Rwanda : imbroglio autour de l’opposante Diane Shima Rwigara
Rwanda : imbroglio autour de l’opposante Diane Shima Rwigara
Par Pierre Lepidi
Selon son avocat, la jeune femme, dont la famille était sans nouvelles depuis plusieurs jours, aurait été interrogée par la police puis ramenée à son domicile.
Janvier Rwagatare, avocat de la famille, est formel : « Personne n’a été kidnappé. » L’annonce de l’arrestation de Diane Shima Rwigara, opposante à Paul Kagamé, président du Rwanda, et de quatre membres de sa famille il y a quelques jours laissait pourtant craindre le pire. L’un des oncles de la jeune femme, dont la candidature à l’élection présidentielle du 4 août n’avait pas été validée, affirmait même dans une vidéo publiée sur Internet que la mère de Diane Shima Rwigara, ses deux frères et sa sœur avaient été emmenés « dans un endroit qui n’est pas connu ».
La famille a fait parvenir, mardi 5 septembre, un communiqué : « Nous sommes heureux de vous informer que Diane et les membres de sa famille sont toujours en vie… Nous sommes donc extrêmement reconnaissants à tous ceux qui ont contribué à mettre la pression sur le régime de Kagamé. » L’heure semble à l’apaisement. « Je ne peux pas vous dire si Diane a été entendue par la police à cause de ses activités politiques, car je n’étais pas présent au moment de son audition, indique au Monde Janvier Rwagatare. Je ne suis pas inquiet pour eux. Il y a eu une mésentente, mais nous allons trouver un accord. »
« Elle n’a pas été arrêtée »
Soupçonnée d’« évasion fiscale » et de « faux et usage de faux », Diane Shima Rwigara a été emmenée mardi 29 août, selon sa famille, au terme d’une perquisition effectuée par le Criminal Investigations Department (CID), interrogée, puis ramenée à son domicile. « Des téléphones, des ordinateurs et de l’argent ont notamment été saisis », explique l’avocat. Dès le lendemain, la police rwandaise a confirmé avoir perquisitionné le domicile de la jeune femme à Kigali. « Nous avons fouillé son domicile mais… elle n’a pas été arrêtée. Aucun des membres de sa famille non plus », avait fait savoir dès le 31 août Théo Badege, porte-parole de la police.
Diane Shima Rwigara et sa famille ont-elles été séquestrées au domicile de la jeune femme ? Pourquoi personne ne leur a rendu visite ? Comment expliquer la différence entre leur version et celle défendue par la police ? « Les moyens de communication de toute la famille ont été récupérés par les autorités, répond l’avocat, qui ne s’était pas encore entretenu avec Diane Rwigara mardi 5 septembre. Personne n’a pu donner de nouvelles. » Cette explication semble confirmée par une vidéo circulant sur Internet. Tournée lundi au domicile de Diane Shima Rwigara, elle montre la jeune femme s’emporter devant un policier : « Dites aux journalistes que vous nous aviez enfermés ici ! Vous êtes des voleurs. Vous persécutez ma famille uniquement parce que j’étais candidate à la présidentielle. »
Agée de 35 ans, Diane Shima Rwigara n’avait pas pu se présenter à l’élection, remportée avec 98,8 % des voix par Paul Kagamé. L’opposante avait été disqualifiée par la Commission électorale avant le scrutin pour avoir « falsifié des signatures ». Selon la Commission, la candidate, qui avait assuré avoir collecté plus de 1 000 signatures [600 suffisent pour participer] n’en avaient obtenu que 572 « valides ». Kalisa Mbanda, président de la Commission, l’avait notamment accusée d’avoir inscrit parmi ses soutiens des personnes décédées. La campagne avait pris bien avant des allures de chemin de croix pour la jeune femme. Quelques jours après l’annonce de sa candidature, celle-ci avait vu des photos d’elle entièrement nue publiées sur Internet.
Un assassinat déguisé
La famille Rwigana n’est pas inconnue dans le paysage politique rwandais. Diane est la fille d’Assinapol Rwigara, un homme d’affaires souvent qualifié de financier du Front patriotique rwandais, le parti au pouvoir. Celui-ci a été tué en février 2015 lors de la collision de sa Mercedes avec un poids lourd. Pour sa fille, il s’agit d’un assassinat déguisé en accident par le régime.
Dans un rapport publié en juillet, Amnesty International a dénoncé des attaques répétées contre l’opposition au Rwanda, accusations rejetées en bloc par les autorités.
« Nous ne nous arrêterons pas tant que cette opération illégale et d’oppression contre la famille Rwigara ne sera pas terminée », indique le communiqué de soutien de l’ancienne candidate.