Lors de l’inauguration de la LGV Paris-Rennes, le 1er juillet 2017, à Rennes. / FRED TANNEAU / AFP

« Tout n’est donc pas possible. Il faut choisir. » Ainsi commence le rapport du Conseil d’orientation des infrastructures, soit 212 pages remises à la ministre des transports, Elisabeth Borne, jeudi 1er février par son président, Philippe Duron, ancien député socialiste, ex-maire PS de Caen et figure éminente du transport. Au bout de cinq mois de travail, le gouvernement dispose d’un outil censé lui permettre de décider quels grands travaux d’infrastructures – autoroutes, lignes à grande vitesse, canaux de grand gabarit, travaux ferroviaires d’envergure – seront possibles au cours des vingt prochaines années.

Depuis le 1er juillet 2017, et le discours d’Emmanuel Macron lors de la double inauguration des lignes à grande vitesse (LGV) Tours-Bordeaux et Le Mans-Rennes, une pause avait été décrétée dans les grands travaux et la priorité donnée aux mobilités du quotidien. La loi d’orientation des mobilités prévue pour avril sifflera la fin de cette période.

A vrai dire, le rapport Duron se garde bien de décider à la place du gouvernement. En rappelant, en préambule, que « la transition écologique n’est pas une option » et que « la mobilité du quotidien est un fil conducteur », les auteurs du rapport proposent plutôt trois scénarios, plus ou moins ambitieux. Dans l’entourage d’Elisabeth Borne, on souligne que la démarche est inédite. « Au fond, aucun projet n’est purement et simplement abandonné, confie un collaborateur de la ministre. Selon les options choisies, la vitesse de lancement et d’avancement sera plus ou moins rapide. »

Scénario cauchemar pour les élus

Quels sont ces scénarios ? Le premier, à 48 milliards d’euros, est minimal. Dans ce cas de figure – où la dépense est, malgré tout, supérieure de 25 % à celle de la période 2012-2018 –, la plupart des nouvelles lignes ferroviaires sont parfois commencées, mais ne seront pas achevées en 2037 : LGV Bordeaux-Toulouse, Montpellier-Perpignan, nouvelles lignes Paris-Normandie et région PACA, nœud ferroviaire de Lyon.

Dans ce scénario cauchemar pour les élus, mais qui pourrait plaire à Bercy, la politique « conduit à poursuivre, au moins pour cinq à dix ans, la pause décidée pour les grands projets. Ce faisant, poursuit le rapport, il rend irréaliste une avancée substantielle de ces grands projets dans les vingt prochaines années et repousse à autour de 2050 l’ambition de les avoir achevés. »

Le rapport enterre ou renvoie aux calendes grecques quelques projets ferroviaires comme routiers

Les deux autres scénarios sont plus impressionnants – 60 milliards pour le deuxième, 80 milliards pour le troisième – et ont, d’évidence, la préférence des auteurs du rapport. Le scénario intermédiaire, en particulier, satisfait « les priorités fixées par le président de la République », précise avec quelque habileté le rapport. « Il privilégie la mise en œuvre des priorités de restauration et de modernisation du patrimoine et d’amélioration des mobilités du quotidien pendant une dizaine d’années à un niveau d’ambition élevé, qui s’inscrit en rupture des pratiques antérieures. »

Saturation et vétusté des nœuds ferroviaires

Ces scénarios 2 et 3 permettent surtout de s’attaquer sérieusement à la saturation et à la vétusté des nœuds ferroviaires, à l’abord des grandes gares parisiennes, mais aussi de celles de Bordeaux, Toulouse, Marseille, Toulon, Nice signalés comme prioritaires par la commission Duron. On ferait d’une pierre deux coups en quelque sorte. D’une part, ces travaux permettent d’améliorer le transport des habitants des métropoles et de créer des réseaux type RER dans des villes millionnaires qui en sont dépourvues. D’autre part, ils constituent le préalable aux grands projets de liaisons ferrées entre métropoles.

Prenons l’exemple de la LGV Bordeaux-Toulouse. On commencerait par les nœuds ferroviaires des métropoles dès 2018, et on irait vers une livraison complète de la nouvelle ligne en moins de dix ans dans le scénario 3, en moins de vingt ans dans le scénario 2.

Le rapport enterre ou renvoie aux calendes grecques quelques projets ferroviaires comme routiers. C’est le cas de la LGV Bordeaux-Dax – la ligne fétiche du précédent secrétaire d’Etat aux transports, le Landais Alain Vidalies –, qui n’est achevée, en 2037, dans aucun scénario. On peut citer également les LGV Ouest-Bretagne au-delà de Rennes, Rhin-Rhône vers Besançon-Belfort, l’autoroute A45, entre Lyon et Saint-Etienne, ou les contournements autoroutiers de Bordeaux, Lyon et Lille.

Poids « en termes de dépenses publiques »

En revanche, la commission Duron ne traite pas de quelques dossiers chauds « actés par ailleurs » : le canal Seine-Nord Europe, le réseau Grand Paris Express, le Charles-de-Gaulle Express et la section internationale du tunnel du Lyon-Turin. Une manière de rappeler que ces projets se feront. Les sages remarquent toutefois que lesdits grands travaux, même entérinés, « pèsent également en termes de dépenses publiques, au sens du traité de Maastricht, et de prélèvements obligatoires ».

Du côté des recettes, le rapport Duron fait quelques suggestions qui pourraient faire grincer des dents : remise en question de la niche fiscale permettant aux professionnels du transport de bénéficier d’un taux réduit de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, redevance temporelle sur les poids lourds et les véhicules utilitaires de livraison, péages sur routes nationales… Jeudi matin, Mme Borne a indiqué que le gouvernement choisirait entre les trois scénarios de la Commission.