Tolkien a aussi des héritiers au Japon. Les mangas de fantasy et de récits où la magie est un élément central de la narration abondent. En revendiquant l’influence d’Harry Potter et du Seigneur des anneaux, la mangaka Kamome Shirahama inscrit totalement sa série L’Atelier des sorciers dans ce courant tout en cherchant à le renouveler.

Dans ce manga, dont le premier tome vient de paraître en France, la magie n’est pas innée et n’est pas le fruit de pouvoirs détenus par des humains qui arborent des baguettes magiques. Elle s’exerce en dessinant des figures compliquées avec de l’encre magique. Seuls les sorciers ont le droit de la pratiquer. Ainsi, Coco, une petite fille ordinaire qui n’est pas destinée à devenir sorcière, va parvenir à intégrer ce monde qui la fascine tant. « C’est la partie la plus importante de cette œuvre, je voulais montrer qu’il faut faire des efforts pour réaliser son rêve et que c’est un long processus. J’ai créé cette histoire pour dire que tout le monde peut avoir la chance de devenir ce qu’il souhaite être et pas seulement des gens sélectionnés à l’avance ou nés dans certains milieux », explique l’auteure, de passage à Paris.

© KAMOME SHIRAHAMA

Pas de baguettes donc, mais des chapeaux pointus distinguent les sorciers du reste de la population. Car Kamome Shirahama ne déroute pas complètement les amateurs de fantasy, insufflant des références médiévales occidentales dans les costumes et les décors. Mais elle insère aussi, de façon assez unique dans le manga, des ornements art déco et art nouveau pour mettre en valeur, par exemple, certaines de ses cases : « Je considère que les cadres des cases sont comme les cadres de peintures. Chaque case est une fenêtre par laquelle on peut observer un monde extérieur, imaginaire. Je voulais qu’elles servent d’intermédiaire entre notre monde et celui de l’œuvre », confie la mangaka.

De même, Kamome Shirahama a inventé toute une écriture magique pour les dessins de ses sorciers. Un langage qui relève plus des maths que de la poésie : « Il y a une logique, des symboles qui reviennent et des flèches qui montrent le sens, le rapport de force. Si les lecteurs observent et apprennent au fil des chapitres, ils pourront peut-être activer la magie », poursuit l’auteure.

© KAMOME SHIRAHAMA

Un travail de minutie qui a poussé Pika, l’éditeur français, à proposer, dès la sortie du premier volume, un petit art book mettant en valeur le travail de l’artiste, laquelle fait par ailleurs carrière comme illustratrice de couverture pour des grands éditeurs de comics américains. Une double carrière qui ne l’a pourtant pas fait hésiter à concevoir L’Atelier des sorciers dans un style manga. « J’avais aussi envie de m’adresser à un public japonais. Je trouve que les comics ou les BD européennes sont comme des œuvres d’art, il y a beaucoup d’éléments artistiques qu’on ne trouve pas dans le manga japonais, je voulais apporter ça dans le manga japonais. »

Bien que porteur des valeurs de persévérance, de dépassement de soi et de collaboration propres aux mangas initiatiques pour adolescents, L’Atelier des sorciers laisse entrevoir une certaine part d’ombre et un danger offrant à la série un peu plus de maturité. Ce premier tome s’avère parfois un peu tendre, en dépit des événements qui poussent Coco à intégrer le monde de la magie et de certaines camarades sorcières qui lui mettront des bâtons dans les roues.

© KAMOME SHIRAHAMA

Ce parti pris permet néanmoins d’entrer dans ce nouveau monde avec un regard naïf et fasciné, celui d’un enfant. « Le début de l’histoire est raconté du point de vue de l’héroïne, qui est une toute jeune fille, donc le monde est évidemment plutôt merveilleux. Petit à petit, le point de vue va changer. Il y aura donc probablement des scènes moins pacifiques », conclut Kamome Shirahama.

L’Atelier des sorciers, de Kamome Shirahama, traduction de Fédoua Lamodière, tome I le 7 mars, éditions Pika, 208 pages, 7,50 euros.