une aide » commente Clémence Carayol, qui présente la pièce Combat, plongée dans la rédaction du journal d’Albert Camus entre 1944 et 1945.
Aides cumulables
Selon Pierre Beffeyte, « les aides permettent de seulement de perdre moins d’argent ».Les compagnies sont d’ailleurs souvent contraintes de postuler à plusieurs mécanismes de soutien. Le secteur est en effet « à guichets multiples » selon Bruno Bouteleux, le Président de l’Adami, l’une des Société de gestion des droits d’auteurs (SPRD) des artistes et musiciens interprètes. L’Adami participe elle aussi au financement des créations, aux mêmes conditions que le plus récent fond mis en place par le « off ». Ces aides étant cumulables, « elles sont autant de chances d’obtenir un minimum de financement » avance Bruno Bouteleux. En tout, sur les 20 dernières années, l’Adami a apporté 12 millions d’euros d’aides aux spectacles à Avignon. Dans ses statuts, la société se doit de consacrer 20 à 25% de ses perceptions au financement des actions artistiques. Cette année, elle soutient 22 créations dans le « off » et dans 7 dans le « in », pour un montant d’un million d’euros, chiffre qui augmente chaque année.
Outre l’Adami, les compagnies peuvent s’adresser à différentes Société de gestion des droits d’auteurs : la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SACEM) si le spectacle comporte des compositions musicales, mais aussi la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD) ou encore la Société de perception et de distribution des droits des artistes interprètes (Spedidam).
Les revenus de ces sociétés proviennent de la perception de droits en cas de reproduction ou de rediffusion d’éléments du spectacle (tout comme la SACEM perçoit des droits sur les titres diffusés à la radio). Mais elles sont surtout financées par une taxe sur la copie privée, prélevée sur tous les types de supports d’enregistrement, et ce depuis le milieu des années 1980 : clés USB, disque durs, magnétoscope, DVD... Dans le cas de la SPEDIDAM, 25% des revenus liés à cette taxe sont utilisés pour aider création de spectacles vivants.
Pour autant, malgré les fonds importants que parviennent à dégager les sociétés de droits d’auteurs, la part des compagnies qu’elles sont en mesure d’aider demeure faible. « Même si chaque SPRD soutient 30 ou 40 projets, on est loin des 1300 spectacles présentés rien que dans le “off” » explique l’acteur et metteur en scène Jean-Christophe Dollé.
Subventions publiques
Pour ce qui est des aides d’Etat, Jean-Christophe Dollé estime qu’une vingtaine de spectacles sont aidés par les Directions Régionales des Affaires Culturelles (DRAC). Les autres aides publiques sont les subventions des mairies pour les comédiens ou compagnies en contrats avec les villes, mais « qui se font de plus en plus rares » note Jean-Christophe Dollé.
Pour pouvoir payer les 40 à 50 000 euros nécessaires pour présenter son spectacle à Avignon, les compagnies sont obligées de trouver de nouveaux moyens de se financer. Comme le financement participatif, qui s’impose de plus en plus. D’autres compagnies n’hésitent plus à partir à la recherche de donateurs d’un nouveau genre. Pour sa pièce Combat, Clémence Carayol a ainsi perçu une aide du Ministère de la Défense et du musée Jean Moulin, dédié à la Résistance. Elle n’exclut pas par ailleurs de s’adresser à l’avenir à des entreprises privées : « on n’a pas le choix, il faut qu’on continue de faire vivre la création ».