Le savoir-rire de Matthieu Noël
Le savoir-rire de Matthieu Noël
Par Sandrine Blanchard
Tout sourit au chroniqueur-animateur qui, pour cette rentrée, s’est vu confier une chronique et une émission quotidienne sur Europe 1
Matthieu Noël. / Europe 1
En ce mois de septembre où tout lui sourit, Matthieu Noël pense à son père, décédé en 2011 : « il aurait été tellement fier de ce rendez-vous de 7 h 55… » Au cœur de la nouvelle matinale d’Europe 1 présenté par Patrick Cohen, sa chronique désopilante écrite avec soin s’affirme, au fil des semaines, comme l’un des meilleurs rendez-vous humoristiques de cette rentrée radiophonique. « Nous étions très complices avec mon père, nous écoutions ensemble Guy Carlier et Didier Porte à la radio, regardions Antoine De Caunes et José Garcia sur Canal+, on aimait cette liberté de ton », se souvient ce fils unique, dont les parents, traducteurs aux bureaux de l’ONU à Genève, ont tempéré ses rêves de cinéma en lui conseillant des études plus « sages » pour assurer son avenir.
« Mon rêve c’était l’école de La Femis et finalement, pour rassurer mes parents, j’ai fait Sciences Po Paris et j’ai même failli passer le concours d’administrateur de l’Assemblée nationale pour faire plaisir à ma mère », s’amuse en toute franchise celui qui a décroché sur Europe 1, en plus d’une chronique matinale, sa propre émission humoristique avec Rien ne s’oppose à midi, remplaçant sur ce créneau Anne Roumanoff. « C’est une année importante pour lui, une vraie étape, il devient beaucoup plus identifiable », constate, sans étonnement, Marc-Olivier Fogiel, le premier à avoir repéré le potentiel de ce grand jeune homme plutôt timide qui ne cherchait pas la lumière.
"Patrick est arrivé rue François 1er sur une chaise à porteurs dorée à l’or fin"
Durée : 02:49
Mercredi 20 septembre, dans un billet sarcastique consacré à la folie du discours de Trump à la tribune de l’ONU, Matthieu Noël mélange, comme à son habitude, musique (Yann Tiersen, Hélène Ségara, Village people), références historiques (Kissinger, Talleyrand), bons mots (Kim Jong-un surnommé « boule coco »), réactions sorties de leur contexte de ses confrères et consœurs de la matinale pour s’étonner d’« un monde où un comique et un président des Etats-Unis sont sur le même niveau de langage ». Ces inserts, savamment utilisés « c’est ma marque de fabrique, mon gimmick », reconnaît le chroniqueur-animateur. Il utilisait déjà cette mécanique très rythmique dans « Faites entré l’invité » aux côtés de Michel Drucker, dans « La cour des grands » d’Alessandra Sublet ou encore dans son Debrief de « C à vous » sur France 5.
Désormais, chaque matin dans « Noël s’en mêle », Matthieu Noël s’empare de l’actualité, dénonçant les travers de notre époque – peu importe si une troisième guerre mondiale survient, le nouvel iPhone est sorti –, se moquant des Tartuffe de tout bord politique, comparant les déclarations d’Emmanuel Macron sur les « fainéants » au syndrome du tourisme français à l’étranger – plus il est loin de son pays plus il se lâche. A la fois potache et irrévérencieux, son humour recèle ce qu’il faut d’autodérision.
"On est dans un monde où un comique et un président des Etats-Unis sont sur le même niveau de langage"
Durée : 03:01
En lui proposant une chronique et une émission quotidienne, Emmanuel Perreau, le nouveau directeur délégué aux programmes d’Europe 1 (transfuge de France Inter) lui a fixé pour mission « le gai savoir ». « Je tente de faire rire et un peu réfléchir et j’essaie de créer un esprit de bande en vannant la petite famille d’Europe 1 », déroule l’animateur. Dans « Rien ne s’oppose à midi », aux côtés de Guy Carlier et d’Eva Roque, il convie des journalistes de la maison à venir débriefer des sujets d’actualité. « Cette émission me ressemble. J’essaie de mettre le curseur entre humour et fond au bon endroit pour que les auditeurs apprennent quelque chose. Faire un enchaînement de blagues, cela ne m’intéresse pas ».
Parce que l’offre d’Emmanuel Perreau était « impossible à refuser », Matthieu Noël a quitté sans état d’âme la télévision. Et n’a « aucune intention d’y retourner ». « “C à vous” a été une récréation. Je n’ai jamais très bien vécu le fait d’imposer ma gueule, je préfère qu’on écoute plutôt qu’on regarde », justifie-t-il. Et puis il l’avoue : « chez moi, je n’ai pas la télé depuis sept ans ». Fuyant les réseaux sociaux, il occupe son peu de temps libre à lire et à regarder des séries et des films. « Matthieu est atypique, il n’a jamais fantasmé sur le petit écran et à une culture à 360 degrés », constate Marc-Olivier Fogiel.
« Fogiel a été ma bonne fée »
Après avoir embauché le jeune stagiaire Noël comme assistant pour préparer ses interviews, le producteur l’a incité, en 2008, à passer à l’antenne : « Je lui ai forcé la main, ce n’était pas sa demande mais j’étais certain que c’était sa voie ». Matthieu Noël reconnaît que « Fogiel a été ma bonne fée, avec lui j’ai appris à travailler et à écrire vite ». Jusqu’à cette rentrée, il faisait toujours parti d’une bande, désormais c’est lui qui a la sienne. « Il s’est trouvé, estime Mathieu Madénian qui l’a côtoyé sur l’ancienne émission de Drucker. Il fait rire avec sincérité sans créer de malaise, en riant avec et non contre », poursuit l’humoriste.
Pourtant Matthieu Noël a toujours « le rêve de la fiction ». Il a mis entre parenthèses ses projets de scénarios – « une série drôle et grinçante à mi-chemin entre Fais pas ci, fais pas ça et Girls » – pour se consacrer « à fond » à cette aventure radiophonique. Ce fan d’Edouard Baer reviendra un jour à ses idéaux de jeunesse.