Mercredi 9 août, à Levallois-Perret, sur les lieux de l’attaque à la voiture-bélier qui a fait six blessés parmi les soldats de « Sentinelle ». / Kamil Zihnioglu / AP

L’attaque, mercredi 9 août, à Levallois-Perret (Hauts-de-Seine) contre des soldats de « Sentinelle », la sixième du genre, a relancé le débat sur l’opération, qui mobilise quelque 7 000 soldats en permanence en France depuis les attentats terroristes de janvier 2015. Pour des experts, ces militaires sont désormais surtout des « cibles ». Côté politique, les réactions diffèrent. Des responsables plaident pour une suppression pure et simple du dispositif, certains pour son aménagement et une réduction de ses effectifs, quand d’autres prônent son maintien en l’état.

Le 13 juillet, Emmanuel Macron avait annoncé que le dispositif allait être revu « en profondeur ». « Nous proposerons une nouvelle doctrine d’intervention qui permettra de revenir en profondeur sur l’organisation de “Sentinelle” afin d’avoir une plus grande efficacité opérationnelle et de prendre en compte l’évolution de la menace », avait déclaré le président la veille du défilé, auquel il avait assisté en compagnie de Donald Trump.

Mercredi, après l’attaque de Levallois, Florence Parly, ministre des armées, a jugé l’opération « Sentinelle » « plus nécessaire que jamais ». « Ils sont un rempart avant toute chose puisque à chaque fois, ils ont pu déjouer les tentatives d’attentats qui étaient en préparation », mettait-elle en avant deux jours plus tôt.

« Le dispositif est à remettre à plat »

Un avis qui n’est pas partagé, notamment par Clémentine Autain. « Ce n’est pas l’opération la plus opportune car la plupart des interventions visent [pour les militaires] à se protéger soi-même, a ainsi déclaré, jeudi 10 août, la députée de La France insoumise sur Franceinfo. Le moment est venu de faire un bilan (…). Tout ça n’a pas trop cohérence. » Interrogée sur le projet de loi antiterroriste – destiné à inscrire dans le droit commun certaines mesures du régime de l’état d’urgence – qui sera examiné à l’Assemblée à la rentrée, Clémentine Autain a assuré que son groupe y « sera fortement opposé ».

Même ton offensif chez Daniel Fasquelle. « Le dispositif est évidemment à remettre à plat », a estimé le député Les Républicains sur RMC, qui juge néanmoins nécessaire pour le moment de « maintenir » l’opération « Sentinelle ».

« Est-ce que c’est la vocation des militaires que d’assumer ce genre de missions ? On sait qu’ils ne sont pas formés pour ça et que ce n’est pas leur mission particulière. (…) C’est d’abord et avant tout la mission de la police nationale et de la gendarmerie que d’assurer la sécurité sur le territoire national. »

Le député LR dénonce avant tout les coupes controversées de 850 millions d’euros dans les crédits de la défense en 2017.

« Le gouvernement nous a annoncé la fin de l’état d’urgence, des coupes budgétaires dans le budget de l’armée, de la police et de la justice, alors qu’on voit bien que la menace terroriste n’a jamais été aussi forte. »

« Les Français y sont très attachés »

Florian Philippot a, lui, qualifié de son côté l’opération « Sentinelle » de dispositif « pas idéal » sur Europe 1. Le vice-président du Front national propose en remplacement « une mission de police et de gendarmerie ». « Le problème, c’est que vous avez à la fois une police à l’os en France, une gendarmerie à l’os, et une armée à l’os. Evidemment on se trouve sans solution idéale, a dénoncé le vice-président du FN. Il faut avant tout annuler la baisse du budget de l’armée », accuse l’eurodéputé frontiste.

Florian Philippot a appelé également à renforcer « le renseignement français [qui] reste trop faible ». « Structurellement, il a été déconnecté du terrain lors de la réforme des renseignements généraux et on ne s’en est pas vraiment remis. »

« La défense du territoire national fait partie des missions de l’armée », a rétorqué sur RFI François de Rugy. L’opération « Sentinelle » « montre la contribution de l’armée française, de l’armée de terre à la sécurité du pays », a insisté le président de l’Assemblée nationale.

Le député socialiste Stéphane Le Foll, qui avait mis en place « Sentinelle », a réclamé sur France Inter de la « cohérence » concernant ces militaires déployés dans les rues :

« Ils sont là pour protéger et dissuader. Dire du jour au lendemain qu’on les ferait disparaître, ce n’est pas la solution (…). Les Français y sont très attachés. »

En juillet 2016, le dispositif « Sentinelle » avait déjà fait l’objet de critiques à travers le rapport de la commission d’enquête parlementaire sur les attentats de janvier et novembre 2015, présidée par Georges Fenech (Les Républicains). Le rapport, rédigé par le socialiste Sébastien Pietrasanta, préconisait d’abandonner dans deux à trois ans l’opération.

« La mise en place de “Sentinelle” était une bonne chose, car il fallait alors une réponse forte de l’Etat. Mais elle n’est pas tenable sur la durée, les militaires sont à bout de souffle, il faut diminuer progressivement les effectifs de “Sentinelle”, tout en recrutant des policiers et des gendarmes », expliquait-il alors dans un entretien accordé au « Monde ».