Agnès Buzyn et Frédérique Vidal, à l’Elysée, le 4 octobre. / FRANCOIS GUILLOT / AFP

Des mesures « encourageantes » et qui vont dans le bon sens : tel est l’avis des représentants des étudiants de santé et des internes des hôpitaux, après que les ministres de l’enseignement supérieur et de la santé, Frédérique Vidal et Agnès Buzyn, ont annoncé, mardi 3 avril, quinze engagements destinés à améliorer le bien-être des étudiants de santé, tels que la généralisation des structures d’accompagnement psychologique, un meilleur encadrement des stages et du temps de travail, des cours sur les risques psychosociaux…

« Oui, il y a un problème de mal-être des étudiants de santé en France [et] il est temps d’intervenir », a résumé le docteur Donata Marra, lors de la remise officielle de son rapport sur la « qualité de vie des étudiants de santé », qui lui avait été commandé en juillet 2017.

Elle rappelle, dans ce document, les risques psychosociaux importants auxquels sont confrontés les futurs médecins, infirmiers, sages-femmes, dentistes, kinésithérapeutes. Stress chronique, troubles anxio-dépressifs, dépression, burn-out, il s’agit de « difficultés graves » déjà dénoncées à plusieurs reprises ces dernières années. Ainsi en 2016, 14 % des jeunes médecins interrogés dans une enquête par le Conseil national de l’ordre des médecins déclaraient avoir déjà eu des idées suicidaires. En 2017, ils étaient 66 % à souffrir d’anxiété et 28 % de troubles dépressifs dans une étude réalisée par des syndicats représentants les étudiants, internes et jeunes médecine. S’y ajoutent des faits de harcèlement au sein des hôpitaux, régulièrement dénoncés.

Pour tenter d’expliquer ces souffrances, que l’on retrouve aussi à l’étranger, la spécialiste évoque dans son rapport, entre autres raisons, des « spécificités françaises conjoncturelles ». La « diminution du compagnonnage en stage du fait de la stagnation ou de la diminution du nombre d’enseignants et du personnel soignant encadrant ». Mais aussi la « perte de repères humains » en première année commune aux études de santé (Paces), du fait de la massification de l’enseignement, et « un système de soins en souffrance, soumis à une pression constante vers la rentabilité ». Ou encore la logique du « tout ECN amplifiant le bachotage et induisant une diminution du sens de la formation », référence aux difficiles épreuves classantes nationales qui permettent, à la fin de la sixième année d’études, de choisir sa spécialité professionnelle.

Généralisation des dispositifs d’accompagnement

Plusieurs des recommandations du rapport de Donata Marra sont reprises telles quelles dans la série de quinze engagements annoncés par le gouvernement. « Il y a urgence à agir, (…) les futurs professionnels de santé sont une richesse pour notre pays et nous devons leur offrir les conditions d’étude qu’ils méritent », a commenté Agnès Buzyn, ministre de la santé.

« L’humiliation, le harcèlement et le bizutage n’ont pas leur place à l’université », a affirmé, de son côté, Frédérique Vidal, rappelant la mise en place dans chaque université dès la rentrée 2018 de « cellules d’écoute » à cet effet. Afin de lutter plus spécifiquement contre la souffrance des étudiants de santé seront par ailleurs généralisées, « avant fin 2018 » et dans toutes les facultés de santé, des structures d’accompagnement et de dépistage psychologique. Celles-ci, qui existent déjà dans certaines universités, pourraient prendre la forme du « Bureau interface professeur étudiant » de l’université Paris-VI, que préside et anime Donata Marra.

Dans l’objectif de coordonner nationalement les actions sur ce thème, la création d’un « Centre national d’appui » est aussi prévue. Celui-ci, composé de représentants des étudiants, des doyens de facs de médecine ou des différents ordres des professions de santé, pourrait, selon le rapport, organiser des formations pour les enseignants et les étudiants, évaluer les mesures mises en œuvres, ou lancer des « bilans épidémiologiques » sur la souffrance des étudiants de santé. Afin de sensibiliser ces derniers aux risques psychosociaux et à la gestion du stress, le plan prévoit aussi un module de formation spécifique sur ce thème, pendant les études.

Les ministres ont par ailleurs rappelé les réflexions déjà lancées en vue d’une refonte des premier et deuxième cycles des études de médecine.

Structuration des initiatives

Les étudiants de santé devront par ailleurs évaluer systématiquement leur stage avec la possibilité d’un « réexamen de l’agrément ou des conventions » avec les services concernés, si l’évaluation est « insatisfaisante ». Leurs conditions de travail seront aussi au programme : « je souhaite que soient appliqués de façon stricte les temps de travail et de repos », a indiqué Agnès Buzyn, soit 48 heures maximum de temps de travail hebdomadaire.

Au vu de ces annonces, le président de l’Intersyndicale nationale des internes (ISNI), Jean-Baptiste Bonnet, est satisfait. « Il y a là une volonté de passer enfin à une lutte professionnelle contre la souffrance des étudiants de santé », commente-t-il, évoquant la nécessité de « structurer » les initiatives et les réponses qui sont déjà apportées, grâce au centre national d’appui. Même satisfaction du côté de l’Association nationale des étudiants en médecine de France (Anemf). Son président, Yanis Merad, salue ainsi des « propositions encourageantes », alors que le syndicat a fait du bien-être des étudiants en médecine sa « grande cause » pour l’année 2018. L’Anemf regrette cependant que la question du « statut dévalorisant » de l’étudiant en médecine soit « éclipsée » des propositions, notamment la rémunération des stages, de l’ordre de « 90 centimes de l’heure », selon son président.