Android :Bruxelles impose une amende record à Google pour abus de position dominante
Android :Bruxelles impose une amende record à Google pour abus de position dominante
Par Cécile Ducourtieux (Bruxelles, bureau européen)
La Commission européenne reproche au géant de l’Internet d’abuser de la position dominante de son système d’exploitation pour smartphone, Android.
La « tax lady » comme la qualifie Trump a encore frappé. Mercredi 18 juillet, la commissaire européenne à la concurrence, Margrethe Vestager, a conclu une enquête lancée trois ans plus tôt, pour abus de position dominante, en condamnant Google et Android, son système d’exploitation pour Smartphones, à une amende record de 4,34 milliards d’euros.
« Google a appliqué des pratiques illégales pour consolider sa position dominante sur le marché de la recherche en ligne, des rivaux n’ont pas pu innover, ceci nuit aux consommateurs et c’est illégal. Google doit cesser ses pratiques dans les 90 jours sinon elle encourt de nouvelles pénalités », a précisé mercredi Mme Vestager.
Google a immédiatement annoncé, dans un communiqué, son intention de porter plainte : « Android a créé davantage de choix pour tout le monde, pas moins. Un écosysteme vivant, des innovations incessantes, et des prix plus faibles qui sont des marqueurs classiques d’une concurrence robuste » a répliqué Al Verney, porte parole de Google, mercredi.
L’amende infligée est la plus importante jamais prononcée par Bruxelles dans ce type d’infraction au droit de la concurrence européenne. Le précédent record était déjà détenu par Google qui a écopé d’une amende de 2,4 milliards d’euros, en juin 2017, pour avoir favorisé son comparateur de shopping Google shopping, aux dépends des autres sur son moteur de recherche.
Avant Google, la commission avait condamné le géant des microprocesseurs Intel à une amende d’un peu plus d’1 milliard d’euros, en 2009, pour avoir entravé le développement de son concurrent AMD. Microsoft a aussi condamné par trois fois entre 2004 et 2013, avec à la clé des amendes cumulées de 1,9 milliard d’euros.
Actif crucial
Outre le montant record de l’amende, pénalisant même pour une société ultra profitable (Alphabet, la maison mère de Google a engrangé un chiffre d’affaires de 110,9 milliards de dollars en 2017 pour 12,7 milliards de profits), la décision concernant Android est un coup dur pour Google, ce système d’exploitation représentant un actif crucial du géant des services en ligne sur le secteur, stratégique, de la mobilité.
Lancé en 2007, Android équipe désormais 80 % des smartphones dans le monde et assure à Google une diffusion inédite pour l’ensemble de ses autres services (à commencer par son moteur et son offre publicitaire). En tout, plus de 2 milliards de smartphones tournent aujourd’hui sur Android.
En avril 2016, Mme Vestager avait lancé un acte d’accusation pointant des comportements jugés illégaux contre Android, comme le fait de subordonner « l’octroi de licences pour certaines de ses applications propriétaires à l’obligation, pour les fabricants, de pré-installer [son moteur de recherche] Google Search et le navigateur Chrome de Google et de faire de Google Search le service de recherche par défaut sur leurs appareils » précisait un communiqué de la commission à l’époque.
Autres pratiques jugées abusives : Google empêcherait des fabricants de smartphones de vendre des appareils équipés sous des systèmes d’exploitation concurrents d’Android mais basés sur le même code open source. Le géant des services mobiles accorderait des incitations financières aux fabricants et aux opérateurs mobiles qui acceptent de pré-installer en exclusivité sur leurs smartphones le moteur Google.
A l’époque, la commission craignait déjà que ces pratiques n’entravent le développement de moteurs concurrents de Google search et d’autres systèmes d’exploitations qu’Android.
Echec de sollutions de compromis
Google s’est toujours défendu de fausser la concurrence en Europe, arguant que cette dernière reste encore vive, et qu’Android a contribué à baisser significativement le prix des smartphones et à démocratiser un marché aujourd’hi majeur.
Les ennuis pour Google à Bruxelles ont commencé il y a huit ans, avec en 2010, l’ouverture d’une enquête officielle concernant son moteur de recherche. Mais il a fallu l’arrivée de Mme Vestager à Bruxelles, fin 2014, dans la commission Juncker, pour que le géant des services en ligne soit vraiment inquiété. Le prédecesseur de la libérale danoise, l’espagnol Joaquin Almunia, avait, lui, cherché des solutions de compromis en vain : Google n’a modifié en rien ses pratiques. Le géant californien du web reste dans l’œil du cyclone : les services de Mme Vestager enquêtent aussi depuis juillet 2016, sur Adsense, son offre, ultra profitable, de régie publicitaire.
Cette décision pourrait aggraver les tensions entre Bruxelles et Washington, à une semaine d’une rencontre entre le président de la commission, Jean-Claude Juncker, et Donald Trump, placée sous le signe du commerce. L’administration américaine a déjà à plusieurs reprises – y compris sous le mandat de Barack Obama – accusé Bruxelles de s’en prendre spécialement aux géants des technologies californiens pour des raisons protectionnistes. Attitude dont s’est toujours défendue Margrethe Vestager.