Festival Rio Loco : Baloji, rumba et blues créole en bord de Garonne
Festival Rio Loco : Baloji, rumba et blues créole en bord de Garonne
Par Patrick Labesse
Jusqu’à dimanche, le rendez-vous musical toulousain convoque nouveaux artistes et figures du passé.
Delgrès en concert au festival Rio Loco, jeudi 14 juin. / Romaric Pouliquen
« Il fait donner des fleurs aux gens que vous aimez tant qu’ils peuvent les sentir. Donnez un maximum de fleurs à notre doyen ! » A l’injonction du rappeur belgo-congolais Baloji, la foule obtempère sans se faire prier. Une foule nombreuse, dès le premier soir, pour l’ouverture de Rio Loco, le jeudi 14 juin, sur la prairie des filtres, à Toulouse, en bord de Garonne. Une Garonne qui, après les fortes pluies de ces derniers jours, a considérablement grossi et aurait bien pu compromettre l’édition 2018 (du 14 au 17 juin) de ce festival à la programmation particulièrement copieuse et toujours très fréquenté (65 000 entrées payantes l’année dernière).
Pas question de s’asseoir dans l’herbe détrempée et sur les bancs en bordure du fleuve. Après les îles de l’océan Indien en 2017, c’est à un « voyage planétaire » que convie pour cette édition Hervé Bordier et son équipe, un « grand mix multiculturel », avec un focus (modeste) sur les rumbas du monde (Congo, Cuba, Catalogne). Quelque 160 artistes, plus quelques fantômes bienveillants vont s’y succéder. Celui à qui Baloji veut rendre un bel hommage est le guitariste qui l’accompagne ce soir à Toulouse. Né en 1946, à Léopoldville (future Kinshasa, capitale de la République démocratique du Congo), il s’appelle Pierre Evariste Dieudonné Mandjeku Lengo et sous le nom raccourci de Dizzy Mandjeku, fut l’un des acteurs de l’âge d’or de la rumba congolaise (l’époque des indépendances africaines, dans les années 1960). A l’instar du mémorable Wendo Kolosoy, mort en 2008, dont la mémoire se perpétue au travers de ses anciens compagnons de route qui ont repris du service sous le nom de Bakolo Music International, le groupe qui a ouvert la soirée, au même endroit, quelques heures plus tôt, avant Baloji.
Hommage à Louis Delgrès
Le lendemain, sur une autre des trois scènes installées sur la prairie des Filtres, Pascal Danaë, guitariste et chanteur du très convaincant trio de blues rock créole Delgrès (avec Baptiste Brondy, à la batterie et Rafgee, au tuba sousaphone) offre lui aussi ses fleurs. A quelqu’un qui n’est plus là pour les sentir : Louis Delgrès, héros de la lutte anti-esclavagiste, mort dans un suicide collectif avec trois cents de ses compagnons de combat, cernés par les troupes Napoléoniennes, le 28 août 1802, à Matouba, au pied du volcan de la Soufrière, en Guadeloupe. « Un héros dont j’ai longtemps ignoré l’existence », confie Pascal Danaë, né en banlieue parisienne, en 1963. Jusqu’à ce qu’on lui mette sous les yeux la lettre d’affranchissement d’une de ses aïeules.
Une révélation qui l’a mené à se plonger dans l’histoire des siens. « Héros oublié, héros collectif, il est devenu un peu notre parrain dans le ciel. » A Toulouse, avant d’interpréter Mo Jodi (mourir aujourd’hui) la chanson qui donne son titre au premier album du trio (à paraître fin août, chez Pias), Pascal Danaë présente en quelques mots Delgrès, lui dédiant cette chanson ainsi qu’à « tous ceux qui aujourd’hui encore doivent lutter pour leur liberté dans le monde ».
Festival Rio Loco, Toulouse (Haute-Garonne). Jusqu’au 17 juin, avec The Mauskovic Dance Band, Sofiane Saidi & Mazalda, Afro Cuban All Stars, Mélissa Laveaux, Keny Arkana, Metá Metá, Orchestre Les Mangelepa, ¿ Que Vola ?, Petitet y su Rumba Sinfonica, Oumou Sangaré. 7 € et 10 € par jour. www.rio-loco.org