« Le zombie parle de la peur de la destruction de l’humanité »
« Le zombie parle de la peur de la destruction de l’humanité »
Propos recueillis par Morgane Tual
A l’occasion de Halloween, des cinquante ans du film « La Nuit des morts-vivants » et des quinze ans du comic « The Walking Dead », retour sur l’épopée des zombies avec le sociologue et historien de l’art Maxime Coulombe.
L’attraction « The Walking Dead » dans le parc à thèmes Universal City à Los Angeles, le 28 juin. / VALERIE MACON / AFP
La figure du zombie inonde la pop culture depuis les années 1960, avec un regain spectaculaire depuis les années 2000. En ce jour de Halloween, et alors que deux œuvres majeures, le film La Nuit des morts-vivants, de George Romero, et le comic The Walking Dead, de Robert Kirkman et Tony Moore, fêtent respectivement leurs 50 et 15 ans, le sociologue et historien de l’art Maxime Coulombe, de l’université de Laval (Québec), analyse ce phénomène et son histoire.
Depuis les années 2000, on a assisté à une multiplication des œuvres sur les zombies. Comment expliquer cette fascination ?
Le zombie des années 2000 parle de la peur de la destruction de l’humanité. Aujourd’hui, la fin des temps est un sujet prédominant, avec les questions de réchauffement climatique notamment. La particularité du cinéma de zombies contemporain, par rapport aux films de George Romero par exemple, c’est que l’humain est responsable de l’épidémie, avec des tests faits sur des singes par exemple, comme dans 28 Jours plus tard. L’humain responsable de sa propre destruction : c’est un motif central à notre époque.
Mais on trouve aussi chez le zombie contemporain l’idée du recommencement, après l’apocalypse. Notre société peine à concevoir un autre modèle de monde possible, avec l’impression qu’il y a besoin d’une grande destruction pour recommencer. La série The Walking Dead est teintée de cette volonté de recréer une nouvelle société.
On sent pourtant un essoufflement… La série The Walking Dead, justement, semble arriver en bout de course et les nouvelles œuvres sur les zombies semblent plus rares.
The Walking Dead est tellement omniprésente que son essoufflement à elle fait peut-être peur aux producteurs. Cela démontre peut-être une difficulté à réinventer le genre. Peut-être qu’on a besoin de s’ennuyer un peu des zombies avant que cela ne reprenne…
Cela dit, si c’est vrai en Amérique du Nord et en Europe, ça l’est moins en Amérique du Sud par exemple. J’ai rencontré quelques auteurs qui travaillent sur le zombie et selon eux, là-bas, c’est une sorte de figure de la révolution : le zombie est fort dans la masse, mais pas dans l’individualité. Il permet de critiquer l’establishment. Même si maintenant, avec ce qui vient de se passer au Brésil [l’élection d’un président d’extrême droite], ça sonne bizarrement.
Et le zombie demeure aussi une figure importante dans le jeu vidéo. Ça reste l’ennemi le plus politiquement correct qu’on puisse imaginer : il est déjà mort, donc on peut lui faire ce qu’on veut ! Et contrairement aux terroristes par exemple, il n’a pas de cause politique.
Quelle est l’origine des zombies ?
On n’en est pas parfaitement certains. Il existerait une origine africaine, qui fait référence aux créatures de la nuit. Mais le premier motif du zombie se produit sans aucun doute en Haïti, où il représente la peur de l’esclavage. C’est un être ensorcelé par un sorcier, on le croit mort et on l’enterre. Il est alors sorti de terre par le sorcier, auquel il est soumis : c’est une figure extrême de l’esclavage. Mais c’est un état temporaire, puisqu’il peut retrouver sa souveraineté.
Autre grande étape dans l’histoire des zombies : les films de George Romero. La Nuit des morts-vivants fête ses 50 ans cette année. En quoi ce réalisateur a-t-il modifié l’image du zombie ?
C’est à lui qu’on doit la forme contemporaine du zombie, l’idée d’un univers assiégé par une grande masse de créatures. Ce qui est nouveau avec Romero, c’est que tous les morts enterrés vont revenir à la vie et pourchasser les humains, et que personne ne tire les ficelles du zombie. Il n’y a pas vraiment de raison à l’arrivée des zombies, et ils n’ont aucun but, à part dévorer des êtres vivants. Il n’y a pas non plus de retour à la condition humaine possible.
NIGHT OF THE LIVING DEAD Re-Release Trailer (1968) George A. Romero Zombie Horror Movie HD
Durée : 01:33
En quoi les zombies de George Romero résonnaient avec leur époque ?
Dans La Nuit des morts-vivants, il évoquait l’idée qu’un satellite serait à l’origine du phénomène. C’était en 1968, en pleine époque de l’exploration spatiale, qui soulevait des peurs.
Certains analystes évoquent quant à eux une critique de la société de consommation. Zombie se déroule dans un centre commercial, et il y a l’idée que les humains sont tellement obnubilés par la volonté de consommer qu’ils continuent à le faire même transformés en zombies. Cela reflète l’aliénation de l’humain dans la société de consommation. Mais George Romero n’a jamais validé cette interprétation.
Y a-t-il eu d’autres grandes vagues de zombies dans la culture populaire ?
Depuis les années 1960, le zombie n’a jamais tout à fait disparu, il a proliféré dans différents domaines comme les jeux vidéo, les BD, les mangas – où il est une figure plutôt grotesque. En fait, on ne lui a jamais vraiment donné la chance de disparaître : dans les années 1980 et 1990, il y a eu la peur du sida, et le zombie répond à la peur de l’épidémie… Il n’y a pas qu’une seule réponse à la popularité des zombies, il y a énormément de choses qui s’expriment à travers lui.
La popularité des zombies s’exprime aussi hors écran, avec les « zombies walks » – des défilés de personnes déguisées en zombies – ou
28 Days Later (1/5) Movie CLIP - Vacant London (2002) HD
Durée : 02:42