Alexandra Paillot est en lice ce week-end au saut Hermès. / STÉFANIE MOSCHAMMER

Elle a le profil de la bonne élève. D’abord, une manière très posée de s’exprimer et de répondre aux questions. Elle prend le temps, elle précise. Alexandra Paillot a 29 ans et évolue de vendredi 16 à dimanche 18 mars sous la nef du Grand Palais, avec son hongre Polias de Blondel à l’occasion du Saut Hermès. Il faut voir Polias, un grand alezan, qui a plutôt la carrure d’un étalon et sa cavalière, grande et fine. C’est aussi cela le mystère de ce sport à part, où une femme de 50 kg peut imposer à un cheval de 600 de sauter des obstacles hauts d’un mètre 60.

Ce jour-là, une équipe de télévision lui demande de monter à cheval près des écuries installées sur les Champs-Elysées. Elle obtempère, peut-être un peu mécontente d’avoir dérangé Polias la veille d’un week-end très chargé. Le cheval sort un peu trop rapidement de son box, effectivement fâché, mais sous la selle de sa cavalière, le beau hongre devient agneau. Elle monte comme elle parle, en douceur.

Alexandra Paillot est née au milieu des chevaux. Son père, importateur d’électronique, est un cavalier amateur et passionné. La famille a même acheté des écuries près de Chantilly. « J’ai débuté comme tout le monde à poney, dans les écuries familiales au haras de Plaisance. » A 10 ans, elle commence la compétition. Voulait-elle en faire son métier ? « C’était un rêve. » A cette époque, Marcel Delestre, actuellement auprès de l’équipe marocaine, était son entraîneur. « Elle a toujours très, très bien monté, se souvient-il, avec un grand classicisme. » Le père du cavalier olympique Simon Delestre reconnaît qu’elle avait comme défaut d’être « plus perfectionniste que gagneuse ».

Entre les Etats-Unis et Chantilly

STÉFANIE MOSCHAMMER

Après cinq années d’études de commerce à Paris, son passage chez les professionnels est le plus difficile. « Il y a un grand fossé… On passe du “top” chez les jeunes cavaliers au “pas du tout au top” chez les adultes professionnels. » Cela signifie trouver de nouveaux chevaux, des financements, progresser techniquement, organiser l’avenir.

La jeune femme part alors aux Etats-Unis, chez Eric Lamaze, le seul cavalier canadien champion olympique. « C’est un champion, un gagneur. S’il faisait du golf ou de la voiture, ça serait pareil », explique-t-elle. La jeune Française partait faire un stage de deux semaines, elle est restée deux ans. Sur place, elle monte les chevaux de commerce, c’est-à-dire ceux que le champion destine à la vente. Dans le lot, Ayade de Septon, une des juments montées par le champion olympique français Kevin Staut. Après cette expérience, elle revient dans le haras familial. Sur place, quelques chevaux d’élevage, quelques chevaux de course, les deux trotteurs du papa et le piquet d’Alexandra se partagent les box. C’est évidemment la clé du problème : avoir des bons chevaux. « J’avais un ou deux chevaux qu’on avait élevés qui étaient pas mal », mais pour la cavalière, tout a changé avec Polias, acheté en 2014.

Il avait 11 ans mais, se souvient-elle, sans trop comprendre pourquoi, « il était passé inaperçu ». Elle a vu tout de suite son potentiel. « Il a beaucoup de force, il est très courageux. » Quelques barres sautées et surtout une connexion : « Il n’était ni trop lourd ni contre ma main, je me suis sentie en confiance. » La famille a décidé de construire l’écurie autour de lui. Mais l’expérience chez Lamaze lui a donné le goût d’un ailleurs. Qu’à cela ne tienne, tout le monde suit et vit désormais entre Wellington (Etats-Unis) et Chantilly. Ils passent trois mois par an en Floride et y ont installé « une autre base » : une petite écurie de sept box. Dans l’une des capitales mondiales du cheval, les concours de haut niveau s’enchaînent toutes les semaines. « Pour prendre de l’expérience à haut niveau, c’est génial. Il y a aussi une vraie concentration des meilleurs cavaliers mondiaux. Sportivement, c’est très intéressant mais également pour le commerce de chevaux. »

Acheter, préparer, revendre

Tout le système d’Alexandra Paillot repose là-dessus : acheter, préparer, revendre. C’est en vendant un cheval par an qu’elle parvient à entretenir son piquet. Il y a peu d’élevages de chevaux de saut d’obstacles aux Etats-Unis. Donc les Français y vendent leurs chevaux « clé en main ». Chaque saison, elle amène ainsi quatre chevaux prêts à sauter au niveau international et un cheval de commerce qu’elle vend là-bas, lui permettant de financer la tournée.

Le Suisse Philippe Guerdat, sélectionneur de l’équipe de France, a une préférence pour Lumina, sa jument. « Elle a plus de génie que les autres », affirme-t-il. C’est d’ailleurs elle qui devrait prendre la relève de Polias, aujourd’hui âgé de 15 ans.

Le travail et l’investissement familial fonctionnent. En 2015, elle a remporté avec Polias le Championnat de France Pro Elite, s’ouvrant les portes du 5*, le plus haut niveau de compétition. Philippe Guerdat est optimiste : « Elle est persévérante. Même si elle a encore des caps à passer pour être régulière à haut niveau. » Une assurance et une énergie paisible ressortent des paroles d’Alexandra Paillot, comme de ses gestes à cheval. Assez pour lui laisser entrevoir un destin de championne. « Calme, en avant et droit », comme le disait le général L’Hotte, maître de l’équitation française.