« Il existe aujourd’hui un momentum dans les relations entre Israël et l’Afrique »
« Il existe aujourd’hui un momentum dans les relations entre Israël et l’Afrique »
Propos recueillis par Cyril Bensimon
Un premier sommet Afrique-Israël est prévu en octobre au Togo. L’ambassadrice d’Israël en France, Aliza Bin-Noun, explique l’intérêt grandissant de son pays pour le continent.
Benyamin Nétanyahou qui promet en juin, lors d’un sommet de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cédéao) au Liberia, un milliard de dollars pour un programme de développement de l’énergie solaire. Le président rwandais Paul Kagamé accueilli en juillet à Jérusalem en « excellent ami », avant que ce ne soit un mois plus tard le Togolais Faure Gnassingbé. L’Etat juif confirme son retour sur le continent africain alors que se prépare le premier sommet Afrique-Israël, prévu fin octobre à Lomé.
L’ambassadrice d’Israël en France, Aliza Bin-Noun, qui a débuté sa carrière au Swaziland, l’un des trois pays africains à avoir maintenu ses relations après la guerre de 1973 – ils sont aujourd’hui une quarantaine –, explique pourquoi l’Afrique est remontée en tête des priorités de l’agenda diplomatique de son gouvernement.
A quel besoin répond l’organisation de ce premier sommet Afrique-Israël ?
Aliza Bin-Noun Ce sommet auquel Israël est invité est un signal du renforcement des relations entre Israël et l’Afrique. Depuis la création de l’Etat d’Israël, nos relations ont été très spéciales avec le continent africain. Sous David Ben Gourion et Golda Meir, alors qu’Israël était encore un pays très jeune, les Etats africains luttaient pour leur indépendance. Cela a créé des similarités entre Israël, un petit pays avec des problèmes existentiels, et le continent africain alors en train d’accéder à l’indépendance. Dès les années 1950, nous avons eu une coopération particulière car, en tant que jeune pays, nous avions la volonté de partager notre expérience dans les domaines de l’agriculture, de la médecine, de la gestion de l’eau. Nous avions des experts en Afrique et en même temps des Africains ont été accueillis en Israël pour qu’ils s’inspirent de notre expérience. Cela était très bien reçu dans les pays africains jusqu’en 1967 – année de la guerre des six jours – où beaucoup de pays ont rompu leurs relations avec Israël sous la pression arabe. Aujourd’hui, l’objectif d’Israël est d’avoir des relations diplomatiques aussi bonnes que possible avec la communauté internationale. Concernant le continent africain, nous voulons poursuivre notre coopération et notre aide au développement, mais aussi renforcer nos liens politiques, car il est très important pour Israël d’avoir des pays qui nous soutiennent au sein des organisations internationales.
La lutte contre le terrorisme, qui depuis plusieurs années, est devenue un enjeu très important, à l’agenda des relations entre Israël et de nombreux pays africains, mais la coopération technologique tient également une place importante. L’idée de ce sommet à Lomé est que les chefs d’Etat qui participent, viennent avec des sociétés qui peuvent jouer un rôle dans nos relations.
Quelles ont été les retombées de la visite il y a un an du premier ministre dans quatre pays africains ?
Depuis 2016, de nombreux dirigeants africains ont visité Israël. Des leaders africains comme le président Kagamé du Rwanda ou le président Kenyatta du Kenya ont eu des déclarations très favorables à Israël. Beaucoup d’autres se sont exprimés de manière très positive par rapport à Israël. Cela n’était pas le cas avant. Nous avions des amis africains mais ceux-ci subissaient des pressions qui pouvaient venir de l’extérieur du continent. Cette visite a permis un rapprochement significatif. Quatre pays ont renouvelé ou ouvert des relations avec Israël : la Guinée, la Zambie, le Soudan du Sud, le Rwanda, et la Tanzanie est en train de le faire. Nous avons également de plus en plus d’ambassadeurs africains, de politiques qui visitent Israël. Il existe aujourd’hui un momentum dans les relations entre Israël et l’Afrique et la visite du premier ministre y a contribué de manière significative.
Ce rapprochement suscite cependant des tensions. Le Maroc a annulé sa participation au dernier sommet de la Cédéao au Liberia, en raison de la présence d’officiels israéliens…
Bien sûr, il y a de fortes résistances. Par exemple, Israël essaie de retrouver son statut d’observateur à l’Union africaine, mais il y a des pays africains qui sont influencés par des pays arabes ou par d’autres nations qui ne sont pas favorables à Israël. L’Algérie, par exemple, joue un rôle négatif. L’Afrique du Sud, même si nous avons des relations diplomatiques, poursuit une politique très critique à l’égard d’Israël. L’Iran, qui joue un rôle en Afrique, promeut elle aussi une politique anti-israélienne sur le continent.
Israël est réputé pour son expertise sécuritaire. Avez-vous établi des contacts avec des pays touchés par le terrorisme comme le Tchad, le Mali ou le Niger ?
Des contacts existent, des liens sont tissés. Nous espérons que des relations officielles seront renouvelées car nous n’avons aucun différend avec les pays du Sahel. Israël tend la main à tous les pays qui veulent avoir des relations diplomatiques et amicales avec elle. C’est notre politique depuis la création de l’Etat. Au Moyen-Orient, nous entretenons des relations avec l’Egypte et la Jordanie, cela démontre que c’est possible si la volonté existe.
Israël participe à la formation de gardes présidentielles. Ne craignez-vous pas d’être accusé de renforcer des gardes prétoriennes et d’avoir, même indirectement, soutenu d’éventuelles répressions ?
Cela fait maintenant plus de trente ans qu’aucun officiel israélien dans le domaine de la sécurité n’a plus opéré sur le continent africain ! Cependant, les légendes sont tenaces. De plus, Israël n’est pas un cas si spécial dans ce domaine car de nombreux pays, y compris européens, agissent encore aujourd’hui dans ce domaine.
Quel est le volume actuel des relations commerciales entre Israël et le continent africain ?
Il s’élève à environ 1,2 milliard d’euros, mais il doit être élargi car le potentiel existe. Il y a des secteurs comme les énergies renouvelables, la communication, l’agriculture, la médecine où Israël peut utiliser son expertise au profit des pays africains.
Ne craignez-vous pas que les manifestations contre les immigrés africains, puis celles des juifs d’origine éthiopienne dénonçant un racisme anti-Noirs puissent ternir votre image en Afrique ?
Tout d’abord, les manifestations n’ont pas été nombreuses récemment. Nous contrôlons la situation et nous avons tenté d’améliorer la situation des immigrés africains en Israël. Bien sûr, nous ne pouvons pas dire que nous avons résolu tous les problèmes, mais c’est une question qui préoccupe le gouvernement.
Enfin, il ne faut pas oublier qu’il y a des millions de chrétiens sur le continent africain et que pour eux Israël joue un rôle religieux important. Cela va au-delà des relations classiques qui donnent à Israël une image très particulière sur le continent du fait du lien entre le judaïsme et la chrétienté.