Emmanuel Macron : « La francophonie est une sphère dont la France n’est qu’une partie »
Emmanuel Macron : « La francophonie est une sphère dont la France n’est qu’une partie »
Par Marc Semo
Le chef de l’Etat a présenté mardi son « grand plan d’ensemble pour la promotion de la langue française et du plurilinguisme ».
Le président Emmanuel Macron a présenté son plan pour la promotion du français à l’occasion de la Journée internationale de la francophonie, le 20 mars. | LUDOVIC MARIN / AFP
Le ton est inspiré, voire lyrique. Un hymne à la langue française plutôt qu’à la francophonie, qu’Emmanuel Macron veut « décomplexée » et ouverte, récusant toute accusation qu’elle soit « le faux nez d’un passé colonial ». « Le français s’est émancipé de la France, il est devenu cette langue monde, cette langue archipel », a lancé le chef de l’Etat, mardi 20 mars, Journée internationale de la francophonie, devant les académiciens mais aussi trois cents étudiants, jeunes et créateurs de tout le monde francophone.
Son objectif affirmé est de faire que la langue de Molière, la cinquième plus parlée dans le monde, passe à la troisième place. Il a présenté dans un discours qu’il veut fondateur son « grand plan d’ensemble pour la promotion de la langue française et du plurilinguisme ». Les deux thèmes sont désormais toujours plus intrinsèquement liés aux yeux d’un président qui se refuse « à être un défenseur grincheux du français », selon la boutade qu’il lança début mars en accueillant le premier ministre québécois, Philippe Couillard.
« Il ne s’agit pas de vouloir imposer le français comme la deuxième ou la troisième langue dominante, mais d’être le chef de file d’un combat planétaire pour le pluralisme des langues, des cultures, des idées », a souligné l’écrivain et académicien Amin Maalouf en accueillant au nom de ses pairs le chef de l’Etat sous la coupole.
33 propositions pour apprendre, communiquer et créer
Ce dernier, à la différence de ses prédécesseurs, manie parfaitement l’anglais, et il n’hésite pas à en faire usage lors de ses voyages officiels ou en recevant les grands patrons des GAFA. « Le français se construit par le plurilinguisme, nous existons par le plurilinguisme », a-t-il insisté dans son discours, affirmant avec élan que « la francophonie doit faire droit aux autres langues, à celles de l’Europe comme à toutes les langues menacées ; elle est le lieu où les langues ne s’effacent pas ».
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Emmanuel Macron aime les symboles. C’est devant l’Acropole, fin août, puis à la Sorbonne, en septembre, qu’il avait présenté sa vision de l’Europe et ses idées pour relancer le projet communautaire. Là, devant les « immortels » gardiens du temple et d’une certaine idée de la langue, il lance trente-trois propositions pour un triple enjeu : apprendre, communiquer et créer en français. « La francophonie est une sphère dont la France n’est qu’une partie, consciente de ne pas porter seule le destin du français », a souligné Emmanuel Macron, qui a nommé l’écrivaine Leila Slimani comme sa représentante personnelle pour une francophonie « renouvelée et repensée », selon les mots de la jeune femme, insistant sur « les voix singulières aux multiples accents » de la palette francophone.
Avant son discours, le chef de l’Etat avait reçu pour déjeuner à l’Elysée une quinzaine d’acteurs de la francophonie, dont l’écrivain algérien Kamel Daoud, le rappeur MHD, la chanteuse malienne Rokia Traoré, les écrivains Eric Orsenna, Jean-Christophe Rufin et Amin Maalouf. Il veut avant tout décloisonner les espaces culturels français, maghrébins ou africains et faciliter les échanges.
Soutenir les systèmes éducatifs
Le français est un facteur d’intégration en France. Le français est porteur de liberté. Emmanuel Macron est conscient de l’histoire et de ses cicatrices. « On a torturé en français, on a fait des choses merveilleuses en français, on continue à faire des choses merveilleuses et terribles en français », a-t-il affirmé, rappelant qu’il y a des tyrans qui parlent le français, répondant ainsi à ceux qui voient dans la francophonie un soutien aux dictateurs en place en Afrique.
« Une langue permet des libertés, mais elle n’existe pas si l’on n’accepte pas de se soumettre à ses règles », a expliqué Emmanuel Macron, soulignant le rôle clé des professeurs de français, tout en reconnaissant sur le ton de la plaisanterie « un conflit d’intérêt biographique sur l’argument » – son épouse, Brigitte Macron, était professeure de français. Il s’agit donc de soutenir les systèmes éducatifs des pays francophones. Afin de financer ces mesures en Afrique, il avait annoncé lors de son discours à Dakar (Sénégal), début février, une contribution de 200 millions d’euros au Partenariat mondial pour l’éducation. Mais il s’agit aussi de conforter la position du français comme quatrième langue la plus utilisée sur la Toile.
Le thème de la francophonie est récurrent dans le discours présidentiel depuis la conférence des ambassadeurs, fin août, rendez-vous annuel qui fixe les grandes orientations de la politique étrangère française. Il est évoqué systématiquement dans ses voyages officiels aussi bien en Afrique qu’au Moyen-Orient ou en Chine. Le français est, en effet, avec l’anglais, la seule langue de communication parlée sur les cinq continents. C’est la seconde langue la plus apprise dans le monde après l’anglais, et Paris veut aussi stimuler le français dans les enceintes internationales, dans l’Union européenne comme à l’ONU, où elle est en recul, comme le déplorait récemment Michaëlle Jean, la secrétaire générale de l’Organisation internationale de la francophonie.
Selon cette organisation, qui regroupe 84 Etats dont 32 ont le français pour langue officielle, la langue de Molière est aujourd’hui parlée par 275 millions de personnes dans le monde. Sous l’effet des dynamiques démographiques, quelque 700 millions de personnes d’ici à 2050, dont 85 % en Afrique, devraient s’exprimer en français. A Ouagadougou (Burkina-Fasso), en février, M. Macron avait clamé vouloir faire du français la première langue d’Afrique, voire « peut-être » du monde. Il a relancé ce thème à la fin de son discours mardi, clamant non sans quelque grandiloquence que « la rumeur du monde parle notre langue ».