Procès Lionnet : la jeune fille au pair a été battue avant sa mort
Procès Lionnet : la jeune fille au pair a été battue avant sa mort
Par Eric Albert (Londres, correspondance)
Ouissem Medouni a raconté comment sa compagne avait battu Sophie Lionnet et tenté de lui arracher des aveux pour des faits imaginaires.
Les parents de Sophie Lionnet arrivant au tribunal, lundi 16 avril. / TOLGA AKMEN / AFP
Le procès à Londres des meurtriers de Sophie Lionnet est entré mardi 17 avril dans le détail des derniers jours du calvaire de cette jeune fille au pair française. Amaigrie, épuisée, dominée, celle-ci a été battue à plusieurs reprises très violemment par Sabrina Kouider, selon le témoignage de son ancien compagnon, Ouissem Medouni.
Depuis janvier 2016, Sophie Lionnet habitait chez ce couple français qui vivait à Wimbledon, dans le sud de Londres et aidait à s’occuper des deux enfants. Le 20 septembre 2017, son corps calciné a été retrouvé dans leur jardin par les pompiers, alors que M. Medouni tentait de brûler le cadavre.
Atmosphère hystérique
Selon ce dernier, qui témoignait mardi pour la deuxième journée devant la cour criminelle de Londres, Mme Kouider était devenue complètement obsédée par Mark Walton, le père de son deuxième enfant, qu’elle accusait d’être un pédophile. Et elle était persuadée que la jeune fille au pair était sa complice, emmenant les enfants dans une maison imaginaire où se serait trouvé l’ancien compagnon, qui habitait pourtant aux Etats-Unis. Pis encore, selon elle, M. Walton se serait introduit un jour dans la maison familiale après avoir drogué le couple et les deux enfants, qu’il aurait abusés sexuellement.
Tout à sa folie, dans une atmosphère de plus en plus hystérique, Mme Kouider menait des interrogatoires en règle de Sophie Lionnet, voulant lui arracher des « aveux ». Pendant l’été 2017, l’atmosphère était devenue invivable. Autour du 13 septembre, M. Medouni, qui faisait une sieste, a été réveillé par des cris. « Sophie hurlait, a-t-il témoigné. Sabrina la battait avec des câbles électriques noirs. Je suis intervenu, j’ai emmené Sophie dans la chambre des enfants, et j’ai dit à Sabrina : “Tu es folle, ne refais jamais ça.” »
Pas question pourtant d’appeler la police : « J’avais peur que les enfants soient emmenés par les services sociaux. » L’idée de mettre Sophie Lionnet dans un bus de retour pour la France ne l’a pas non plus effleuré, alors que la jeune fille de 21 ans était bloquée à Londres faute d’argent, ses employeurs ne la payant plus depuis plusieurs mois.
Complice
Quatre jours plus tard, la situation a dégénéré. M. Medouni était dehors quand il a reçu un appel de Mme Kouider en pleurs, arrivant seulement à dire : « Mais qu’est-ce que j’ai fait ! » Se précipitant chez lui, il dit « craindre le pire ». Il trouve la jeune fille en vie, mais allongée dans la baignoire, en sous-vêtements. Mme Kouider est à ses côtés dans la salle de bains, à genoux, pleurant. « Sophie avait d’énormes hématomes sur le corps. Sur les bras, les jambes, le torse… » Quand les restes de Sophie Lionnet ont été retrouvés, les légistes ont déterminé qu’elle avait des côtes cassées, et des fractures au sternum et à la mâchoire. Les blessures lui ont peut-être été infligées ce jour-là.
M. Medouni aide alors Sophie Lionnet à sortir de la baignoire et à se mettre au lit. Encore une fois, il se refuse à appeler les secours. « Sabrina [Kouider] pleurait, je croyais qu’elle avait appris sa leçon. » Etait-ce la bonne réaction ?, interroge le juge. « Non, non, non… » Il ajoute : « Pour être honnête, je ne me reconnais pas pendant cette période. » Lui-même se décrit sous l’emprise de sa compagne, avec laquelle il avait une relation tumultueuse depuis 2001.
Il reste complice également des interrogatoires de la jeune fille au pair, qui a pourtant du mal à marcher après son passage à tabac. M. Medouni semble croire partiellement aux accusations d’abus sexuels portées par Mme Kouider contre Mark Walton.
Il va acheter une caméra de surveillance, espérant filmer une éventuelle intrusion de ce dernier chez eux. Toute la famille passe un test toxicologique pour savoir s’ils ont été drogués à leur insu. Celui de M. Medouni est négatif, mais il se convainc quand même de l’histoire de sa compagne et finit par penser qu’il a été drogué. Dans les vingt-quatre heures qui suivront, la jeune fille au pair sera morte. Le témoignage de M. Medouni se poursuit mercredi.