Bac français 2018 : « La note dépend de la qualité et de la pertinence de l’analyse »
Bac français 2018 : « La note dépend de la qualité et de la pertinence de l’analyse »
Propos recueillis par Service Campus
A l’issue de l’épreuve anticipée de français du bac, Sonya Laborie, professeure de lettres, a commenté les sujets et répondu en direct aux questions des candidats lors d’un tchat.
Epreuve du baccalauréat au lycée Pasteur de Strasbourg, le 18 juin 2018. / FREDERICK FLORIN / AFP
A l’issue de l’épreuve anticipée de français du bac 2018, lundi 18 juin, Sonya Laborie, enseignante en lettres, a livré ses premières impressions sur les sujets soumis aux élèves de première des séries S, ES, L et technologiques, et répondu aux questions des internautes lors d’un tchat. Voici le compte rendu de ces échanges.
Que pensez-vous des sujets de français pour les élèves de S et ES ?
Il s’agit d’un joli sujet portant sur la question de l’homme dans les genres de l’argumentation du XVIe siècle à nos jours avec des extraits de grands auteurs, comme Montaigne, Rousseau, Voltaire, et Marguerite Yourcenar, à travers la question des droits de l’animal. Les textes de Montaigne et de Rousseau risquent d’être difficiles à comprendre par les élèves.
Et de ceux de L ?
C’est un beau sujet aussi, sous le signe du féminin, avec de grands auteurs, comme Madame de La Fayette, Madame de Staël et Colette, qui permet d’appréhender l’évolution du personnage de roman du XVIIe siècle jusqu’au XXe siècle. Des sujets originaux dans leur choix, notamment celui de Madame de Staël. Les sujets sont bien équilibrés entre les deux objets d’étude, relatifs à l’argumentation et au personnage de roman.
Le sujet d’invention en série technologique n’est pas très guidé, on peut en faire diverses lectures, sinon écritures… Y a-t-il un risque de hors-sujet ?
C’est vrai. Ce sujet n’était pas assez guidé, ce qui a dû être effectivement difficile. Il fallait quand même analyser précisément le sujet, rendre compte d’une sensibilité, des émotions… voire utiliser un registre lyrique. Par contre, le risque était de ne pas utiliser de ponctuation, comme Claude Roy, et, du coup, de perdre deux points en expression française ! Il était certes possible d’écrire comme Claude Roy (sans ponctuer), mais à condition de respecter toutes les autres normes. Le jury sera certainement clément quant à un relâchement de la ponctuation, mais sera très attentif au respect de la syntaxe, de la grammaire et de l’orthographe.
Que pensez-vous des autres sujets en séries technologiques ?
Ils portaient sur l’écriture poétique et la quête de sens du Moyen Age à nos jours. Le choix des extraits a été assez original et intéressant, puisque le corpus comporte un texte de notre poète national, Victor Hugo, un autre d’un poète moins connu et étudié, Charles Cros, et un poème d’un surréaliste, Claude Roy.
Les questions de corpus qui appellent des réponses synthétiques ont été bien choisies, permettant des analyses des différents liens unissant le poète et la personne endormie puis de la vision de l’être endormi. Ces questions oublient peut-être, et c’est un peu regrettable, de mobiliser les spécificités poétiques. Le commentaire guidé du texte de Victor Hugo est cohérent, bien structuré.
La dissertation demandant si la poésie vise seulement à idéaliser le quotidien est un sujet magnifique pour les technologiques qui travaillent souvent avec leur professeur la poésie moderne de Francis Ponge. Ce sujet permet de dépasser la conception d’une poésie lyrique et permet d’apprécier le travail fourni par l’élève depuis la seconde, lequel a pu travailler la poésie du XIXe siècle et du XXe siècle : du romantisme au surréalisme, puis la poésie du Moyen Age à nos jours.
Est-il vrai qu’il n’y a plus d’épreuve de dissertation obligatoire en français, ce qui fait que les élèves abordent la terminale et l’épreuve de philo sans avoir jamais disserté ?
Les candidats peuvent en effet choisir, lors de l’épreuve écrite de français, entre un sujet de dissertation, un commentaire de textes et un sujet d’invention, qui seront notés sur 16 points. Tous doivent également répondre à une question sur le corpus de textes qui leur est soumis, notée sur 4 points.
Concernant le sujet d’invention des ES et S, qu’est-ce qu’implique, pour la mise en forme, la consigne de rédiger un article de presse ?
Il faut respecter les codes du genre de l’article, avec un titre, une signature sous forme d’initiales ou de pseudonyme… Un registre de langue courant, voire soutenu, est nécessaire. Certaines caractéristiques peuvent aussi être bonfiées : des adresses au lecteur, peut-être une mise en page avec au moins deux colonnes… D’autre part, on demande aux candidats d’écrire à la manière de Marguerite Yourcenar, tout en adoptant un ton polémique (qui n’est pourtant pas propre à Marguerite Yourcenar, mais plutôt à Voltaire), ce qui a pu poser des difficultés, dont les correcteurs tiendront certainement compte.
Quels étaient les éléments-clés pour le commentaire de Voltaire (série S, ES) ? Est-ce que le fait de ne pas avoir trouver que Voltaire nous persuade et avoir seulement abordé le côté « convaincre » est très pénalisant ?
Oui c’est ennuyeux, puisque Voltaire, dans son article, est moins objectif que subjectif. Certes, comme vous avez dû le montrer, il utilise des arguments. Mais la ponctuation expressive et les jugements évaluatifs sont importants. Maintenant, le jury va valoriser les analyses justes. On ne sanctionne pas ce qui n’est pas : le jury évalue la qualité et la justesse des réponses.
Est-il juste d’avoir soulevé une marque d’irrespect de la part de Voltaire envers Descartes ?
Bien sûr qu’il y a une insolence voltairienne, évidemment, et une provocation vis-à-vis du philosophe du Discours de la méthode. Vous avez eu raison.
Bac français S / ES 2018 : le corrigé du sujet 1, le commentaire du texte de Voltaire
Durée : 10:25
Je suis en série littéraire et j’ai choisi le sujet d’invention. Quels éléments étaient importants pour le réussir ?
Il fallait analyser précisément le sujet, en respecter les notions, respecter le code du genre du dialogue, si possible dans un récit mais pas dans une pièce de théâtre, respecter le style de Madame de Lafayette, un style classique avec un art de la litote, un style précieux, puis respecter le style romantique de Madame de Staël, très influencée par le romantisme allemand, argumenter en mobilisant les notions du convaincre, persuader, et du délibérer. Un tel sujet montre à quel point il serait dommage de se priver à l’avenir du sujet d’invention, comme l’envisage le ministre de l’éducation nationale, Jean-Michel Blanquer.
Je suis en 1re S et j’ai choisi le sujet d’invention. J’ai oublié de mettre un titre à mon article. Combien de point(s) vais-je perdre ?
Probablement un demi-point.
J’ai rendu feuille blanche pour le corpus, par manque de temps. Combien de points vais-je perdre ?
Quatre points si vous êtes en série générale, et six points si vous êtes dans une série technologique.
Y a-t-il un barème officiel pour noter le bac de français, ou est-ce selon l’humeur du correcteur ?
Il y a des barêmes, évidemment. Par exemple, en séries générales, l’introduction et ses trois mouvements obligés sont notés sur 1,5 point, le développement entre 9 et 12 points, la conclusion sur 1 point, et puis l’expression française sur deux points… Mais la note dépend de la qualité et de la pertinence des analyses. Dans l’académie de Créteil, où j’enseigne, une double correction est effectuée pour les copies en dessous de 6 sur 20. Mais très souvent, les jurys sont d’accord avec la note.