La candidate démocrate à la présidentielle américaine, Hillary Clinton, lors d’un meeting à Miami, le 11 octobre 2016. | LUCY NICHOLSON / REUTERS

Une pluie de soutiens continue de s’abattre sur la candidate démocrate à l’élection présidentielle américaine, Hillary Clinton. Celle qu’alimentent les prises de position de tout ce que le pays compte de titres de presse. Le repoussoir que représente pour une partie de l’Amérique conservatrice l’adversaire républicain de l’ancienne secrétaire d’Etat, Donald Trump, explique des décisions historiques.

L’engagement du New York Times n’a surpris personne, mais le San Diego Union Tribune (Californie) n’avait pas soutenu une candidature démocrate depuis cent quarante-trois ans. Il faut remonter cent vingt-trois ans en arrière pour l’Arizona Republic et cent ans pour le Cincinnati Enquirer (Ohio). Le magazine The Atlantic n’avait jusqu’à présent soutenu que deux candidatures : celle d’Abraham Lincoln en 1860 et celle de Lyndon B. Johnson, en 1964.

Impact délicat à mesurer

Cette vague touche tous les genres de publication. Le grand quotidien populaire USA Today a rompu avec ses principes de neutralité pour inviter ses lecteurs à se détourner du magnat de l’immobilier, sans pour autant soutenir Hillary Clinton, tout comme la revue de géopolitique Foreign Policy. L’organe de presse de l’University of Texas, à Austin, The Daily Texan, en a fait de même, suivant en cela le Dallas Morning News et le Houston Chronicle, des journaux conservateurs qui ont également estimé qu’il leur était impossible de se ranger derrière M. Trump.

Mme Clinton n’est pas la seule à bénéficier de cet effet d’éviction. Le candidat libertarien Gary Johnson, en dépit d’une notoriété modeste et de bourdes à répétition, a reçu également le soutien d’une demi-douzaine de journaux.

L’impact de cette lame de fond reste délicat à mesurer. Lors des primaires républicaines, le gouverneur de l’Ohio, John Kasich, avait reçu le soutien d’une cinquantaine de titres, contre quatre seulement pour M. Trump (dont un qui est la propriété de son gendre, Jared Kushner, le New York Observer). Cela n’avait pas empêché une victoire écrasante du magnat de l’immobilier, qui ne cesse d’associer les médias classiques aux « élites » dont il instruit le procès à longueur de meetings. M. Kasich ne l’avait emporté que dans un seul Etat : le sien.

Menaces de mort

Carroll Doherty, le directeur des recherches politiques au Pew Research Center, est très prudent sur les effets de ces appels. « Les lecteurs n’apprécient pas trop en général qu’on leur dise ce qu’ils doivent faire », estime-t-il, tout en notant que l’unanimité que soulève M. Trump, à ses dépens, peut cependant jouer à la marge.

Ce dernier, mauvais joueur, a invité ses partisans à suspendre leurs abonnements aux titres qui soutenaient jusqu’à présent les candidatures républicaines aux élections présidentielles. L’Arizona Republic a fait savoir qu’il avait reçu des menaces de mort. Dans un entretien accordé en septembre au Poynter Institute for Media Studies, le directeur du Dallas Morning News, Mike Wilson, a réagi à une vague d’annulations d’abonnements en précisant, laconique : « Nous écrivons nos éditoriaux sur la base de principes, et il arrive qu’il faille en payer le prix. »