Des Rohingya font la queue pour obtenir des vivres, dans un camp du Bangladesh, en septembre 2017. / DOMINIQUE FAGET / AFP

C’est une première : le Conseil des droits de l’homme de l’ONU a décidé, jeudi 27 septembre, de mettre en place un organe chargé de réunir des « preuves » sur les crimes les plus graves commis en Birmanie depuis 2011, notamment à l’encontre des Rohingya, pouvant être utilisées devant des tribunaux.

Une résolution en ce sens, proposée par l’Union européenne (UE) et l’Organisation de la coopération islamique (OCI), a été adoptée par 35 voix sur les 47 Etats siégeant actuellement au Conseil, contre 3 non (Chine, Philippines et Burundi) et sept abstentions. Deux pays n’ont pas voté : le Venezuela et Cuba.

La décision du Conseil, saluée par Amnesty International et Human Rights Watch, doit être entérinée par l’Assemblée générale de l’ONU, comme c’est le cas pour toutes les décisions prises par le Conseil.

Appel à des sanctions ciblées

Ce vote fait suite à la publication, fin août, d’un rapport de la Mission d’établissement des faits de l’ONU sur la Birmanie, dans lequel les enquêteurs demandent que les principaux généraux de ce pays, y compris le commandant en chef Min Aung Hlaing, soient traduits devant la justice internationale pour « génocide dans le nord de l’Etat Rakhine, ainsi que pour crimes contre l’humanité et crimes de guerre dans les Etats Rakhine, Kachin et Shan ».

Dans son rapport, la mission onusienne demande au Conseil de sécurité de faire appel à la Cour pénale internationale ou d’établir un tribunal international ad hoc et appelle à des sanctions ciblées contre les auteurs de crimes et à un embargo sur les armes.

En 2017, plus de 700 000 musulmans rohingya ont fui vers le Bangladesh après une offensive de l’armée birmane lancée en représailles d’attaques de postes frontières par des rebelles rohingya. Cette répression a été qualifiée par l’ONU de « nettoyage ethnique », une accusation rejetée par les autorités birmanes.

Cette « grave tragédie (…) mérite une réponse robuste et exceptionnelle de la communauté internationale », a déclaré avant le vote l’ambassadeur pakistanais auprès de l’ONU, Farukh Amil, s’exprimant au nom de l’OCI.

Combattre « l’impunité »

Prenant la parole au nom de l’UE, l’ambassadrice autrichienne auprès de l’ONU, Elisabeth Tichy-Fisslberger, a relevé que l’OCI et l’UE étaient parvenus « pour la première fois » à proposer une résolution conjointe. « A moins que l’impunité ne soit rapidement combattue, des flambées de violence et des atrocités similaires risquent de se poursuivre et d’avoir des conséquences encore plus dévastatrices aux niveaux national et régional », a-t-elle estimé.

Le texte adopté par le Conseil décide de prolonger le mandat de la Mission d’établissement des faits et « de mettre en place un mécanisme indépendant permanent chargé de recueillir, consolider, préserver et analyser les preuves des crimes internationaux les plus graves et des violations du droit international commis en Birmanie depuis 2011 ».

Il demande aussi à ce groupe d’enquêteurs « de préparer des dossiers afin de faciliter et d’accélérer des procédures pénales indépendantes et équitables » qui pourraient être engagées devant des « tribunaux nationaux, régionaux ou internationaux ».

La CPI a annoncé mi-septembre l’ouverture d’un examen préliminaire concernant la déportation présumée des Rohingya par la Birmanie vers le Bangladesh, première étape d’un processus pouvant aboutir à une enquête formelle du tribunal basé à La Haye et, éventuellement, à des accusations.

Rohingya : Aung San Suu Kyi cumule les déclarations controversées
Durée : 02:12