Le cinéma, un rêve de gosse pour Johnny Hallyday
Le cinéma, un rêve de gosse pour Johnny Hallyday
Par Jean-Luc Douin
Plus que chanteur, c’est comédien que Johnny Hallyday, mort le 6 décembre, voulait être. Mais si le cinéma lui a rapidement fait les yeux doux, c’est avec le film « Détective » de Godard, en 1985, qu’il considère avoir eu son premier « vrai » rôle.
« Quand j’ai un problème, disait-il, je rentre dans une salle de cinéma pour tout oublier. » Johnny Hallyday était assez cinéphile. Gamin, il était porté sur les films à grands spectacles, les films noirs. Son cinéaste préféré était Elia Kazan pour Un homme dans la foule ou Sur les quais avec Marlon Brando, son idole avec James Dean et Montgomery Clift. Un rêve le berçait : rejoindre l’Actors Studio. Grand romantique, il confessait aussi une passion pour Gérard Philipe et les films « où l’amour finit mal ». C’est comédien qu’il voulait être, plus que chanteur.
Il joua, à 11 ans, dans Les Diaboliques de Clouzot, mais la scène a été coupée au montage. Le cinéma lui fait les yeux doux dès que ses disques se vendent. En 1961, dans Les Parisiennes de Marc Allégret, il chante Retiens la nuit avec Catherine Deneuve dans une cuisine. C’est plié, on lui donne des rôles de chanteurs, comme à Elvis Presley aux Etats-Unis : D’où viens-tu Johnny (1963), western édifiant en Camargue, avec Sylvie Vartan ; A tout casser (1967), un polar avec Eddie Constantine ; dans Les Poneyttes (1967), il est peint en or, avec la coiffure de Polnareff.
Vexé, Pialat le snobe
Les navets défilent. Il est cow-boy dans Le Spécialiste (1969), meurt dans Point de chute (1970), est kidnappé dans L’Aventure c’est l’aventure de Claude Lelouch qu’il vient présenter à Cannes. Et là, il refuse tout, en attendant qu’un vrai rôle se présente, qu’on l’emploie comme un vrai comédien. « J’ai décidé que ce serait Godard ou Pialat. Des casseurs d’image. Avec eux on irait voir un Godard ou un Pialat, pas un Hallyday. D’ailleurs, un film d’Hallyday, je ne sais pas si les gens iraient le voir ! »
Ce fut Godard, Détective (1985), dans un rôle où il prend sa légende à rebrousse-poil. « Il fallait briser le mythe, séparer mon travail au cinéma du show-business. Je considère “Détective” comme mon premier film. » Il y interprète un manageur de boxe désabusé, et face au dieu vivant, il est dans ses petits souliers : « Un matin, il te dit devant tout le monde qu’il a vu les rushs de la veille et que tu y es à chier ! Cela te ratatine ! Tu as envie de te barrer. Mais c’est une expérience ! »
A partir de cette année-là, Johnny prend les choses au sérieux. Il passe commande d’un scénario pour lui et Nathalie Baye à Jean-Loup Dabadie qu’aurait tourné Alain Corneau. Le film reste mort-né. Il tourne avec Costa-Gavras (Conseil de famille en 1985, où il dirige un clan de cambrioleurs), avec Pierre-William Glenn (chauffeur d’un poids lourd de science-fiction dans Terminus, 1986). Pialat le voulait pour Police mais, vexé qu’il ait tourné avec Godard, le snobe.
Il sera aussi mercenaire français au Vietnam dans Le Triangle de fer (1988) et est dans la distribution de La Gamine (1991). Mais il redit stop ! « J’en ai eu marre d’enquiller des films qui ne marchaient pas. » C’est Vincent Lindon qui va le convaincre de revenir devant la caméra, pour un rôle de star traquée par les paparazzi. Apparition express, avec Carla Bruni, dans Paparazzi d’Alain Berbérian en 1998…
Une gaucherie qui intéressait les metteurs en scène
Et la carrière redémarre, grâce à des rôles qui affrontent désormais son propre mythe. Love Me, de Laetitia Masson (1999), où il incarne un chanteur has been, Mischka, de Jean-François Stévenin (2000) où il joue le rôle d’un certain Johnny Hallyday, comme plus tard un patron de bowling dans le Jean-Philippe, de Laurent Tuel, avec Fabrice Luchini qui a pour mission de le révéler à son vrai destin (2006). En 2001, il est dans L’Homme du train, de Patrice Leconte avec Jean Rochefort.
Hallyday était-il un acteur ? Il avait une présence, une gaucherie qui intéressait les metteurs en scène et collait parfois avec le personnage qu’on lui confiait. Il aura eu de nouveau les honneurs du Festival de Cannes en 2009 pour Vengeance, un thriller de Johnnie To où il vient à Hongkong exterminer les tueurs de sa fille.
On le retrouve en 2014 dans un rôle troublant chez Claude Lelouch qui lui fait interpréter dans Salaud, on t’aime ! un photographe de guerre retiré à la montagne, qui va retrouver ses filles grâce à l’entremise d’un ami qui leur fait croire que leur père est sur le point de mourir. C’est encore Claude Lelouch qui lui confie son dernier rôle, dans le film choral Chacun sa vie, sorti sur les écrans le 15 mars 2017. Sur ce versant de sa carrière, l’homme était modeste, lucide : « Je connais mes limites. »