Œufs contaminés : les premiers retraits du marché commencent
Œufs contaminés : les premiers retraits du marché commencent
LE MONDE ECONOMIE
Dix-sept marques de gaufres doivent être retirées des rayons en France. La crise est loin d’être terminée.
Un supermarché à Lille, le 11 août. / PHILIPPE HUGUEN / AFP
Près d’un mois après le lancement de l’alerte européenne aux œufs contaminés par du fipronil, le ministère français de l’agriculture a publié, jeudi 17 août, la première liste de produits devant être retirés du marché. Dix-sept marques de gaufres sont concernées. « Ce n’est qu’un début, précise toutefois Fany Molin, porte-parole de la Direction générale de l’alimentation. Il est très probable que d’autres produits viendront s’ajouter à cette première liste, des enquêtes de traçabilité étant toujours en cours. » En Allemagne, un seul produit – un plat préparé – a été, début août, retiré des rayonnages. Au Royaume-Uni, une liste de produits retirés (sandwiches, petits pots pour bébé, salades préparées) a été publiée le 16 août par les autorités.
Une situation qui contraste avec celle qui prévaut en Belgique, pourtant épicentre de la crise, où le ministre de l’agriculture Denis Ducarme a été auditionné jeudi par des parlementaires, certains s’étonnant de ce qu’aucun produit alimentaire à base d’œufs n’a jusqu’à présent été retiré du marché belge. « Aucun produit transformé n’a été retiré, ni même signalé en Belgique », déplore le député belge Jean-Marc Nollet, chef des parlementaires écologistes.
En France, avant même la publication de la liste du ministère de l’agriculture, plusieurs distributeurs dont Leclerc, Casino (Franprix, Leader Price, Géant, Monoprix…) et Carrefour, avaient retiré de leurs rayonnages plusieurs lots de gaufres vendus sous leur propre marque, qui présentaient un risque de contamination. « Retirer les aliments au fipronil des rayons est insuffisant. Les supermarchés doivent rappeler ces produits, dit Mégane Ghorbani, responsable de campagnes de l’ONG FoodWatch. Les consommateurs les ont peut-être encore dans leurs placards, leurs frigos. Il est urgent qu’ils soient informés en toute transparence. » Plusieurs enseignes assurent cependant avoir placé des affichettes dans les rayons, afin de tenir informée leur clientèle.
Toutefois, aucune procédure de rappel n’a été mise en place. « Les lots retirés du marché ne sont pas rappelés car s’ils contiennent un taux de fipronil supérieur à la limite réglementaire, ils ne présentent pas de risque pour la santé publique, précise-t-on au ministère de l’agriculture. Nous souhaitons informer le consommateur de la présence de cette substance indésirable dans ces produits, mais il peut les consommer s’il le souhaite. »
Selon l’avis rendu le 11 août par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), la consommation d’œufs contaminés à l’insecticide, ou de produits fabriqués à partir de ces œufs, ne présente qu’un risque très faible d’intoxication aiguë.
Polémique en Allemagne
Pour l’heure, la plupart des produits épinglés dans la liste publiée par le ministère de l’agriculture proviennent d’un même intermédiaire, Fresh Food Village, une PME française qui distribue un portefeuille de marques, et d’un même fabricant : la société néerlandaise Banketgroep. Cependant, la présence de fipronil étant plus faible dans les produits finis que dans les œufs contaminés, il faudrait consommer une centaine de paquets de 8 gaufres par jour pour atteindre le seuil de risque aigü, confie un distributeur.
« Concernant les ovoproduits et produits transformés, l’enquête se poursuit auprès de nos industriels fournisseurs, avec des analyses en cours auprès de laboratoires certifiés et indépendants », ajoute-t-on chez Carrefour. N’ayant eu jusqu’à présent aucune information des grandes marques nationales de l’agro-alimentaire – dont aucune ne figure dans la liste –, les enseignes de la grande distribution avaient entrepris des vérifications auprès des fabricants des produits vendus sous leur propre marque. Plus de 200 fournisseurs ont été vérifiés, assure-t-on chez Auchan, tandis que 6 000 produits alimentaires à marque propre ont été passés en revue chez Carrefour…
L’affaire est toutefois loin de toucher à son épilogue. La liste des entreprises françaises ayant importé des œufs ou des ovoproduits contaminés ne cesse de s’allonger. Dans sa mise à jour du 16 août, le ministère de l’agriculture faisait état de quelque 3 millions d’œufs et 105 tonnes d’ovoproduits contaminés importés par 18 sociétés de transformation ou de conditionnement, et de 45 tonnes d’ovoproduits au fipronil importés par 40 grossistes.
En Allemagne, les chiffres sont non seulement bien supérieurs, mais ils ne sont pas consensuels. Ils alimentent, depuis plusieurs jours, une vive polémique. La presse allemande a rapporté, le 16 août, qu’un nombre bien plus important d’œufs contaminés se sont retrouvés dans les rayons de la grande distribution ou ont été transformés. Dans le seul Land de Basse-Saxe, 28 millions d’œufs distribués auraient contenu des traces de l’insecticide interdit. Christian Meyer, le ministre de l’agriculture du Land, est allé plus loin, assurant le 16 août que 35 millions d’œufs avaient été importés dans sa région.
Multiplication des contrôles
La source de la crise – la contamination à grande échelle de la filière avicole en Belgique et aux Pays-Bas –, est toutefois en voie de tarissement. Selon le ministre belge de l’agriculture, seules 21 exploitations avicoles belges sont encore bloquées – en grande majorité dans la partie néerlandophone (nord) – contre 86 au plus fort de la crise. « Même si la vigilance ne se relâche pas et que les tests vont se poursuivre, nous sortons progressivement de la crise du fipronil », a-t-il affirmé face aux parlementaires. « Les œufs belges sont aujourd’hui garantis sur le marché sans fipronil », a-t-il poursuivi.
L’Agence fédérale [belge] pour la sécurité de la chaîne alimentaire (Afsca) a multiplié les contrôles ces derniers jours, y compris sur la viande des poules pondeuses et les ovoproduits. Elle a aussi élargi son rayon d’action aux élevages non suspectés d’avoir eu recours aux entreprises qui sont dans le collimateur de la justice pour avoir livré ou pulvérisé du fipronil… Quelque 180 sites ont été testés (au-delà des 86 visés par le blocage préventif) et « de faibles concentrations de fipronil ont été constatées dans sept » d’entre eux, d’après l’agence. « Après ce monitoring dans les exploitations non-suspectes, tout le secteur des poules pondeuses a été contrôlé. A l’exception d’un seul, tous les résultats sont en dessous de la valeur limite européenne », a souligné l’Afsca.
Reste en suspens la question de la période au cours de laquelle le fipronil a été utilisé. Certains éléments de l’enquête en cours en Belgique, cités par des parlementaires, font état d’une utilisation de l’insecticide interdit depuis environ un an. Or selon des chiffres de l’Afsca, la Belgique a exporté en 2016 environ 1,2 milliard d’œufs, dont près d’un quart hors de l’Union européenne (surtout au Moyen-Orient et en Afrique), ainsi que 23 000 tonnes de produits à base d’œufs (ovoproduits), dans l’Union européenne et à Hongkong notamment.