Sélection, année zéro
Sélection, année zéro
Par Pascal Galinier
Personne n’en parle, tout le monde l’a déjà intégrée, y compris à l’université. La sélection, un vrai-faux tabou à la française. Parcoursup, le début de la fin ?
CELIA CALLOIS
« Sélection piège à c… » C’est le détournement de slogan le plus connu de Mai 68. L’un des non-dits les plus tenaces aussi dans le monde universitaire français. La sélection, un tabou auquel entendait bien s’attaquer Emmanuel Macron à peine élu. On allait voir ce qu’on allait voir. Et on a vu.
Un an après, la table a été renversée… sur les pieds du nouveau président. Parcoursup ? Toute-puissance de l’algorithme, « oubliés » de l’été 2018 – pas moins nombreux que ceux de l’été 2017… Le nouveau système d’admission postbac a comme ranimé son prédécesseur honni APB, qu’il était censé faire oublier.
2018, année zéro pour la sélection ? Pas si sûr. Parcoursup agit comme un révélateur de l’exception française, sa « méritocratie » qui patine, son « ascenseur social » en panne, ses discriminations qu’il est de bon ton de dénoncer, à droite comme à gauche, élection après élection, alternance après alternance – mais que personne n’a vraiment pris à bras-le-corps dans les multiples réformes qui se sont succédé depuis Edgar Faure, le ministre de l’éducation de Charles de Gaulle en 1968.
Plus qu’une énième réforme, celle de 2018 est peut-être la mère de toutes les réformes…
Car, depuis cinquante ans, la sélection a déjà gagné… les esprits. Personne n’en parle, mais tout le monde l’a en tête. Le numerus clausus de médecine est condamné ? Gageons qu’il n’a pas dit son dernier mot… « En France, la sélection par l’échec est une coutume », résume parfaitement la pédopsychiatre Catherine Jousselme dans ce supplément.
Bref, le système des castes a encore de beaux jours devant lui. Et le débat continue. Ou plutôt le dialogue de sourds. La réforme de l’entrée à l’université ? « Une sélection qui ne dit pas son nom », disent les uns, la garantie que le bachelier aura « le dernier mot », assurent les autres. L’université, nous disent doctement les experts, est « sous tension » dans nombre de filières – comprendre : trop de demandes pour trop peu de places. D’où la « promesse intenable » que tente de tenir Parcoursup, souligne le sociologue Jules Donzelot. Un débat très « en même temps »...
Dominique Vidal, la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, l’a promis : elle va revoir sa copie. Et elle s’est engagée à créer 130 000 places dans l’enseignement supérieur durant le quinquennat. Sélection, année zéro vous dis-je…