Au Chili, le scandale de la pédophilie au sein de l’Eglise prend de l’ampleur
Au Chili, le scandale de la pédophilie au sein de l’Eglise prend de l’ampleur
Les enquêtes ouvertes sur des agressions sexuelles commises par des membres du clergé catholique sont passées de 38 à 119 à la fin d’août.
Le scandale lié à la pédophilie au sein de l’Eglise catholique chilienne prend de l’ampleur. Le parquet a annoncé vendredi 31 août par un communiqué que « le nombre actualisé des enquêtes ouvertes pour des agressions sexuelles commises par des membres de l’Eglise catholique au 31 août est de cent dix-neuf », visant notamment sept évêques. Il était précédemment de trente-huit.
Les autorités chiliennes ont procédé ces dernières semaines à des perquisitions dans des institutions de l’Eglise, dont les sièges de la Conférence épiscopale et de la Congrégation des frères maristes, toutes deux à Santiago. Ce sont les preuves réunies qui ont permis d’ouvrir ces nouvelles enquêtes, d’après des sources judiciaires.
Selon les derniers chiffres, ces enquêtes visent cent soixante-sept personnes, dont sept évêques et quatre-vingt-seize prêtres. Figurent aussi sur les registres du ministère public quatre diacres, trente religieux qui ne « sont pas des prêtres », dix laïcs et vingt personnes dont on ne précise pas le statut. Au total, le nombre de victimes de ces affaires en cours s’élève à cent soixante-dix-huit, dont soixante-dix-neuf mineurs.
Parmi les personnes mises en cause par la justice, on trouve l’archevêque de Santiago, Ricardo Ezzati. Son audition par la justice, initialement prévue en août, avait été reportée sine die à la demande de ses avocats. Né en Italie, Ricardo Ezzati avait été convoqué le 21 août par le procureur régional de Rancagua (Centre), Emiliano Arias, afin de répondre aux accusations de dissimulation de sévices sexuels, en plein scandale de pédophilie et d’omerta qui ébranle le clergé chilien.
La plupart des preuves qui ont permis d’accuser Mgr Ezzati ont été saisies au cours d’une perquisition à l’archidiocèse de Santiago, l’Eglise catholique ayant refusé jusqu’alors de remettre à la justice des documents demandés, invoquant le respect des victimes. Par ailleurs, le Parlement chilien envisage de retirer sa nationalité au cardinal Ezzati, italien, naturalisé en 2006.
Tourmente et excuses
Au début d’août, les évêques chiliens se sont excusés d’avoir « manqué à leurs devoirs de pasteurs » et de ne pas avoir « écouté, cru, reçu ou accompagné les victimes des graves péchés et des injustices commises par les prêtres et par les membres de l’Eglise », au terme d’une assemblée extraordinaire de la Conférence épiscopale.
L’Eglise catholique chilienne est en pleine tourmente depuis la visite du pape en début d’année et la multiplication d’enquêtes par la justice dans les mois qui ont suivi sur des agressions sexuelles présumées de mineurs et d’adultes depuis les années 1960.
Au cours d’un voyage au Chili, en janvier, le pape François avait défendu avec force l’évêque chilien Juan Barros, soupçonné d’avoir tu les crimes d’un vieux prêtre pédophile, se disant persuadé de son innocence et demandant aux victimes présumées des preuves de culpabilité. Il avait ensuite présenté des excuses, puis avait dépêché au Chili Mgr Charles Scicluna, archevêque de Malte, chargé d’enquêter sur les cas de pédophilie parmi les prêtres, afin de s’entretenir avec les victimes. En mai, il avait invité à Rome certaines des victimes et avait convoqué l’ensemble des évêques chiliens. Ces derniers avaient présenté leur démission en bloc à l’issue de la rencontre, une première.
Pour l’heure, la démission de cinq évêques a été acceptée par le souverain pontife dans le cadre de ce scandale. Le prêtre Oscar Muñoz, ancien bras droit de l’archevêque Ezzati, est en détention préventive pour agression sexuelle d’au moins sept mineurs. Les autorités de l’Eglise catholique chilienne « auraient pu et auraient dû » éviter de nombreuses agressions sexuelles d’enfants, a déploré le président chilien, Sebastian Piñera. Selon un sondage de la société Cadem, 96 % des Chiliens considèrent que l’institution protège les prêtres accusés de sévices sexuels et 83 % d’entre eux estiment que le clergé n’est ni honnête ni transparent.