Les ambitions foudroyées du PSG version qatarie
Les ambitions foudroyées du PSG version qatarie
Par Rémi Dupré
Battu (2-1) par le Real Madrid, mardi, le club parisien est une nouvelle fois éliminé en huitièmes de finale de Ligue des champions.
Le PSG a été éliminé en huitièmes de finale de Ligue des champions par le Real Madrid, mardi 6 mars, au Parc des princes. / FRANCK FIFE / AFP
L’émir du Qatar, Tamim Ben Hamad Al-Thani, va finir par se lasser des échecs à répétition du Paris-Saint-Germain sur la scène européenne. Depuis les tribunes du Parc des princes, le souverain n’a pas dû apprécier de voir « son » club se faire une nouvelle fois éliminer en huitièmes de finale de Ligue des champions. Un an après l’humiliante débâcle face au FC Barcelone (6-1) à ce stade de la compétition, l’équipe de la capitale a été battue (2-1) et boutée hors du tournoi, mardi 6 mars, par un autre grand d’Espagne : le vénérable Real Madrid, entraîné par l’icône française Zinédine Zidane, double tenant du titre et récipiendaire du trophée à douze reprises.
Ni le tifo géant déployé au Parc, ni la campagne de communication du PSG et ses slogans optimistes et mobilisateurs n’ont permis de renverser la vapeur. Trois semaines après sa rageante défaite (3-1) concédée à Santiago-Bernabeu lors de la manche aller, la formation parisienne a été de nouveau domptée par les Merengue du Portugais Cristiano Ronaldo, auteur de trois buts sur les deux confrontations. Encline à se référer à son glorieux passé, elle n’a donc pu rééditer, face au Real, son exploit (victoire 4-1 après un revers 3-1 à l’aller) de 1993, en quarts de finale de la défunte Coupe de l’UEFA.
Pour les dirigeants du PSG, le constat est douloureux : depuis son rachat, en 2011, par le fonds Qatar Sports Investments (QSI), le club n’est jamais parvenu à atteindre le dernier carré de la Ligue des champions, l’objectif minimal fixé cette saison. Moins cauchemardesque que la remontada (remontée) des Blaugrana en 2017, cette énième sortie de route renvoie toutefois les investisseurs de Doha à leurs infortunes chroniques sur l’échiquier continental.
L’échec d’Unai Emery
« Tout le monde est très énervé, on n’est pas contents du tout », a tempêté, le regard noir, Nasser Al-Khelaïfi, président qatari du club et homme de confiance de l’émir. Cette fois, le patron du PSG n’a pas pu se plaindre de l’arbitrage de l’Allemand Felix Brych, alors que lui et ses lieutenants avaient multiplié les critiques envers son collègue italien Gianluca Rocchi après le match aller.
Irrémédiablement, ce revers scelle le sort de l’entraîneur parisien Unai Emery, dont le contrat devait être prolongé en juin en cas de qualification pour les demi-finales du tournoi. Son échec est patent. En tête de la Ligue 1 et qualifié pour la finale de la Coupe de la Ligue (programmée le 31 mars, face à Monaco), le technicien peut déjà préparer ses valises. Ses méthodes de travail sont contestées en interne depuis plusieurs mois et il est en froid avec plusieurs cadres de son vestiaire.
Triple vainqueur de la Ligue Europa (entre 2014 et 2016) avec le Séville FC, le Basque avait été recruté à l’été 2016, quelques mois après l’élimination traumatisante contre le rival Manchester City, propriété du cheikh Mansour d’Abou Dhabi (Emirats arabes unis), en quarts de Ligue des champions. Sa feuille de route était claire : faire entrer le PSG dans une autre dimension après quatre échecs consécutifs aux portes des demi-finales.
L’absence préjudiciable de Neymar
A Santiago-Bernabeu, ses choix trop audacieux et risqués avaient clairement fragilisé sa formation et précipité sa chute lors du match aller. De surcroît, l’Ibère a souffert de la comparaison avec son homologue madrilène Zinédine Zidane, dont le coaching s’est révélé décisif. Le visage fermé, Unai Emery n’a pas cherché d’excuses. En conférence de presse, il ne s’est pas réfugié derrière l’absence préjudiciable de sa star brésilienne Neymar, victime « d’une fissure du cinquième métatarsien droit » et qui sera sur le flanc pendant plusieurs mois.
Symboles des désillusions parisiennes depuis six saisons, le vétéran Thiago Motta (35 ans) et le capitaine Thiago Silva ont fait part de leur sentiment d’impuissance. « Il faut assumer, on n’était pas capables de se qualifier », a confié le premier. « On n’a pas fait le match qu’il fallait faire », a glissé le second.
A l’unisson, les joueurs et dirigeants du PSG ont pointé le gouffre culturel qui les sépare du Real Madrid, véritable machine à remporter des titres. Le manque d’expérience des Parisiens fut incarné par l’Italien Marco Verratti, 25 ans, expulsé de manière absurde, à l’heure de jeu, pour protestation. Une expulsion qui a définitivement étouffé les dernières velléités du PSG.
« Ça montre qu’il faut encore travailler, être plus mature et avoir plus d’expérience, on a vu que le Real a su être bon sur certains détails, a concédé le défenseur brésilien Marquinhos, glacial. Je pense qu’on ne peut pas remporter cette compétition tout de suite, tout le monde nous le dit. Il faut beaucoup perdre pour apprendre et [la] gagner. »
417 millions investis sur le marché des transferts
Sauf que la patience de Tamim Ben Hamad Al-Thani a ses limites. Son objectif est de remporter le tournoi européen avant l’organisation de la Coupe du monde 2022 par l’émirat gazier. Le naufrage du PSG face au Barça, la perte des droits télévisés de la Ligue des champions (pour le cycle 2018-2021) par la chaîne qatarie BeIN Sports au profit du groupe SFR Altice de Patrick Drahi et l’isolement diplomatique de son pays, confronté au blocus imposé par ses voisins du Golfe, ont définitivement convaincu le souverain de passer à la vitesse supérieure à l’été 2017.
Les dirigeants parisiens ont ainsi investi 417 millions d’euros sur le marché des transferts pour enrôler notamment Neymar, devenu le joueur le plus cher du monde (222 millions) et le prodige français Kylian Mbappé (180). Triple vainqueur de la Ligue des champions, le Brésilien Daniel Alves, 34 ans, a également été recruté pour apporter sa culture de la gagne et son expérience à l’équipe. Sur le plan politique, l’état-major du club a été chamboulé avec l’arrivée d’un nouveau directeur sportif, le Portugais Antero Henrique, ex-recruteur en chef du FC Porto et homme de réseaux.
Mais force est de constater que les dépenses consenties et la stratégie très ambitieuse de QSI n’ont guère porté leurs fruits sur le plan sportif. Avec ce fiasco face au Real Madrid, le PSG donne l’impression de faire du surplace. Son image de marque est écornée par ce statut d’éternel perdant. « Cela ne remet pas en cause notre stratégie d’investissements. On croit en nos joueurs. On veut continuer notre projet », a balayé Nasser Al-Khelaïfi, qui va devoir trouver cet été un successeur à Unai Emery.
« Annus horribilis »
Malgré le recrutement en grande pompe de Neymar, vitrine commerciale et porte-drapeau des ambitions européennes du club, le PSG a connu une « annus horribilis ». Outre la blessure – au pire moment – de sa star et les atermoiements autour du diagnostic médical, la formation parisienne a multiplié les déconvenues.
Depuis septembre 2017, elle fait l’objet d’une enquête de l’Instance de contrôle financier des clubs dans le cadre du fair-play-financier (FPF). Pour être dans les clous du FPF et ainsi échapper à une éventuelle sanction, elle va devoir générer 75 millions d’euros de revenus d’ici au 30 juin, date de clôture de ses comptes. Le PSG ne pourra d’ailleurs pas compter sur la manne (13 millions d’euros) prévue en cas de qualification pour les quarts de Ligue des champions, au titre des dotations de l’UEFA et à l’aune des retombées liées à la billetterie, aux droits télévisés et au marketing.
Comment le PSG version QSI va-t-il relancer son projet ? « Ce n’est pas le moment de parler de changements, a déclaré Nasser Al-Khelaïfi, sous le coup d’une procédure pénale ouverte, en 2017, par le parquet suisse, dans le cadre de l’octroi à BeIN Media des droits de diffusion des Mondiaux 2026 et 2030. On va se reposer la tête pour réfléchir à ce qu’il faut changer. » Nul doute que l’émir du Qatar l’aidera à trancher dans le vif.